Ecrivain, dramaturge, nouvelliste, et romancier, Cheik Aliou Ndao est né le 3 août 1933 à Bignona (Casamance). Avec son contemporain Abdou Anta Kâ, Thierno Bâ, il signe son premier roman avec « Buur Tileen, roi de la Médina ». Pour lui, il est évident et naturel que quelqu’un écrive dans sa langue. Au moment où la communauté littéraire du Sénégal célèbre la journée de l’écrivain africain (du vendredi 5 au dimanche 7 novembre 2010), Le Soleil se propose d’interroger sa pensée.
Avec un univers littéraire assez singulier, l’écrivain, dramaturge, nouvelliste, et romancier, Cheik Aliou Ndao est d’avis que, normalement, chacun doit écrire dans sa langue. Le Chinois écrit en mandarin, le Japonais écrit en japonais. « Même les Indonésiens qui avaient été colonisés par les Néerlandais et qui avaient dans la tête qu’il ne fallait écrire que dans la langue néerlandaise se sont mis, après leur indépendance en 1945, à écrire dans leur langue », argue-t-il.
Depuis les années 1990, Cheik Aliou Ndao a pris sur lui de ne plus écrire qu’en wolof. L’auteur poète, nouvelliste et dramaturge traduit cependant lui-même ses ouvrages en français. Mbaam Dictateur est la résultante de cette démarche littéraire.
Avec un univers littéraire assez singulier, l’écrivain, dramaturge, nouvelliste, et romancier, Cheik Aliou Ndao est d’avis que, normalement, chacun doit écrire dans sa langue. Le Chinois écrit en mandarin, le Japonais écrit en japonais. « Même les Indonésiens qui avaient été colonisés par les Néerlandais et qui avaient dans la tête qu’il ne fallait écrire que dans la langue néerlandaise se sont mis, après leur indépendance en 1945, à écrire dans leur langue », argue-t-il.
Depuis les années 1990, Cheik Aliou Ndao a pris sur lui de ne plus écrire qu’en wolof. L’auteur poète, nouvelliste et dramaturge traduit cependant lui-même ses ouvrages en français. Mbaam Dictateur est la résultante de cette démarche littéraire.
Justifiant son choix d’écrire dans sa langue maternelle, le wolof, C. A. Ndao estime que s’il écrit dans cette langue, c’est qu’il doit écrire en wolof. Parce-que, dit-il, c’est sa culture, son éducation. Ce n’était pas un combat du départ. Par la suite, au contact de la philosophie de Cheikh Anta Diop, c’est devenu pour d’autres comme pour lui un combat pour réhabiliter les langues africaines.
Pour l’auteur de L’exil d’Alboury, historiquement, certaines langues africaines telles que le wolof, le pulaar, le mandingue, le soninké ont longtemps été écrites avec des caractères arabes, de telle sorte que l’on a des textes très anciens qui existent dans ces langues. Evoquant les circonstances dans lesquelles il a décidé d’écrire en wolof, l’écrivain-dramaturge avance que l’écriture en caractère latin, qui est actuellement utilisée, part pour l’essentiel des travaux de Cheikh Anta Diop, même si avant lui, des missionnaires français ont traduit la Bible dans nos langues pour évangéliser les populations de certains pays africains.
Au Sénégal, en plus de ces missionnaires, des chercheurs et des ethnologues ou même d’anciens gouverneurs -comme Faidherbe- ont travaillé dans ce domaine.
Du point de vue de C. A. Ndao, c’est véritablement à partir de la publication de « Nations nègres et culture » de C. Anta Diop (1954) qu’un groupe d’étudiants s’est constitué autour de lui à Paris. « Nous nous sommes attelés à approfondir ce qui a été fait dans nos langues, s’est rappelé l’écrivain dans l’une de ses interviews. Ensuite, le groupe de Paris a demandé au groupe de Grenoble de prendre le relais et c’est le travail qui a été commencé par Cheikh Anta qui a été continué sous l’égide du professeur Assane Sylla. »
Travaux de finition du syllabaire wolof
Ainsi, autour du Pr Sylla, il y avait, Djibril Assane Mbengue, Massamba Sarré, le président Abdoulaye Wade et Cheik Aliou Ndao. Quand il s’est agit de faire imprimer le travail qu’ils avaient accompli pour sortir « Ijib wolof », le groupe de Paris leur a envoyé Saliou Kandji. Celui-ci est venu assister et surtout participer aux travaux de finition du syllabaire wolof. C’était en 1958. « Une fois que nous nous sommes mis d’accord sur l’écriture en caractères latins, se remémore C.A. Ndao, j’ai pu continuer mon travail et c’est ce qui m’a permis d’écrire « Buur Tiléen, roi de la Médina » (roman), des pièces de théâtre et surtout des poèmes. »
Ce travail a été fortement soutenu à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) par le linguiste Aram Fall Diop. Celle-ci s’est évertuée à publier des recueils de poèmes. « C’était important, parce que l’édition en langues nationales n’était pas encouragée par les autorités » se souvient le romancier. Une évocation qui permet à C. A. Ndao d’opiner sur la situation actuelle des langues nationales. « Je dirai que nous sommes encore victimes d’un complexe d’infériorité, dit-il. Il y a longtemps que l’on parle des langues nationales et pourtant, les gens ne veulent pas faire d’efforts pour pouvoir écrire dans leurs langues ».
Selon lui, c’est un problème à la fois psychologique et politique parce qu’il est difficile de se débarrasser du carcan dans lequel est enfermé depuis son plus jeune âge, le colonisé. « Il est façonné par l’école, les livres qu’il lit et toutes les images qu’il voit, remarque l’auteur de Excellence vos épouses. Très tôt, on lui apprend à survaloriser la civilisation occidentale et surtout la langue française. L’enfant grandit donc, surtout dans les villes, avec la conviction qu’il faut tout faire pour se rapprocher de l’homme parfait qu’est l’occidental. » L’écrivain a même eu vent que certains « intellectuels » tiennent à ce que leurs enfants s’expriment tout le temps en français. Une tendance qui a poussé C.A. Ndao à poser un regard sur une éventuelle présence des langues nationales à l’école primaire. « Ce n’est pas ce qu’il faut mais plutôt une campagne massive comme à Cuba, suggère-t-il. En trois ans, on a réussi à alphabétiser tout le monde dans ce pays. On devrait de faire même ici et encourager chaque adulte déjà formé à alphabétiser dix personnes dans son quartier. »
On ne choisit pas de devenir écrivain
Toujours est-il que quelle que soit la méthode argue-t-il, il faut surtout que l’exemple vienne d’en haut. De son point de vue, les ministres, les gouverneurs, les préfets doivent montrer qu’ils croient eux-mêmes à nos langues nationales. « Il ne faut pas qu’on ait l’impression que ces langues sont réservées aux citoyens de seconde zone, ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école française », fait remarquer le romancier. Selon lui, on ne choisit pas de devenir écrivain, c’est la littérature qui choisit de cheminer avec quelqu’un. Cheik Aliou Ndao qui détermine ainsi les termes d’une sorte de contrat avec l’écriture précise également que cet acte créateur est une véritable aventure. Celle-ci se décline d’abord à la première personne du singulier. « Elle est d’abord recherche de soi à travers les mots. Mais cette recherche est une quête perpétuelle car, le mot se dérobe souvent, cela entretient l’insatisfaction de l’auteur. » Cette aventure intime devient par la suite partage. L’auteur l’atteste : « On se rend compte qu’en cherchant à travers les mots, on rencontre l’autre. Et le monologue devient dialogue. En libérant le mot, on réalise qu’il se projette dans le cœur d’autrui. Et c’est ainsi qu’une angoisse personnelle pourrait devenir l’angoisse de celui qui nous lit. » Ce qui fait que ce voyage à travers le mot est un va- et -vient entre soi-même et l’autre.
Pour le journaliste Massamba Mbaye, l’écrivain entre dans cet univers de la prose où des vers par le biais de plusieurs genres. L’auteur remarquera que de tous les genres, le théâtre lui semble le plus complet. « Avec le théâtre, on ne sollicite pas uniquement l’ouïe et la vue mais on invite à participer au jeu. Dans mes œuvres théâtrales, je donne au griot une place de choix, sa place originelle. », C. A. Ndao qui s’exprimait en avril 2001 à l’ouverture des ateliers de création littéraire du réseau Helsen, fait aussi référence au cercle qui était la disposition coutumière de l’expression théâtrale. A son avis, il s’agit également de ne pas tomber dans les clichés sur nos souverains barbares mais de faire la part des choses et de rétablir une certaine vérité. Et c’est dans cette orientation que se trouve son ambition constante d’exhumer, de re (construire) des mythes qui galvanisent et qui poussent les peuples en avant.
Même s’il reconnaît de Cheik Aliou Ndao l’un de nos plus grands dramaturges, un pionnier de littérature sénégalaise d’expression française et wolof, Alioune Badara Bèye, président de l’Association des écrivains du Sénégal (Aes), n’adhère pas complètement à l’opinion de C.A Ndao. Celui-ci avait une fois déclaré qu’écrire dans sa propre langue, c’est refuser la domination de l’esprit. « Chacun à son avis sur ça, rétorque A.B. Bèye. Je reprends ce que Wole Soyinka avait proclamé un jour : écrire une pièce, un poème, un roman en yoruba ou en anglais, l’essentiel est que le contenu de l’œuvre soit à la disposition du public et que le message puisse passer. »
Comme pour encourager l’expression littéraire dans les langues nationales du Sénégal, le Centre d’orientation et d’études sur l’Afrique, a instauré, en mars 2004, le concours littéraire dénommé Prix Cheik Aliou Ndao. Le concours concerne deux genres : la poésie et les nouvelles écrites en langues pulaar et wolof.
El Hadji Massiga FAYE
Pour l’auteur de L’exil d’Alboury, historiquement, certaines langues africaines telles que le wolof, le pulaar, le mandingue, le soninké ont longtemps été écrites avec des caractères arabes, de telle sorte que l’on a des textes très anciens qui existent dans ces langues. Evoquant les circonstances dans lesquelles il a décidé d’écrire en wolof, l’écrivain-dramaturge avance que l’écriture en caractère latin, qui est actuellement utilisée, part pour l’essentiel des travaux de Cheikh Anta Diop, même si avant lui, des missionnaires français ont traduit la Bible dans nos langues pour évangéliser les populations de certains pays africains.
Au Sénégal, en plus de ces missionnaires, des chercheurs et des ethnologues ou même d’anciens gouverneurs -comme Faidherbe- ont travaillé dans ce domaine.
Du point de vue de C. A. Ndao, c’est véritablement à partir de la publication de « Nations nègres et culture » de C. Anta Diop (1954) qu’un groupe d’étudiants s’est constitué autour de lui à Paris. « Nous nous sommes attelés à approfondir ce qui a été fait dans nos langues, s’est rappelé l’écrivain dans l’une de ses interviews. Ensuite, le groupe de Paris a demandé au groupe de Grenoble de prendre le relais et c’est le travail qui a été commencé par Cheikh Anta qui a été continué sous l’égide du professeur Assane Sylla. »
Travaux de finition du syllabaire wolof
Ainsi, autour du Pr Sylla, il y avait, Djibril Assane Mbengue, Massamba Sarré, le président Abdoulaye Wade et Cheik Aliou Ndao. Quand il s’est agit de faire imprimer le travail qu’ils avaient accompli pour sortir « Ijib wolof », le groupe de Paris leur a envoyé Saliou Kandji. Celui-ci est venu assister et surtout participer aux travaux de finition du syllabaire wolof. C’était en 1958. « Une fois que nous nous sommes mis d’accord sur l’écriture en caractères latins, se remémore C.A. Ndao, j’ai pu continuer mon travail et c’est ce qui m’a permis d’écrire « Buur Tiléen, roi de la Médina » (roman), des pièces de théâtre et surtout des poèmes. »
Ce travail a été fortement soutenu à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) par le linguiste Aram Fall Diop. Celle-ci s’est évertuée à publier des recueils de poèmes. « C’était important, parce que l’édition en langues nationales n’était pas encouragée par les autorités » se souvient le romancier. Une évocation qui permet à C. A. Ndao d’opiner sur la situation actuelle des langues nationales. « Je dirai que nous sommes encore victimes d’un complexe d’infériorité, dit-il. Il y a longtemps que l’on parle des langues nationales et pourtant, les gens ne veulent pas faire d’efforts pour pouvoir écrire dans leurs langues ».
Selon lui, c’est un problème à la fois psychologique et politique parce qu’il est difficile de se débarrasser du carcan dans lequel est enfermé depuis son plus jeune âge, le colonisé. « Il est façonné par l’école, les livres qu’il lit et toutes les images qu’il voit, remarque l’auteur de Excellence vos épouses. Très tôt, on lui apprend à survaloriser la civilisation occidentale et surtout la langue française. L’enfant grandit donc, surtout dans les villes, avec la conviction qu’il faut tout faire pour se rapprocher de l’homme parfait qu’est l’occidental. » L’écrivain a même eu vent que certains « intellectuels » tiennent à ce que leurs enfants s’expriment tout le temps en français. Une tendance qui a poussé C.A. Ndao à poser un regard sur une éventuelle présence des langues nationales à l’école primaire. « Ce n’est pas ce qu’il faut mais plutôt une campagne massive comme à Cuba, suggère-t-il. En trois ans, on a réussi à alphabétiser tout le monde dans ce pays. On devrait de faire même ici et encourager chaque adulte déjà formé à alphabétiser dix personnes dans son quartier. »
On ne choisit pas de devenir écrivain
Toujours est-il que quelle que soit la méthode argue-t-il, il faut surtout que l’exemple vienne d’en haut. De son point de vue, les ministres, les gouverneurs, les préfets doivent montrer qu’ils croient eux-mêmes à nos langues nationales. « Il ne faut pas qu’on ait l’impression que ces langues sont réservées aux citoyens de seconde zone, ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école française », fait remarquer le romancier. Selon lui, on ne choisit pas de devenir écrivain, c’est la littérature qui choisit de cheminer avec quelqu’un. Cheik Aliou Ndao qui détermine ainsi les termes d’une sorte de contrat avec l’écriture précise également que cet acte créateur est une véritable aventure. Celle-ci se décline d’abord à la première personne du singulier. « Elle est d’abord recherche de soi à travers les mots. Mais cette recherche est une quête perpétuelle car, le mot se dérobe souvent, cela entretient l’insatisfaction de l’auteur. » Cette aventure intime devient par la suite partage. L’auteur l’atteste : « On se rend compte qu’en cherchant à travers les mots, on rencontre l’autre. Et le monologue devient dialogue. En libérant le mot, on réalise qu’il se projette dans le cœur d’autrui. Et c’est ainsi qu’une angoisse personnelle pourrait devenir l’angoisse de celui qui nous lit. » Ce qui fait que ce voyage à travers le mot est un va- et -vient entre soi-même et l’autre.
Pour le journaliste Massamba Mbaye, l’écrivain entre dans cet univers de la prose où des vers par le biais de plusieurs genres. L’auteur remarquera que de tous les genres, le théâtre lui semble le plus complet. « Avec le théâtre, on ne sollicite pas uniquement l’ouïe et la vue mais on invite à participer au jeu. Dans mes œuvres théâtrales, je donne au griot une place de choix, sa place originelle. », C. A. Ndao qui s’exprimait en avril 2001 à l’ouverture des ateliers de création littéraire du réseau Helsen, fait aussi référence au cercle qui était la disposition coutumière de l’expression théâtrale. A son avis, il s’agit également de ne pas tomber dans les clichés sur nos souverains barbares mais de faire la part des choses et de rétablir une certaine vérité. Et c’est dans cette orientation que se trouve son ambition constante d’exhumer, de re (construire) des mythes qui galvanisent et qui poussent les peuples en avant.
Même s’il reconnaît de Cheik Aliou Ndao l’un de nos plus grands dramaturges, un pionnier de littérature sénégalaise d’expression française et wolof, Alioune Badara Bèye, président de l’Association des écrivains du Sénégal (Aes), n’adhère pas complètement à l’opinion de C.A Ndao. Celui-ci avait une fois déclaré qu’écrire dans sa propre langue, c’est refuser la domination de l’esprit. « Chacun à son avis sur ça, rétorque A.B. Bèye. Je reprends ce que Wole Soyinka avait proclamé un jour : écrire une pièce, un poème, un roman en yoruba ou en anglais, l’essentiel est que le contenu de l’œuvre soit à la disposition du public et que le message puisse passer. »
Comme pour encourager l’expression littéraire dans les langues nationales du Sénégal, le Centre d’orientation et d’études sur l’Afrique, a instauré, en mars 2004, le concours littéraire dénommé Prix Cheik Aliou Ndao. Le concours concerne deux genres : la poésie et les nouvelles écrites en langues pulaar et wolof.
El Hadji Massiga FAYE