Le mariage est une recommandation de Dieu : «Epousez les femmes qui vous conviendront…. » Coran : Sourate 24 –verset 32. C’est un contrat entre un homme et une femme. Avant le jour du mariage, il y a beaucoup de démarches préliminaires à faire. Tout d’abord, l’homme doit payer le Tamma ( Dot ) de sa future femme dont la somme varie d’une famille à l’autre. Les chefs du village ou "Débégoumou" canalise ce jour la surenchère dont il fait l’objet par certains pères de famille qui trouvaient par la dot une occasion pour améliorer leur situation économique. C’est ainsi que le "Tamma "a été fixé à 150 000 FCFA pour une jeune fille et 75 000 FCFA pour une femme qui s’est une fois mariée. Autrefois, il était matérialisé par la cola et le sel.
Tamma et Fuuté ( Dot ou droits de fiancailles - mariage ):
Les deux familles vont fixer par l’intermédiaire des "Ladalémou" ( ambassadeurs coutumiers) un jour pour se rencontrer et sceller les fiancailles. En général, elle se tient après la prière du « Laxasara » ( Prière de dix sept heures).Ils se réunissent soit chez le marabout, soit à la mosquée ou dans la maison paternelle de la fille. La famille du marié doit amène les "Lada" ( droits fixés par les us et coutumes ) c’est à dire l’argent du "Tamma" (dot), la cola, le Maxafoufana (offre d'aliments), ect. Après on se présente les meilleurs voeux de bonheur et de fécondité de la femme en attendant le jour de la signature du " Fuuté " (une autre partie de la dot ) dans certains cas. On informe les notables du village du scellage des fiancailles d' un tel et d'une telle. Le futur mari doit prendre en charge sa future femme. Le "Tamma" est célébré pour montrer que la fille a désormais un mari et les garçons doivent s’éloigner d’elle. Dès fois le "Tamma" et le "Fouté" sont célébrés en même temps surtout lorsque le futur mari est un résident. Mais la plupart du temps, on fait d’abord le "Tamma" et le "Fouté "ne le sera qu’à la veille du mariage.
Il n’est pas négociable mais son payement peut être étalé dans le temps selon les capacités du mari. Il est obligatoire de payer une somme symbolique appelé "Roumbo". Dans plusieurs familles, le prétendant offre une vache en guise de "Fuuté"( dot ). C’est ainsi que plusieurs femmes avaient des vaches au village. Mais aujourd’hui suite à la raréfaction du bétail, le paiement de la dot se fait en espèces. Il faut rappeler que le "Fuuté" appartient à la mariée et à elle seule. Après le "fuuté", il y a d’autres "Ladda" que le mari doit payer à savoir :
-Faban ndorké (boubou du père) : argent donné au père
-Saxan ndorké (boubou de la mère) : argent donné à la mère
-Guidagnougou lobo (couteau du frère) : argent donné au frère de la fille
-Koméyougou nxéto(culotte de l’"esclave") : argent donné au cousin
-Mahafou fana (première viande) : argent donné aux beaux parents
-Doulkhi ou cadeaux du mari aux beaux-parents. Après tout cela le marabout lit ce qu’on appelle le "xoutouba" qui conclut le contrat entre les deux les fiancés.
Le Fédé ( Classe d'âge chez les Soninké ou groupe de jeunes ayant le même âge ) :
La nuit précédant celle du mariage, la jeune fille doit adoper une position assise. Ce sont les jeunes filles de sa classe d'âge qui vont la prendre par la main et la faire s’asseoir en disant « Assieds toi et ne te lèves point », après elles hurlent et disent « un tel est assise, un tel est assise ». Les femmes remplissent une bassine et y plongent une calebasse ( Xolé ) pour battre un tam-tam traditionnel, symbole de mariage. Les filles viennent de partout pour se réunir dans la chambre de la mariée ( Magno ). Elles aident la future mariée et la réconforte Les femmes dansent et chantent les louanges et la généalogie ( Dambé ) de la fille jusque tard dans la nuit. Le matin, pendant que les femmes s'activent autour de la bouillie de mil ( Fondé), servie comme petit déjeuner aux invités le matin, les hommes quant à eux s'occupent des boeufs et moutons "Wolima ngoumbo" offerts à la mariée. C’est un symbole du mariage car il ne peut pas avoir de mariage sans ce "Wolima ngoumbo". Les boeufs et les moutons seront dépêchés et partagés par les "Ladalémou" en plusieurs parts :
-Une part pour la mariée (foie, cœur, reins, les cotes,…) ;
- Une part pour la maison paternelle de la mariée;
-Une part pour la maison du mari ;
- Une part pour la belle mère du mari appellée « Kaloun xodo » ou dos de la belle-mère ;
-Celle des Ladalémou qui vont la partager entre leurs maisons (Cette part est très précise dans la viande du bœuf. Chaque partie du corps est divisée selon le Lada ( Us et coutumes ) entre les propriétaires du bœuf et les Ladalémou. Souvent ce sont les connaisseurs de ces parties qui vont assister aux partages de la viande) ;
-Celle des deux Xoussoumanta (Aides matrimoniaux )
-Une partie en guise de "Bougna" , petites parts données à certains chefs de la famille et parents.
Vers neuf heures, dans la maison du marié, les femmes des "Ladalémou" servent le "fondé" qu’elles ont préparé pour le petit déjeuner. Le marié ne sort plus de la chambre de son grand frère ou de tout autre chambre réservée pour lui pendant le jour. On dit qu’il est sous le "Xouxoupé" ( Action de se vétir d'habits traditionnels ) . Ce retrait de la vie quotidienne dure 3 jours. Il aura comme compagon les membres de sa classe d'âge. Les femmes des "Ladalémou" ( gardiens des Us et Coutumes) prépareront le dejeuner à base de riz et de viande. Le soir, le dîner à base de couscous sera un moment inoubliable pour le marié. Il partagera ce succulent diner avec ses copains d'enfance. Le "Xoussoumanta yigo" ( aide matrimonial ) doit organiser l’événement. Les "fédalémou" seront accueillis et traités comme des rois. Tout manquement à ses festivités sera synonyme d'amende. Ces manquements suivants feront à coup sûr l'objet de pénalités :
-Un dîner est en retard
-Une sauce chaude ou froide
-Acceuil timide
-Sauce avec peu de viande ...
Après avoir mangé, les "fédalémou" réclament leur "Lada Xalissi" ( Somme d'argent fixé par les us et coutumes ) au marié puis adressent leurs vœux de bonheur, de prospérité, de fécondité, ou dès fois d'enfer conjugal…Ils s'eclipseront plus tard et réuniront dans un endroit calme pour partager le sésame récolté chez leur " ami ". La nouvelle mariée invite également ses copines et voisines chez elle. Elles mangent, dansent et se moquent souvent de la mariée…Elles seront rejointes par les sœurs du marié accompagnées des batteurs de tam-tam qui viennent saluer leur future belle soeur. Elles apportent une lampe tempête, un paquet d’allumette, une paire de carte et une radio pour la mariée et ses copines qui la tiennent compagnie. La fête continue jusqu’à l'aube.
Le léguindé ( le transfert nuptial) :
Après le dîner, les filles cachent souvent la mariée dans un endroit tenu secret pour éviter que les femmes et les garçons ne la retrouvent facilement. Les femmes, s'addonnent aux sonorités du " Diadié " ( Rythme Soninké ) avec une calebasse plongée dans l'eau en guise de Tam-Tam. Pendant le "Diadié" les femmes chantent les louanges et la généalogie ( Dambé ) de la jeune fille. A la fin de cette séance, les femmes demandent aux jeunes filles cachotières d'amener leur " Magno" ( Future mariée ). Ces dernières réclameront aux sœurs du marié de l’argent sinon peronne ne verrait l'ombre de la nouvelle mariée. Dés négociations s'engageront par la suite. Au cas où les négociations échoueraient, les femmes ordonneront aux garçons de maltraiter les jeunes filles (en général classe d'age de la future mariée ) jusqu'à l'apparition de la mariée. Menacées, elles ont le choix de déserter a demeure ou de d'amener leur copine. Une fois découverte, la mariée sera préparée par les "Ladalémou"( La Ladalémaxu est une façon se tranformer en une bonne à tout faire pour une famille avec laquelle, on partage les us et coutumes) pour le "Léguindé" (Transfert nuptial). Le "Magno " ou la future mariée s'assiéra sur un vieux mortier ( Toungo ) percé pour être lavée par des vielles femmes. Après on l’habille d' habits traditionnels appelés Birka, confectionnés par les tisserands du village. On lui met des sandales offertes par le "Magno yugo". Une fois habilée, le "léguindé" peut débuter.Le "Léguindé" ou la "marche vers la maison jugale" commence souvent aux environs de minuit et peut durer plusieurs heures. Cela dépend de plusieurs facteurs et circonstances que nous allons décrire plus tard. Pour commencer le "Léguidé", on amène la mariée faire un "aurevoir" à ses parents. Les femmes qui l’accompagnent disent au père et mère à chacun son tour « votre fille va dans sa maison » et aux parents de répondre « qu’elle aille en paix ». Après les femmes, le "xoussoumanta" (aide matrimoniale ), quelques belles- mères et quelques filles prennent le chemin du domicile conjugal : C’est le "Léguindé". Pendant ce transfert vers le domicile conjugal, les femmes marchent très lentement sans se presser et si toutefois les filles accélèrent, les femmes leur intimeront l'odre de s'arrêter en disant « Tonté » . La nouvelle mariée fera alors un stop. Les femmes chantent de belles mélodies qui rythment le chemin de la vie conjugale et marquent la fin du célibat. Arrivées au domicile conjugal, le "Xoussoumanta Yaxaaré " prend la fille par la main et la conduit dans la chambre du mari en lui disant « voila ton hôte prend soin d’elle » puis elle sort pour rejoindre les autres femmes et filles qui l’attendent dehors. Après avoir donner la fille au mari, les femmes vont chanter deux chansons devant la porte du mari :
1-Ampaye télé wandika, saxé tendy wandika …. « tu vas dans une maison étrangère, tu n’as pas de mère dans cette maison, ni de père …. »
2-Téréssi taxan nkan… « Téréssi reste dans ta maison ». Après on leur donne l’argent du "Léguindé", du "goumbé" (canari) et du Sombi avant qu’elles ne partent. Seul reste le "Xoussoumanta Yugo" qui s’en va après avoir donner des conseils au mari.
Le matin, le mari donne l’argent représentant le cadeau de mariage au "xoussoumanta" en témoignage de la virginité de la fille, symbole très important pour la famille de la fille. C’est l’honneur de toute une famille qui est en jeu. Le "xoussoumanta yaxaré" demande trè souvent l'avis du mari. Elle veut coûte que coûte savoir si sa fille ne l’a pas déshonorée. La fille restera dans la chambre nuptiale ou "magnou nkompé" jusqu’au jour du "Yaxandé" qui survient une semaine après le mariage.
Le Yaxandé ( fête à l'occasion de la sortie de la nouvelle mariéé ):
Au septième jour, on fête le "Yaxandé" pendant lequel la nouvelle mariée sort de sa tanière telle une lionne pour être présentée à sa belle-famille. Les festivités seront accompagnées de grillades et de succulents plats de riz. Au petit matin les mères et les "Ladalémou" sortent les valises pleines d'habits, de parures et d'autres effets de toilettes . Les habits sales de la mariée seront donnés aux filles de sa classe d'âge pour être lavés au fleuve. Les filles profitent de cet instant pour réclamer de l'argent à leurs homologues hommes. Ces derniers doivent payer une modique somme au risque de se faire salir par les filles. Les filles préparent souvent leurs coups. Elles font differentes potions aussi nauséabondes les unes les autres et menacent les garçons souvent pauvres à cet âge. Au prix de leur confort, les garçons fuieront ou donneront de l'argent que les filles utilseront pour leur repas. Le soir, les femmes sortent la mariée et l'habille comme une reine avec de beaux pagnes noirs formidablement confectionnés par la maman de la fille. Après elles lui font faire des " Va et vient " dans la cour de la maison trois fois en chantant ce qu’elles appellent le "Dioman ngaré riwo" ( la belle mariée est venue ). Pour tourner en dérison la fille, ses copines tenteront de l'étrangler pour la forcer à prononcer le nom de son mari. Ensuite la "Xoussoumanta" la conduit dans la chambre de sa belle-mère où elle restera jusqu'au "Foutouro" pour rejoindre sa chambre. Au préalable, sa mère convoque toutes les familles pour leur présenter les bagages qu’elle a préparés pour sa fille. Les "Ladalémou " transportent les bagages du domicile parental à celui conjugal pour la cérémonie. Un cousin de la mariée doit transporter selon la tradition la male contenant les pagnes. Pendant la cérémonie on distribuera : Un "dioro" (habit traditionnel) et un bol pour le beau-père. Un pagne noir, un bol, un xarxamé, un diampé pour sa belle mère. Les tantes auront des pagnes ou des bassines. Les beaux frères auront des draps ou des grands boubous. Les autres femmes viendront également donner des cadeaux en nature en guise d'aide à la maman de la mariée. Aujourd'hui, le Yaxandé fait l'objet de surrenchère. Certaines femmes en profitent pour se faire un nom ou pour s'enrichir. Rappelons également que ses nombreux cadeaux sont des crédits parce que la mère de la mariée devra faire pareille pour les autres mères en cas de mariage de leur progéniture.
Le soir, La nouvelle mariée sortira, accompagnée de ses copines et de la soeur ou cousine de son mari pour aller faire le " Magno Kougnidé" ( salutations). Elle sera habillée d’un grand boubou appelé "dioro", d'un "basin" tout blanc et un voile en tenant un gobelet à la main. Accompagnée par les filles, elles feront le tour du village en rendant visite à tous les notables du village. Quand elles arrivent à la porte des maisons, elles disent « la magno vous salue » et on répond « que le bonheur vous accompagne ». Une fois le tour fait, elles rentrent à la maison. Deux jours plus tard le "Xoussoumanta" retourne chez elle gratifiée de cadeaux (argent, pagnes, mil, riz, arachide…) en reconnaissance de sa disponibilité et de son travail. Notons que le " Xusumanta doit s'occuper exclusivement de la mariée pendant sa semaine de noce. Elle lui fait tous ses besoins. Trois semaines ou un mois après le mariage, la "magno" va se faire tresser chez elle. Le soir, le mari accompagné de son "Xoussoumanta yigo" viennent saluer les beaux parents en amenant de la cola. Notons que le rôle du Xusumanra Yugo est également d'être au service du marié. La nuit, la mariée bien habillée va faire des salutations dans certaines maisons avant de rentrer chez son mari. Elle pourra maintenant sortir, faire des travaux, aller puiser au fleuve ou au puits et enlever le voile. Elle mettra le "lingué" ( colier tradionnel de la mariée) à son cou fait d’or ( Kagné ) et de cauri. Heureux ménage.
Boubacar Barry bébé