Pour Jacques CHEVRIER, " L’oralité dominante en Afrique noire n’exclut pas certaines formes d’écriture. " Et ALEXANDRE de rajouter : " l’Afrique a des écritures, qui ont servi à la rédaction d’ouvrages littéraires. ". En réalité, les sociétés orales entretiennent toutes un rapport plus ou moins étroit avec l’écrit au sens large du terme. D’une part, elles ont toutes été en rapport avec des sociétés écrites, dès le VIIIeme siècle avec l’Islam, ensuite avec les explorateurs européens puis les missionnaires. Ces contacts avec l’écrit ont laissé des traces dans la société. On observe ainsi l’usage de plusieurs alphabets différents en Afrique. ALEXANDRE les répertorie en cinq catégories. L’alphabet latin, plus ou moins modifié, longtemps utilisé pour conserver les textes oraux et actuellement le mode de transcription de langues d’Afrique de l’Ouest et du Sud. L’alphabet libyco-berbère encore employé par les Touareg. Cet alphabet aurait d’après l’auteur traversé le Sahara aux IIIeme et IVeme siècles avant notre ère. L’alphabet arabe apparu aux VIIIeme ou IXeme siècles avec les invasions musulmanes.
Cette écriture a servi à de nombreux textes historiques, juridiques, théologiques, particulièrement au Soudan. L’alphabet arabe a également servi à transcrire certaines langues de l’Afrique de l’Est comme le swahili ou le somali. L’auteur suppute également la possible utilisation des hiéroglyphes égyptiens dans les premiers écrits africains mais avec malgré tout quelques réserves. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les inventions africaines plus récentes. Dans plusieurs pays africains, on trouve des modes de transcription cohérents comme dans les langues " bamoun " au Cameroun et " nsibidi " au Nigeria. Ne pas utiliser l’écrit dans leur communication est un donc un choix délibéré. Même maintenant où la majorité des peuples d’Afrique ont l’écriture, l’oral et l’oralité gardent une place très importante. Certaines sociétés traditionnelles ont recours à l’écrit mais uniquement pour une communication bien particulière, qui a souvent rapport avec la religion ou le mystique. L’écrit est alors sacré et c’est une manière de bien différencier la langue du culte et la langue de tous les jours. Cet écrit est réservé à une infime partie de la population comme les prêtres ou les mages. On observe aussi chez certains peuples une forme d’écrit, si on prend " écrit " dans son sens de conservation, de mémoire et qu’on laisse de côté la " graphie " au sens strict. Prenons l’exemple des Taampha de Bawoyo (Zaïre/Angola). Madiya C. FAÏK-NZUJI dans son article : " les secrets de la parole sculptée " expose cette pratique des populations Bawoyo. Ce peuple privilégie dans la pratique de l’oral les " paroles du premier matin ", les " nongo ", autrement dit les proverbes. On en trouve partout. On en voit, on en entend, on en touche partout : masques, objets rituels, couvercles et ustensiles. Les Mataampha sont des couvercles et des planchettes en bois sculptés pour la communication des proverbes. Ils sont un support de communication. Ils contiennent des enseignements, des conseils et font aussi office de mémoire collective en représentant des proverbes. Par exemple, une femme qui désire son mari pourra lui signaler en lui servant son repas avec un couvercle illustrant ce désir. Ces sculptures ne sont pas des sculptures à visée esthétique mais à but de communication et de transmission d’un savoir. L’oralité dans les sociétés orales apparaît donc comme un choix de vie, une manière de penser et de communiquer. Nous avons pu voir que l’on distingue l’oral ordinaire de l’oral ritualisé, codé qui apparaît dans des situations de communication bien particulières. C’est ce qu’on appelle la littérature orale
Source : Contes africains