Les immigrés de la vallée du fleuve Sénégal en France :
de nouveaux acteurs dans le développement de leur région d'origine
par Guillaume Lanly(1)
Introduction
1 - L'étude de la relation entre migration internationale de main-d'oeuvre et développement local a donné lieu à de nombreuses discussions. Dans les années 70, les travaux sur le thème concluaient sur le faible impact des transferts des migrants (envois de fonds, transferts de compétences, de technologies, etc.) sur les activités productives. Selon celles-ci les envois de fonds étaient destinés essentiellement à des activités non-productives (Lipton, 1980). Plus récemment, de nouvelles études se sont attachées à démontrer que les effets des transferts de fonds ont été en grande partie sous-estimés. EIles soulignent le rôle essentiel joué par la migration dans la sécurisation des moyens de vie des ménages et mettent en avant les possibilités de développement qui en découlent (Stark, 1991; Taylor, 1995; Libercier, 1996).
Cependant, les migrants buttent le plus souvent sur un environnement peu propice à la valorisation des transferts migratoires que ce soit au niveau du pays d'origine que du pays d'accueil. Les retombées au niveau local de la migration internationale se limitent à une amélioration des conditions de vie des ménages de migrants sans réussir pour autant à stimuler l'activité économique et à réduire la dépendance vis-à-vis des transferts de fonds. Pour favoriser l'investissement productif des envois de fonds, des chercheurs proposent d'améliorer l'environnement économique des régions de départ en intervenant au niveau des politiques et des marchés (Taylor, 1995). D'autres études, qui se basent sur l'expérience de quelques communautés d'immigrants, ont mis en évidence le rôle joué par les associations d'immigrants dans la valorisation des transferts migratoires en direction du lieu d'origine (Libercier, 1996).
2 - C'est en particulier le cas des associations d'immigrés originaires de la vallée du fleuve Sénégal en France qui constituent l'un des premiers agents de développement dans la région. Ces migrants proviennent d'une des zones les plus pauvres du Sahel Occidental. Enclavée, souffrant des conditions climatiques aléatoires, elle connait depuis le début du siécle une forte émigration vers les régions côtières de l'Afrique de l'Ouest et plus récemment vers la France. Sans les envois de fonds, les villages de la région n'auraient probablement pas survécu. Ce qui fait dire à Quiminal que le bassin du fleuve Sénégal repose sur une "économie d'autosubsistance assistée" (1991:11). Ces organisations sont apparues au début des années 80 en réponse à l'aggravation des conditions vie et de travail des immigrés en France et à l'accentuation de la dépendance des communautés d'origines aux envois de fonds. Ces évolutions ont amené la communauté d'immigrés de la vallée du fleuve Sénégal en France à reconsidérer le lien entre migration et économie d'autosubsistance qui prévalait jusqu'alors et à diriger une partie des transferts migratoires vers des actions de développement.
3 - Dans la première partie, nous présenterons le contexte de la migration dans la vallée du fleuve Sénégal. Dans la deuxième partie, nous analyserons les raisons qui ont conduit progressivement les immigrés du bassin du fleuve Sénégal en France à constituer des associations orientées vers le développement de leur région d'origine. Dans la dernière partie, nous étudierons le rôle des associations dans le développement du bassin du fleuve Sénégal. En conclusion, nous discuterons des actions nécessaires pour renforcer les initiatives de ces institutions en faveur de leur pays.
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