
Les migrants ont-ils des manières particulières d’habiter ?
L'exemple Soninké.
Par Élodie RazyEcrire sur le logement des immigrés présuppose que celui-ci présente des particularités et l’approche de ce thème s’inscrit dans un contexte général de stigmatisation de l’immigration fondée sur des raisonnements circulaires qui confondent souvent causes et conséquences. Je ne m’attarderai pas ici sur les idées préconçues et les données bien connues concernant l’habitat insalubre et la surpopulation (cf. autres articles du présent numéro), mais chercherai les éventuelles spécificités « ailleurs », là où on ne s’attend pas nécessairement à les trouver.
Pour ma part, je tenterai donc plutôt d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : est-ce que les immigrés ont une manière particulière « d’habiter » ? Comment investissent-ils les logements en France, notamment au regard de leurs « modes d’habiter » antérieurs ? Quel rôle jouent les techniques du corps liées au sommeil et à l’alimentation dans l’occupation de l’habitation ?
Qu’on ne s’y méprenne pas, la mise en perspective de la problématique du logement des immigrés avec la situation dans le pays d’origine n’a pas de visée explicative de type culturaliste, mais participe plutôt d’une approche globale du parcours migratoire et du migrant lui-même. Loin de prétendre fournir un modèle pseudo-originel que le migrant tenterait de reproduire en France, cette approche doit permettre de se faire une idée du contexte dans lequel les migrants ont grandi, de mieux saisir d’où ils sont partis et comment ils composent, corporellement et relationnellement, avec et entre les différents espaces qu’ils habitent ou ont habités. Il ne s’agit donc ni de postuler un rapport homogène des migrants à leur société d’origine (Ortigues 1993 : 22), ni « […] d’enfermer le sujet dans une tradition alors même que sa démarche de migrant le pousse vers une individualisation plus poussée avec ses risques et ses ruptures possibles » (Rabain 2000).