Avec la fameuse vie chère, on aurait pu penser que les tristement célèbres gaspillages d'argent, lors des cérémonies familiales, en auraient pris en coup. Il n'en est rien. Aida Dia revient sur ce phénomène qui a la peau dure.
Dans notre pays, s'il y a une pratique qui est devenue courante voire incontournable, c'est bien le gaspillage dans les cérémonies familiales. Une jeune fille, lors de son mariage ou à l'occasion du baptême de ses enfants, se doit de couvrir sa belle famille de dispendieux cadeaux. Pour beaucoup, c'est devenu un impératif dans la société si l'on veut se faire respecter. Et gare à celle qui dérogerait à ce principe aujourd'hui établi.
Mais d'où viennent ces colossales sommes d'argent que l'on se permet de gaspiller en une seule journée ?
Selon Yacine, une jeune dame qui est souvent au cœur de ce genre de cérémonies, cette pratique daterait du temps de nos grands-mères. A l'époque, on donnait, à la mesure de nos moyens, des présents à la maman, aux sœurs et frères du mari pour raffermir les liens entre les deux familles. Aujourd'hui, les tendances ont changé. Nos mamans participent à des tontines qui leurs permettent de disposer de beaucoup d'argent en une seule fois. Cela peut être des millions et des millions (1000000 de Francs Cfa = 1500 euros) qu'elles décident de jeter par la fenêtre en une seule journée, juste pour faire bonne figure. Et bien sûr, les griots et les griottes, qui dès qu'ils entendent l'écho de ces cérémonies, viennent sur le coup chanter vos louanges sans même vous connaître. On peut raconter à ce sujet de nombreuses anecdotes. Au baptême d'un de mes neveux, une femme vint me demander le nom de famille des parents du bébé. Après que je le lui ai donné, elle était devant la foule en train de faire leurs éloges. L'assistance a donné énormément d'argent. D'après mes décomptes, elle devait se retrouver, en quelques petites minutes, avec quelques 20 000 à 25 000 Francs Cfa (30 à 40 euros). C'est un boulot maintenant d'être griotte ! Pourtant, il y a en a qui ont appris l'histoire, les arbres généalogiques. Elles remontent dans le temps, vous disent les hauts-faits de vos arrières grands-parents, de vos grands-parents, de vos parents. Je me demande si tout cela est vrai ? Tout cela n'est-il pas exagéré juste pour attirer la sympathie des gaspilleurs et pouvoir ainsi lui soutirer beaucoup plus d'argent ?
"Je ne peux pas rester de marbre quand on évoque ma lignée familiale. C'est trop fort et trop sensationnel pour moi et évidemment je donne de l'argent sans compter. A la fin je me rends compte que j'ai gaspillé mes frais de vie quotidienne", m'explique une dame, pourtant cadre dans une entreprise de la place. Les intellectuels n'échappent donc pas à cette règle. Outre les baptêmes et les mariages, il y a les cérémonies de parrainage qui au cours desquelles circule aussi beaucoup d'argent. Le parrain ou la marraine sont choisis généralement parmi les très riches. Et, ils ne ménagent en aucune façon leur fortune, achètent des tissus de valeur, de l'or, quelques fois même des véhicules, donnent aux griots et griottes beaucoup d'argent, etc.
Pourtant le gaspillage dans les cérémonies familiales est interdit par la loi. Mais dans ce domaine, les pratiques de notre société semblent vraiment outrepasser la loi. Les filles qui s'en démarquent sont diabolisées : « mon mari m'avait donné, comme premier cadeau, la somme de 3 millions de Francs Cfa [Ndlr : 4500 euros] pour faire une grande cérémonie comme sa famille les aime. Ma mère, une personne très consciente, a fait un mariage simple avec 500 000 Francs Cfa [Ndlr : 750 euros]. Le reste de l'argent étant sur mon compte personnel au cas où nous aurions des soucis d'argent. Mais je peux vous dire aujourd'hui que ma belle famille me traite de tous les noms », confie Nana.
Avec ce gaspillage anormal, on voudrait parler de vie chère ou de développement ? Les mentalités sénégalaises, à cet égard, doivent changer. Surtout que dans bien des cas, ces actes frisent l'indécence, au regarde ne serait-ce que des proches ou des voisins qui sont souvent dans des situations précaires.
Ndèye Aïda Dia
Source: Dakarblog.info