C'est connu, les relations conjugales au Sénégal ne se limitent pas strictement au couple. Les parents interviennent. Sous ce rapport, les belles-mères sont perçues par bon nombre d'épouses comme des invitées qui veulent accaparer le banquet. Des femmes qui ont subi l'enfer de leur belle-mère témoignent.
« Les belles-mères sont envahissantes. Elles veulent tout connaître. Elles agacent à la limite. Elles perturbent notre quiétude intime ». Ces propos de Mme Binta Seck, résidant dans sa belle- famille à Castors, traduisent parfaitement les états d'âme de nombreuses femmes qui considèrent leur belle-mère comme Lucifer (le démon).
Mme Seck ne cache pas les contradictions qui existent entre elle et la maman de son époux. Elle se laisse aller à des confidences : « Je n'arrive pas à vivre en paix avec mon mari qui subit le diktat de sa mère. Même la dépense quotidienne est entre ses mains. Je suis ravalée au rang de domestique. C'est ce drame intérieur que je vis depuis cinq ans ». Et, ajoute-t-elle : « Elle a l'œil en permanence sur moi. Elle contrôle mes relations sociales, mes entrées, mes sorties. Même si je porte de nouveaux habits, elle cherche à tout prix à en connaître l'origine et le coût ». Ce sentiment d'amertume semble animer Mme Soukeyna Diagne, une secrétaire de direction.
Elle confie : « J'ai eu la chance de vivre dans un appartement avec mon époux, loin de ma belle-mère. Cependant, cela ne nous dispense pas de l'ingérence manifeste de cette dernière dans mon ménage ». À l'en croire : « Mon mari n'ose pas m'acheter une robe sans l'aval de sa mère. C'est elle qui régente tout. Les bijoux en or qu'il m'a procurés, il me demande de les cacher loin des yeux de sa maman.
C'est quoi ça ? », s'interroge Mme Diagne avant de lâcher : « Pourtant, mon époux est un grand intellectuel qui refuse de se départir de cette dictature larvée. Ma belle-mère ne sait pas que son temps est révolu ». Elle poursuit : « Elle fait circuler la rumeur selon laquelle je gaspille l'argent de son fils. Avec mon salaire, je participe de manière concrète à rehausser notre niveau de vie. Malgré ces efforts, je ne récolte que des piques », se désole-t-elle. Cette situation délétère conduit souvent à des divorces.
À la limite du supportable, l'individu se déchaîne. Ce fut le cas pour Yama Diop, une enseignante de l'intérieur du pays : « J'ai vécu l'enfer avec ma belle-mère. Celle-ci ne pouvait pas concevoir que son unique fils se marie à une fille qui n'est pas de même ethnie qu'elle. Elle passait tout son temps à me créer des problèmes, à raconter des histoires et à mettre la pression sur mon mari.
À ce dernier, il lui disait souvent qu'il avait fait le mauvais choix en jetant son dévolu sur ma personne ». Subitement, elle s'emmure dans un silence profond. Des souvenirs s'enchevêtrent dans sa tête. Des larmes coulent sur ses joues qui n'ont pas encore subi l'érosion du temps. Elle lâche ces mots : « Ma belle-mère m'a même maraboutée. J'ai fini par devenir malade pendant plus de 18 mois.
Heureusement, mon grand-père, imbu de connaissances mystiques, a su très tôt déceler l'origine de mon mal. Ce fut par la suite le divorce ». Cinq ans après cette traversée du désert, cette combattante contre l'ignorance respire la sérénité et retrouve le sourire. On voit en elle la joie de vivre avec une forme généreuse qui peut faire perdre le Nord à beaucoup d'hommes. Nonobstant cela, elle déclare avoir mis une croix sur les hommes.
À l'en croire : « Présentement, je ne m'occupe que de mes deux enfants. Les hommes ne me fréquentent plus. Ils sont tous pareils ». Ce à quoi ne semble pas adhérer son amie qui soutient : « Je suis victime au même titre qu'elle des assauts de ma belle- mère.
Je n'aime pas revisiter ce pan de ma vie. Tout compte fait, j'ai tourné cette page pénible de mon existence. Je regarde l'avenir. Mon amie soutient qu'elle a abandonné les hommes. Tout ce que je sais, c'est qu'on ne peut pas être insensible aux délices de ce monde ».Sous ce registre précis, les femmes de Modou-Modou souffrent en douceur.
Le supplice des femmes de Modou-Modou
Ndèye Fatou, habitant au cœur de Touba-Mosquée, a subi les affres de sa belle-mère. Elle éprouve le besoin d'exposer sa galère. Elle se rappelle de sa mauvaise passe : « Mon mari m'a connue à Dakar lors d'une soirée mondaine. Des liens se sont tissés et ont abouti au mariage. J'ai rejoint ses parents alors que lui réside en Italie. C'est là que mes peines ont débuté ».
Et raconte-t-elle : « L' argent que m'envoyait mon époux passait par ma belle-mère qui me donnait ce qu'elle jugeait nécessaire pour moi. Ce qui était en deçà de mes aspirations pour la fille de Dakar que je suis. Dans ce milieu réfractaire à la démocratie, à l'analyse et à la liberté, je ne faisais que me soumettre. Finalement, j'ai fini par péter les plombs et exiger mon retour sur Dakar.
Devant ma détermination, mon mari finit par céder et a été marginalisé par sa famille. Je ne me suis pas mariée à sa belle-mère », fait-elle remarquer. Pour sa part, Fama qui vit à Mbacké, reconnaît que : « Nous les femmes de Modou-Modou, nos véritables rivales, ce sont nos belles-mères. Ces dernières ont les yeux braqués sur les fortunes de leurs progénitures.Elles ne veulent pas que nous en jouissions ».
Les belles-mères se défendent à l'instar de Mame Fatim qui vit à Sacré-Cœur : « Nos belles-filles nous font un procès de mauvais aloi. Elles veulent nous reléguer au rang de spectatrices dans le polar qu'elles jouent avec nos progénitures. Nous ne pouvons pas être étrangères dans le ménage de nos enfants pour lesquels nous avons beaucoup investi ». Les épouses apprécieront...
Le Matin, RAMATA