Les sens contraires de la migration:
.Les Soninké, originaires d’Afrique subsaharienne, ont développé diverses stratégies migratoires au fil des époques et au gré des événements historiques, économiques, politiques et climatiques. Les logiques, les modalités et les répercussions de ces migrations ont été largement étudiées1. Cependant, à l’heure où les politiques en matière d’immigration se durcissent dans la plupart des pays européens, des familles soninké donnent à la notion même de migration un sens inédit.
Des garçons nés en France et ayant grandi au Mali font le voyage vers la France à l’âge de 16 ans où ils entament une formation ou commencent à travailler. Certains se rendent dans d’autres pays (Angleterre, États-Unis), toujours pour travailler. Des jeunes filles d’origine soninké nées en France sont emmenées au Mali à des âges divers pour y être, à terme, mariées.
Elles se rendent ensuite en France ou restent au village. Doit-on parler de ‘migration’ ou de ‘circulation’ lorsque ces jeunes français d’origine soninké passent, de façon plus ou moins contrainte, d’un pays à l’autre au gré du cycle de l’enfance et de l’adolescence ? Quels sont les modalités et les buts de ces déplacements ? Diffèrent-ils en fonction du sexe ? Quelles normes, représentations et valeurs sont mobilisées de part et d’autre dans ces circonstances ? S’agit-il de nouvelles stratégies migratoires ? Plus largement, on tentera de saisir les sens pris par ces circulations intrafamiliales entre le Mali et la France au regard de la notion de ‘dette migratoire’ et en les inscrivant dans la problématique de la construction des identités et des appartenances à partir des variables du sexe et des modalités de la circulation, composantes essentielles du modelage identitaire.