Un roman si loin, mais si près du Sénégal.
L’écrivain sénégalais El Hadji Diagola n’a qu’un seul combat qui lui tient à cœur : «C’est la protection des civilisations bafouées.» Il vient de le prouver à nouveau avec la parution de son dernier roman, Un Président fou. Paru aux éditions Bajag-Meri, le journaliste-écrivain y dénonce les nombreux problèmes de tout un continent, mais surtout, ceux de Diamané, une contrée jumelle au Sénégal.
L’écrivain sénégalais El Hadji Diagola n’a qu’un seul combat qui lui tient à cœur : «C’est la protection des civilisations bafouées.» Il vient de le prouver à nouveau avec la parution de son dernier roman, Un Président fou. Paru aux éditions Bajag-Meri, le journaliste-écrivain y dénonce les nombreux problèmes de tout un continent, mais surtout, ceux de Diamané, une contrée jumelle au Sénégal.
«L’alternance ! Un beau et joli mot pour la politique politicienne. Un mot qui va, peut-être aujourd’hui, changer la vie de cette population de la République de Diamané.» C’est par ces mots d’espoir que El Hadj Diagola emporte son lecteur dans l’univers de son roman Un Président fou. Cette dernière parution à travers laquelle l’auteur décrit et raconte la vie d’une contrée africaine Diamané, qui vient d’élire son nouveau président après des élections non frauduleuses, comme c’est souvent le cas en Afrique.
Le film des événements tels que décrit par l’écrivain fait défiler à l’esprit les souvenirs d’un 19 mars au Sénégal. Tout porte à croire, en partant des faits, que la trajectoire de Diamané ressemble fort bien à la vie politique du Sénégal. Les images, les récits, les hommes, les acteurs politiques, les pensées, les actions, tout dans le livre ramène fortuitement à l’histoire récente du Sénégal. Pourtant, il s’agit bien, pour El Hadji Diagola de «Diamané», ce petit pays d’Afrique où, le vote du second tour de l’élection présidentielle s’est déroulé sans violence, sans fraude et aucune contestation.
«Ce 10 mars fut une journée historique pour le peuple de la Nation Diamané. Car, l’opposant historique, Sadio Wakhanté, l’emportait confortablement par cinquante-huit virgule cinquante pour cent contre quarante et une virgule deux cent pour cent pour Pathé Diagossène. Une page venait d’être tournée dans ce pays. Enfin ! cette alternance tant promise, tant rêvée se concrétise dans le calme, sans effusion de sang…», écrit l’auteur, qui, pour décrire les circonstances de l’investiture du nouveau président, fait usage d’images assez évocatrices : «Monsieur Sadio Wakhanté, nouveau président de la République de Diamané avait fait sa prestation de serment dans un grand stade du pays pour démontrer à ceux qui l’avaient élu et auxquels il était resté attaché tout au long de la campagne, malgré les défis à relever, qu’il demeurait pour chaque électeur, un être accessible, ouvert, disponible, proche et qu’il était plus que jamais décidé à rester fidèle au type de relations qui avait, tout temps, régi ses rapports.»
Aussi, à «Diamané», comme le raconte El Hadji Diagola dans son ouvrage, le nouveau président nomma aussitôt après la cérémonie de prestation de serment dans le stade, monsieur Kapalémè Siré du Parti du progrès, au poste de Premier ministre pour ce premier gouvernement de l’alternance. Il fit circuler également au niveau du Palais et au sein de son parti et de la société civile, une modalité de demandes de recrutement, basé sur la confection d’un curriculum vitae lourd.
Les mois passèrent. Et, de plus en plus la nouveauté devient difficile à gérer. «Les divergences demeurent», fait remarquer l’auteur qui indique par ailleurs que le président du pays tente par tous les moyens de contrer les attaques de ses ennemis opposés à la modernité et au libre-arbitre. Mais, «ces adversaires sont cachés sous un masque amical», indique l’auteur qui dans la deuxième partie de l’œuvre, à la page 95 décrit dans un style alerte le changement de comportement du président. «Au Palais, son Excellence changea de comportement, ce qui inquiéta ses meilleurs amis politiques, fondateurs du Parti de réforme de «Diamané». Il devint despotique et surtout autoritaire… Ainsi, ce président de la République de la post-alternance, après 4 ans de pouvoir, avait déçu tout un peuple», mentionne-t-il.
La troisième et dernière partie de ce roman paru aux éditions Bajag-Meri, met par la suite, à nu, les carences et les déboires engendrés par l’investiture de ce Président fou que l’auteur nomme par ailleurs Sadio Wakhanté. En effet, dans ce dernier tableau, le lecteur lit et vit avec beaucoup d’intérêt «la guerre de positionnement» qui s’est intensifiée au niveau de la Présidence de la République. Car, «les relations de Sauma, fils aîné du chef de l’Etat et de son fils spirituel dans le parti et au palais s’embrouillaient davantage…». L’intensité de ce contentieux finit par une division totale et fait décider le président, à non seulement limoger ce fils spirituel, mais aussi à le mettre en prison pour «atteinte à la sûreté de l’Etat et à la défense nationale»… Mais plus tard, se sentant malade et fatigué, ce Président fou réunit toute sa famille et invita ses deux fils à la réconciliation. Ainsi, décida-t-il après avoir fait son mea culpa, de laisser sa place au «fils spirituel» devenu Président du Sénat après sa sortie de prison.
Le roman, Un Président fou de El hadji Diagola, journaliste indépendant et natif du village de Moudery dans le département de Bakel au Sénégal, constitue somme toute, un récit, une histoire, mieux un roman si loin et si proche du déroulement des faits politiques ayant marqué son pays natal, de 2000 à nos jours. Même s’il s’agit simplement d’une fiction, révélant la réalité des problèmes rencontrés dans certaines régions africaines, cet écrivain, auteur par ailleurs de Un noir à l’Elysée, s’est semble-t-il inspiré de la vie politique sous le magister de Me Ab-doulaye Wade. Raison pour laquelle, on se demande, en finissant de lire son roman, si quelque part, El Hadji Diagola ne se serait pas pris pour un prophète, en allant au-delà du temps dans son récit ? En tout cas, il aura réussi en produisant cet ouvrage de matérialiser, une fois de plus, «son combat pour l’émergence d’un monde de paix entre les races et les civilisations».
Par Gilles Arsène TCHEDJI, LeQuotidien.sn