Secrétaire d’Etat au droit de l’Homme dans le gouvernement français de Sarkozy, Rama Yade est une léboue bien loin de ses racines sénégalaises. Sa petite taille contraste avec l’énormité de ses ambitions. Des ambitions qu’elle a affichées depuis son enfance. Et pour se donner les moyens de les réaliser, elle a tôt compris la nécessité de cultiver l’excellence. D’où les bons résultats qu’elle a toujours obtenus durant tout son cursus scolaire. Pour le dire, il n’y a pas plus placé que son père, Djibril Yade. Joint au téléphone, hier, il se rappelle : «Elle a toujours été première de sa classe. Quand elle était à l’école, elle ne m’a jamais présenté une copine.» De ce témoignage, M. Yade veut faire remarquer que sa fille n’avait aucune autre fréquentation que l’école et aucune autre préoccupation que ses études. Un choix payant avec sa nomination dans un gouvernement français ? M. Yade, même s’il défend ne pouvoir parler de sa fille, ne veut pas verser dans la glorification : «C’est le destin.» Ce destin de Rama Yade commence à se réaliser depuis sa naissance, à Dakar, un 13 décembre 1976. D’un père qui a servi Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor en qualité de secrétaire particulier, elle bénéficie d’une enfance heureuse.
Ce sagittaire au nez épaté, laisse toujours échapper son sourire, comme pour montrer la blancheur de ses dents qui contrebalance sa noirceur d’ébène. Elle est toujours portée sur des tenues correctes, son corps ne souffre plus des effets néfastes de l’harmattan. D’où la clarté de son teint. Son long séjour en France l’a complètement métamorphosée. «C’est une fille consciente qu’elle est une Française. Elle se sent une Française. Elle n’a ni le complexe, ni la gêne», témoigne Me Mbaye Jacques Diop, ami d’enfance de son père. Se rappelant d’une de leurs rencontres dans un café quartier du Luxembourg, l’ancien président du Craes retient de Rama Yade «une fille très intelligente, vive d’esprit et dotée d’une bonne dose de culture générale». Ses qualités ont été sûrement déterminantes dans la suite de son cursus scolaire. Après de brillantes études supérieures en sciences politiques, Rama réussit le difficile concours des administrateurs du Sénat. Une formation lui avait permis de faire un stage au défunt Conseil économique et social du Sénégal alors présidé par Famara Ibrahima Sagna. Son penchant pour la politique la pousse dans les bras de Nicolas Sarkozy qui détecte dès les premiers contacts la « perle ». Les idéaux de droite qu’ils partagent font le reste.
La fille d’Aminata Kandji, un professeur restée en France, pense, d’après les témoignages de Mbaye Jacques Diop, devoir plus à sa mère qu’à son père. A tort ou à raison». Ce sentiment fortement ancrée chez la fille découle de la distance qui l’a séparée de son papa pendant très longtemps. Pourtant, Me Diop se plaît à rétablir la vérité : «Son père qui avait toujours servi Senghor a eu de l’affection pour elle, même après qu’il a quitté la présidence de la République. C’est ainsi que Djibril Yade a amené sa famille en France. Il y vivait avec son épouse et ses trois filles dont Rama. L’heure de la retraite sonne, le père décide de rentrer et de commun accord, la femme reste avec les enfants pour bénéficier des avantages sociaux». La proximité avec la mère fait ressentir la distance avec le père de sorte que les rapports entre les deux ne sont pas ce qu’ils auraient dû être. D’ailleurs, cette situation a été constatée Jean Marie Bockel qui jugeait, en privé à Dakar, que «Rama Yade n’a pas beaucoup d’amitié pour son père». Même si elle dit incarner «tout ce que les hommes politiques ne sont pas : une femme, jeune, noire et musulmane», il reste que son mariage a suscité beaucoup de controverses. Elle s’est liée à un juif français du nom de Joseph Zimet, un socialiste conseiller au cabinet du secrétaire d'État tout aussi socialiste, Jean-Marie Bockel. L’époux de Rama est le fils du célèbre chanteur yiddish Ben Zimet.
Présentée comme une femme caractérielle et fougueuse, son père minimise et donne les raisons : «Elle peut se fâcher vite, mais elle se rétablit vite aussi». Pour cause, «c’est une léboue», souligne-t-il. C’est aussi une Occidentale. Rama a tout d’un « être hybride, à défaut de n’être pas deux ». Elle en est plutôt fière.
Source: L'observateur