De la réinsertion individuelle à la réinsertion collective des anciens émigrés
Diaguily SARAMBOUNOU
Au début étaient des transporteurs épars, constitués essentiellement d’anciens émigrés en France. La plupart d’entre eux sont Soninké, originaires du Guidimakha, zone traditionnelle située au Nord de la région de Kayes, s’étendant de part et d’autre de la frontière Mali-Mauritanie. Ils possédaient chacun leur véhicule avec lequel ils comptaient assurer leur réinsertion économique et opéraient à partir de la ville de Kayes (chef-lieu du cercle de Guidimakha). Nous allons voir ce qui a pu motiver la création d’une coopérative de transport et l’impact de cette réinsertion collective tant au niveau des coopérateurs qu’à celui des usagers.
A l’origine, donc, chacun s’évertuait à transporter « ses étrangers », parents et connaissances en visite ou de passage. La concurrence était vive et ne profitait en fait à personne. En outre, tout le monde étant plus ou moins lié, le voyageur se trouvait souvent embarrassé devant les différents transporteurs avec la plupart desquels il tient des liens de parenté. Pour ne frustrer personne, il préférait le plus souvent voyager avec des transporteurs non originaires du Guidimakha. C’est conscient de ce fait que les transporteurs ont décidé de créer une coopérative. Après de nombreuses réunions, la Coopérative dénommée « Coopérative de transport Guidimakha Djikké » (littéralement : l’espoir du Guidimakha), ayant son siège à Kayes, a démarré ses activités en janvier 1994. L’objectif est d’offrir un service organisé de transport (marchandises et personnes) sur le Guidimakha. Une cour prise en location a été aménagée : construction de locaux et d’un hangar, installation du téléphone. Le patrimoine de la coopérative est, en outre, constitué de 21 véhicules dont 15 camions et 6 véhicules légers type « bâchée » (pick-up Peugeot). Au moment de l’adhésion, chaque coopérateur s’acquitte de la somme de 20.000 Fcfa (200 FF). Le principe de fonctionnement est simple : l’adhérent se met à la disposition de la coopérative qui organise la rotation entre les véhicules. Sur chaque véhicule chargé, la coopérative prélève une certaine somme avant de remettre la recette au coopérateur propriétaire du véhicule. Cette somme est fixée à 5.000 Fcfa pour les camions et à 1000 Fcfa pour les véhicules légers. Pour respecter les traditions de la zone, la coopérative est dirigée par un TOUKALEMA (membre d’une famille détenant la chefferie traditionnelle d’un village). Quant à sa caisse, elle est confiée à un MANGUE, membre d’une famille habilitée à jouer le rôle de trésorier d’un village. Ce choix traditionnel permet d’éviter les conflits au sein des communautés (conflits de personnes, de compétences, etc.). Cela garantit l’adhésion de la population et rend plus commode le fonctionnement.
Bien que la coopérative en soit encore à ses débuts, chaque membre est conscient qu’il n’a jamais autant gagné de l’exploitation de son véhicule. De plus, la coopérative a éteint les différentes rancoeurs car on ne voyage plus avec le véhicule de telle ou telle personne ou famille, mais avec l’un de la coopérative. On ne craint donc plus d’être indexé pour avoir fait un choix malheureux. Tout voyageur sur la zone sait désormais où s’adresser. Un lieu lui est offert pour le regroupement et la prise en charge de ses bagages. Finis donc les errances à la recherche d’un véhicule, les négociations interminables et les voyages reportés. Ce que les voyageurs apprécient également, c’est ce lieu d’échange, où ils peuvent se retrouver, causer, prendre des nouvelles.
La solidarité est aussi un point fort de la coopérative. A d’exemple, elle prend en charge gratuitement le rapatriement de corps, de Kayes vers le village concerné (notamment lorsqu’un ressortissant meurt à l’étranger).
Dans une perspective plus vaste de développement, la coopérative Guidimakha Djikké participe à la réfection des infrastructures routières dont la zone manque si cruellement. En effet, elle offre son soutien au service régional des travaux publics, en lui fournissant du carburant ou même, en effectuant elle même quelques réparations
Centre Djoliba - BP 298, Bamako. MALI. Tél. : (223) 222 83 32 - Fax : (223) 222 46 50 - Mali - centredjoliba (@) afribone.net.ml
Source : base.d-p-h.info