Premier président africain-américain de l'histoire des Etats-Unis, Barack Obama a été élu dans un raz de marée qui a mis tout le pays en liesse. Du New Hampshire à Harlem, des grilles de la Maison Blanche au Grant Park de Chicago, les Américains ont repris sa promesse : "Yes we can!" ("Oui, nous le pouvons!"), tout est possible à un peuple réconcilié.
Dans un pays ébranlé par les crises – économique, morale, identitaire –, Barack Obama a montré le chemin : "Nous sommes et nous serons toujours les Etats-Unis d'Amérique." A Chicago, Barack Obama s'est adressé à 65000 personnes depuis un podium protégé par deux vitres pare-balles. Son visage était grave, comme si le manteau de la fonction s'était imposé sur ses épaules. Il a limité les effusions avec Joe Biden, désormais vice-président élu. Lorsqu'il a fini son discours, les spectateurs, tous submergés d'émotion, certains en pleurs, sont restés longtemps à regarder la tribune et les familles qui s'y trouvaient : Michelle, la nouvelle First Lady, sa mère et son frère Craig Robinson, entraîneur de basket-ball. Malia, 10ans, et Sasha, 7ans, les fillettes à qui leur père a pris soin de dire qu'il les aimait "plus encore qu'elles ne le savaient". Elles ont gagné la permission d'avoir un chien, cadeau que leurs parents leur avaient promis avant de s'engager dans la course à la Maison Blanche.
Barack Obama a aussi évoqué sa grand-mère, morte juste avant l'instant historique. "Je sais qu'elle regarde", a-t-il dit.
Sans triomphalisme, alors qu'il a remporté les trois "grands prix" que sont pour le scrutin présidentiel, l'Ohio, la Floride et la Pennsylvanie, et qu'il a effectué un parcours sans-faute depuis l'annonce de sa candidature à Springfield, la ville d'Abraham Lincoln, Barack Obama a inscrit sa victoire dans l'épopée patriotique. Il a parlé des jalons posés par ses prédécesseurs, de l'esclavage, de la Grande dépression et du New Deal grâce auquel les Américains avaient conquis "la peur elle-même". Il a évoqué Martin Luther King, la conquête de la Lune, les nouvelles technologies. Et la foule, d'abord timidement, puis avec confiance, a repris avec lui : "Yes we can!", comme si elle réapprenait la fierté, après huit ans de flottement. "S'il y a encore qui que ce soit ici qui doute que l'Amérique soit un endroit où tout est possible, qui se demande encore si le rêve de nos fondateurs est toujours vivant, qui s'interroge encore sur la puissance de notre démocratie; ce soir vous apporte la réponse", a dit le futur président.
Barack Obama a lancé un appel au consensus en rendant hommage au parti républicain d'Abraham Lincoln. Il n'a pas caché que la tâche était ardue – deux guerres, une planète en péril, la plus grave crise financière en un siècle. "La route sera longue. La pente est raide. Il se peut que nous n'y parvenions pas en un an ou même en un mandat, a-t-il dit. Mais je vous promets : en tant que peuple, nous y arriverons." Outre les participants invités à la soirée, plusieurs centaines de milliers de personnes qui n'avaient pas pu se procurer de tickets se trouvaient sur Michigan Avenue, les Champs-Elysées de Chicago. Les églises noires de la ville avaient organisé des veillées pour un moment que les pasteurs considéraient comme une célébration plutôt qu'une fête : l'appropriation par les Noirs d'une histoire à laquelle beaucoup ne s'étaient jamais sentis associés.
Malgré son nom, malgré les centaines de courriels qui ont circulé sous le manteau pour semer le doute sur son lieu de naissance ou sa religion, Barack Obama est entré dans le panthéon des présidents américains. "Les gens l'aiment. Encore plus que Clinton", a résumé Mel Zye, un habitant des quartiers Sud dans lesquels il a vait travaillé lorsqu'il était arrivé à Chicago en 1985.
Corine Lesnes
Source : Lemonde