Un candidat vaccin expérimental réduirait de 62 % le risque d'une infection par le parasite chez les tout-petits.
UN VACCIN expérimental contre le paludisme suscite à nouveau un espoir raisonnable de prévenir un jour la maladie par une simple injection. Les résultats obtenus avec ce candidat vaccin ont fait l'objet hier d'une publication savante dans la revue médicale britannique The Lancet. La même équipe d'universitaires espagnols (hôpital-clinique, université de Barcelone) et de biologistes industriels belges (Glaxo Biologicals) avait réussi, en Gambie sur des adultes en 2001 et au Mozambique sur des enfants de 1 à 4 ans, à retarder de quelques mois chez 30 % des vaccinés le délai d'apparition de premières crises paludéennes.
Cette fois, toujours dans The Lancet, c'est sur une petite cohorte de 214 nouveau-nés de quelques semaines, suivis pendant six mois, que le candidat vaccin dirigé contre le Plasmodium falciparum, une des quatre espèces spécifiques de l'homme, a été testé. Il s'agit d'une étude en double aveugle : trois injections (du candidat vaccin pour un groupe, ou du vaccin antihépatite B pour le second) sont faites à 8, 12 et 16 semaines de vie.
Les seringues de vaccin étaient masquées pour empêcher la mère de voir le contenu, les travailleurs sociaux ont visité les familles et les enfants chaque jour pendant un mois après chaque dose. Premier résultat : le vaccin est sans danger. Sur la période vaccinale, 17 effets secondaires sérieux ont été notés chez les enfants des deux groupes. Le suivi de la cohorte jusqu'en mars 2007 a répertorié 31 et 30 effets secondaires graves dans l'un et l'autre groupe.
Le vaccin n'a donc pas d'effet délétère. Mais les chercheurs estiment aussi que le vaccin est efficace. Ils en veulent pour preuve que sur un total de 68 primo-infections parasitaires, 22 seulement ont été observées dans le groupe d'enfants vaccinés, contre 46 dans le groupe témoin. Ils calculent que l'efficacité « brute » du vaccin est de 62 %. Mais ce n'est pas suffisant. « On confond, l'efficacité avec le simple retard d'apparition des premières crises de paludisme, explique le Pr Pierre Druilhe (Institut Pasteur, Paris). On n'est protégé que temporairement. Les essais cliniques de phases 1 et 2 n'ont pas démontré qu'ils pouvaient prévenir l'infection ou les cas cliniques. Aucune réduction de la densité parasitaire n'a été observée dans les crises de paludisme survenues chez certains vaccinés. »
Quatre cents espèces de parasites du paludisme
Depuis quarante ans, la recherche d'un vaccin contre le paludisme est le cimetière des espoirs déçus. Il y a plus de 400 espèces de parasites du paludisme dans la nature, trois stades de reproduction (l'un sexué chez le moustique vecteur, et deux stades asexués dans le foie et les globules rouges de la victime humaine). « À chaque étape, le parasite change complètement d'expression génétique, ce qui induit des différences majeures de morphologie, de métabolisme, de contenu antigénique », écrit Pierre Druilhe dans Current Opinion in Microbiology.
Le candidat vaccin espagnol testé dans ce nouvel essai appartient à la catégorie des vaccins pré-érythrocytaires PEV (donc avant le passage des parasites dans les cellules du sang). Il entraîne une immunité forte chez l'homme et l'animal, et à ce titre a généré de grands espoirs, attiré des chercheurs et des industriels. La fondation Bill and Melinda Gates, réunie cette semaine à Seattle, a investi 1 milliard de dollars dans ce programme vaccinal. « Il existe un marché potentiel de plusieurs milliards de dollars, ce qui attire une bonne part des financements de la recherche vaccinale », estime Druilhe. D'autres pistes méritent aussi d'être suivies : ainsi, les parasites transmis par des piqûres de moustiques irradiés confèrent à des volontaires sains une protection totale. Pourquoi ? On ne le sait pas...
Source : Lefigaro.fr