ONEX – La voix magique de Daby Touré résonnera ce soir à la salle communale d’Onex. Après le succès de «Diam», son premier album, cet Africain qui se définit comme un «enfant du monde» revient avec «Stereo Spirit», sorti début février. Interview.
– Vous avez fait la première partie des concerts de Peter Gabriel durant sa tournée européenne en 2004 durant deux mois. Comment ça s’est passé?
– C’était grandiose et émouvant! C’était aussi très instructif pour moi. On mangeait ensemble et on discutait. Je lui ai demandé si c’était vrai qu’il allait jouer à Bercy, et si c’était possible d’avoir des places. Quelques mois plus tard, j’apprenais que je faisais la première partie de sa tournée et que moi-même j’allais joué à Bercy!
– Etes-vous déjà venu chanter en Suisse?
– Oui, mais, là, je sens qu’il faut que je revienne. J’étais à Genève et au Paléo Festival avec Peter Gabriel. D’ailleurs je vais peut-être revenir au Paléo cet été!
– Comment trouvez-vous le public suisse?
– Superpublic à tous les égards! J’ai eu la chance de faire la Grande Scène au Paléo, mais aussi des petites scènes dans ma tournée. Dans les deux cas, le public était très répondant et très enthousiaste. Je garde un bon souvenir.
– Vous avez eu un parcours de vie très mouvementé: divorce de vos parents, déménagements perpétuels... Quels sont les événements que l’on retrouve dans vos chansons?
– Je raconte l’histoire des gens, de personnes que je connais ou mon histoire à moi. Je parle aussi de l’homme, de l’environnement dans lequel on vit, de la misère, de la souffrance. Tout tourne autour de l’homme, et les thèmes sont parfois graves, parfois joyeux mais toujours optimistes!
– Quelle est votre philosophie de vie?
– La vie, c’est beaucoup de souffrances, une continuelle épreuve. On doit s’assumer en tant qu’adulte dans cette société, et, ça, c’est déjà une galère. J’ai décidé il y a très longtemps de ne pas rentrer dans ce système. C’est la musique qui me fait vivre. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça: certains meurent de faim et d’autres gens riches sont malheureux, il y a quelque chose de louche! Heureusement, il y a toujours des gens incroyables qui vous redonnent espoir!
– Vous avez grandi en Afrique et vous habitez depuis des années à Paris. Vous considérez-vous plutôt comme Africain, Français ou Européen?
– Je me considère comme terrien! J’ai grandi en Mauritanie. Mon père s’est retrouvé seul, alors j’ai été placé chez une tante, puis chez un oncle. J’ai passé de foyer en foyer... A 18 ans je suis parti à Paris. J’ai toujours bougé et, du coup, j’ai découvert de nouvelles cultures, je parle plusieurs langues. Je suis un enfant du monde. Il a fallu sans cesse me réadapter et avoir beaucoup de souplesse. Je me sens partout chez moi. Je ne revendique aucune identité que ce soit.
– Quelles anecdotes pouvez-vous nous raconter au sujet de la réalisation de votre album?
– (Rires.) C’est difficile qu’il y en ait, vu que j’étais seul à le faire! Ce que je peux dire, c’est que je rentrais à Paris après un mois de tournée aux Etats-Unis et que, le lendemain, je partais pour un mois d’enregistrement en studio à Londres! J’ai tout enchaîné et j’étais crevé comme il fallait! J’ai dû puiser au fond de moi-même. J’ai eu de la chance car la fatigue ne s’est pas ressentie dans l’enregistrement. Puis la course a continué fin octobre avec le mixage de l’album à Paris. J’ai travaillé avec Bob Coke, le producteur du premier album de Ben Harper.
– Toute la réalisation a été très rapide alors?
– Oui, l’enregistrement a duré un mois et le mixage un mois, donc à peu près deux mois en tout. On devrait parfois avoir plus de temps pour faire les choses, mais on n’a pas toujours le choix…
– Pourquoi avoir choisi de chanter en dialectes soninké, pular, wolof, et pas en français?
– Déjà, ce ne sont pas des dialectes, mais des langues à part entière, et elles sont très musicales. Je ne suis pas en mesure de chanter en français. Je l’ai appris à l’école, certes, mais le chanter, c’est un autre exercice. Je ne le fais pas par respect. J’ai d’ailleurs dû chercher un label en Angleterre à cause de cela.
– D’où vient le nom de «Stereo Spirit»?
– Justement de ma double culture. Je suis à l’aise à Paris, à New York, en Mauritanie. Donc je trouvais que le terme «stereo» sonnait moderne et définissait bien ma mentalité.
Caroline Goldschmid, ONEX