Les futurs initiés, cette chanson, ils l'entendront pendant des mois. La danse se déroule, sur la place, une ou deux fois par semaine. Mais la dernière d'entre elles appelée Rippo, ne sera exécutée que le matin du jour précédent l'initiation. Elle est plus spectaculaire que les autres danses et est réservée aux futurs initiés. Elle est destinée à leur insuffler le courage. En effet, aucun signe de peur ne saurait apparaître dans le regard des garçons qui seront le point de mire de toute la population du village, parce qu'ils traverseront la première épreuve de leur vie. Chaque parent devra pouvoir être fier de son fils, louer sa vaillance. Aussi, malheur à celui qui ne saura retenir une grimace!...
La veille au soir, les futurs initiés, se trouvent regroupés chez le Baâo [3].
A Waoundé, une famille de Soumaré était toujours chargée de cette tâche qui impliquait une lourde responsabilité. Les garçons passeront la nuit étendus sur des nattes. Puis à l'aube suivante, un Somby bien chaud, sinon bouillant, leur sera servi. L'aspect brûlant de cette nourriture est particulièrement significatif : il doit prévenir ceux qui en recevront que la journée qui s'ouvre devant eux sera aussi chaude. Vers sept heures vient la visite au fleuve, en la compagnie du Baâo. Il ne s'agit pas simplement de se baigner, mais aussi de recueillir le consentement du Djiin vivant dans ses eaux, le Mouno. Le Mouno étant le symbole de la famille du Baâo, celui-ci doit-il le consulter.
Selon les dires, les membres de cette famille ont le pouvoir d'entrer en contact direct avec le Mouno. Cela quand ils le désirent, mais par le biais, bien évidemment, de pratiques qui leurs sont propres. Pendant la visite que le Baâo et les futurs initiés rendent au fleuve, les forgerons auront aiguisé leur couteaux et se seront déguisés d'une manière repoussante : visage maculé de sang d'un poulet, vêtements très courts et également tachés. Leur couteau ensanglanté à la main, ils gesticuleront en. poussant des cris effrayants destinés à troubler les garçons qui seront livrés à leur soins. Ceux-ci pourtant ne céderont pas à la crainte. D'une part les chants héroïques aux mille significations qu'ils auront entendu soutiendront leur courage. Puis surtout, quel qu'en soit le prix, ils s'interdiront d'humilier "leur famille.
Avant ce jour fatidique, depuis des mois, le Baâo et le doyen des forgerons s'étaient employés à réunir les plantes médicinales : celles qui devront préserver de l'influence des sorciers, celles qui auront un effet aseptisant, enfin qui cicatriseront les plaies. " Amputez ! " ordonna le doyen. Alors les chirurgiens se mettront à tailler, à trancher. Les initiés en dépit de leur âge, exigeront la présence de leurs parents. Non pour être ainsi rassurés, mais pour que ceux-ci remarquent bien leur courage. Impressionnés et satisfaits par autant de vaillance, les parents devront offrir un cadeau de prix dont la valeur dépendra de leurs moyens. Seront ainsi donnés : un cheval, une vache ou une parcelle de terrain. Un oncle, enthousiasmé par le courage de son neveu, lui offrira la main de sa fille. Le fait n'était pas rare; puisque la moitié
des mariages, contactés à cette époque, étaient conclus ainsi - l'union entre cousins et cousines ne fait, au Sénégal, l'objet d'au cune interdiction - .
Outre la présence de ses parents, Mamadou Camara exigea celle de sa copine, une Camara également. Il voulut ainsi démontrer qu'en dépit de la faiblesse des Camara pour les femmes, la réputation de
courage de sa famille se trouvait justifiée une fois de plus. Puis ne serait-ce pas cette copine qui serait chargée de le nourrir, pendant toute la durée du Birou ?