C’est de Salmân le Persan [Salmân al-Farisî] qu’est issu Dinga. Il s’était d’abord installé en Algérie. Il avait ensuite émigré avec son peuple, pour aller chercher un lieu d’habitation. Au moment où ils partaient, ils consultèrent les cauris. Ils virent dans l’oracle qu’une vieille hyène (qui ne pouvait plus se lever à cause de la vieillesse) et qu’un vieux vautour (dont toutes les plumes étaient tombées à cause de la vieillesse) se trouvaient dans un trou et qu’eux seuls pouvaient leur montrer un bon emplacement. Ils les cherchèrent jusqu’à ce qu’ils les voient. Ils commencèrent par l’hyène. Ils lui dirent : « Nous sommes à la recherche d’un lieu de résidence. Nous avons vu dans les cauris que c’est toi et le vautour qui sauront le mieux nous le montrer. » L’hyène répondit qu’elle était vieille et qu’elle ne pouvait même plus se lever de sa place. Ils lui dirent de faire des efforts et qu’ils satisferaient ses désirs. « Tout ce que tu veux, nous le ferons pour toi. » Elle leur dit : « Vous ne pouvez rien faire ; ce qui me rendra ma force, vous ne l’avez pas. » Ils lui dirent : « Qu’est-ce que c’est ? » Elle dit : « Cent cadavres de chevaux, un chaque jour jusqu’à ce que trois mois et dix jours soient achevés. » Ils dirent qu’ils acceptaient. Ils dirent qu’elle leur montre le vautour. Elle le leur montra. Lorsqu’ils le virent, ils lui dirent : « Nous sommes à la recherche d’un lieu pour nous établir. Les cauris ont dit que nous devions t’interroger, ainsi que l’hyène.
Nous avons vu l’hyène. Il reste toi. » Le vautour dit qu’il était vieux, qu’il ne pouvait plus voler, que toutes ses plumes étaient tombées. Ils lui dirent de faire des efforts et qu’ils satisferaient ses désirs. Il dit qu’ils ne pouvaient rien.
Nous avons vu l’hyène. Il reste toi. » Le vautour dit qu’il était vieux, qu’il ne pouvait plus voler, que toutes ses plumes étaient tombées. Ils lui dirent de faire des efforts et qu’ils satisferaient ses désirs. Il dit qu’ils ne pouvaient rien.
Ils lui dirent : « Indique la chose que nous devons faire, qui te rendra tes plumes. » Il leur dit : « Vous ne pourrez pas y arriver. » Ils lui dirent : « Dis ce que c’est .» Il dit : « Cent cadavres de poulains, un chaque jour, jusqu’à ce que trois mois et dix jours soient achevés. » Dinga et ses gens acceptèrent. Ils firent entre eux un roulement : chaque jour, une famille fournirait un cheval pour l’hyène et une autre famille fournirait un poulain pour le vautour. Un mois était achevé : l’hyène commença à sortir de son trou et les plumes du vautour commencèrent à repousser. Quand le deuxième mois fut fini, l’hyène se remit à rôder en faisant des expéditions de cinq jours. Le vautour aussi se remit à voler. Au moment où les trois mois et les dix jours s’achevèrent, l’hyène et le vautour étaient revenus à leur état primitif. Toutes leurs forces leur étaient revenues. Ils dirent à Dinga de préparer un tambour. Dinga le fit. Ils fixèrent le jour du départ. Au moment où le jour arriva, l’hyène dit à Dinga : « Moi, je me mettrai devant. Le vautour prendra le tambour entre ses pattes. Tu me suivras avec tes gens. Le vautour restera à voler au dessus de moi. A l’endroit où je hurlerai le vautour jettera le tambour. Et là sera le lieu de ton installation. Lorsque nous nous séparerons, tu frapperas le tambour. A ce moment tu verras ce qui se passera. » A l’instant où ces paroles furent achevées, ils se mirent en route. Ils continuèrent à marcher de cette manière jusqu’à ce qu’ils arrivent à Koumbi, au dessus de Walata. La hyène hurla, le vautour jeta le tambour. La hyène et le vautour s’en retournèrent. Dinga frappa le tambour. Un grand python noir [le Biida] sortit de son trou. Il demanda à Dinga ce qu’il cherchait. Dinga dit : « Un lieu pour m’installer. » Le Biida lui dit : « Mon domaine est ici. Je ne te laisserai pas t’y établir sauf si tu prends un engagement envers moi. » Dinga demanda quel était cet engagement. Le Biida lui dit qu’il devait lui donner une belle jeune fille à la fête de chaque premier mois [de l’année lunaire musulmane]. Dinga interrogea ses gens. Ils acceptèrent tous. Le Biida autorisa leur installation.
Ils firent de Koumbi une capitale. Le peuple s’installa. Ils appelèrent la région « Wagadou ». Le pays grandit et prospéra. A tel point que l’on disait que ses pluies faisaient tomber de l’or. Le Wagadou s’étendait de l’Adrar jusqu’à côté de Tombouctou. Les Soninkés et les Malinkés étaient les seuls à être côte à côte. La jeune fille fut donnée au Biida chaque année (un clan la donne cette année ; un autre clan la donne l’année prochaine). Elle continua à être donnée jusqu’à ce que ce que ça arrive au tour des Yatabéré. Ils désignèrent Assia Yatabéré pour le Biida. Son amant, Mamadou Sérékhoté Fissourou, commença à aiguiser son sabre. Lorsque le jour fut arrivé, ils parèrent Assia et la poussèrent vers le Biida. Le Biida sortit vers elle. Il est dit qu’au moment où il l’attrapait, Mamadou Sérékhoté Fissourou lui coupa le cou avec son sabre. Ils passèrent sept ans, après cela. Aucune pluie ne tomba sur eux. Les vivres et le bétail (fortune, capital) s’épuisèrent. Les puits et les sources s’asséchèrent. Nous nous dispersâmes [nous les Soninkés]. C’est ainsi que le Wagadou s’est brisé. C’est sous le règne des Cissé qu’il s’est effondré. Le titre du souverain était « manga ». De nombreux clans avaient régné avant que le Wagadou s’écroule. Les fils du roi Dinga furent six : Sokhouna, Diabi, Cissé, Dramé, Diagouraga, Gandéga.
Les principaux compagnons de Dinga furent les suivants : Diabira, Khomma, Samassa, Silla Diamané, Tandia, Gassama, Diari So, Berté, Bathily, Wakané Sakho, Diani Séméga, Yatabéré, Makadji, Tounkara, Fissourou, Nyakahaté, Fofana Baygilé, Baradji, Touré. Ce sont ceux-là qu’on appelle les « Wago ». Beaucoup de Soninkés vinrent chez les Malinkés après la ruine du Wagadou.
Ils firent de Koumbi une capitale. Le peuple s’installa. Ils appelèrent la région « Wagadou ». Le pays grandit et prospéra. A tel point que l’on disait que ses pluies faisaient tomber de l’or. Le Wagadou s’étendait de l’Adrar jusqu’à côté de Tombouctou. Les Soninkés et les Malinkés étaient les seuls à être côte à côte. La jeune fille fut donnée au Biida chaque année (un clan la donne cette année ; un autre clan la donne l’année prochaine). Elle continua à être donnée jusqu’à ce que ce que ça arrive au tour des Yatabéré. Ils désignèrent Assia Yatabéré pour le Biida. Son amant, Mamadou Sérékhoté Fissourou, commença à aiguiser son sabre. Lorsque le jour fut arrivé, ils parèrent Assia et la poussèrent vers le Biida. Le Biida sortit vers elle. Il est dit qu’au moment où il l’attrapait, Mamadou Sérékhoté Fissourou lui coupa le cou avec son sabre. Ils passèrent sept ans, après cela. Aucune pluie ne tomba sur eux. Les vivres et le bétail (fortune, capital) s’épuisèrent. Les puits et les sources s’asséchèrent. Nous nous dispersâmes [nous les Soninkés]. C’est ainsi que le Wagadou s’est brisé. C’est sous le règne des Cissé qu’il s’est effondré. Le titre du souverain était « manga ». De nombreux clans avaient régné avant que le Wagadou s’écroule. Les fils du roi Dinga furent six : Sokhouna, Diabi, Cissé, Dramé, Diagouraga, Gandéga.
Les principaux compagnons de Dinga furent les suivants : Diabira, Khomma, Samassa, Silla Diamané, Tandia, Gassama, Diari So, Berté, Bathily, Wakané Sakho, Diani Séméga, Yatabéré, Makadji, Tounkara, Fissourou, Nyakahaté, Fofana Baygilé, Baradji, Touré. Ce sont ceux-là qu’on appelle les « Wago ». Beaucoup de Soninkés vinrent chez les Malinkés après la ruine du Wagadou.
NB : Les historiens considèrent que cette légende marque aussi le remplacement de l'animisme par l'islam.
Retranscription de Gérard Galtier (février 1999) à partir de la Version de Malamine Tandyan, communiquée à Charles Monteil, par lettre, entre 1944 et 1947, publiée dans le Bulletin de l'IFAN (série B) de janvier-avril 1967.
Wagadu Buruju : VERSION SONINKE
Dinwa [Dinga] bogu Sileyman Farisi ya. A nyi taaqunu Aljeri fana ya yi. A do i jamaanen ferogo ken falle, ti i wa dagana taaqu-raqe muuru. I ga gilli bire be, i da gijaanen katu. I d'a wari gijaanen nwa, ti turun-qase (a ra ga nta qa gilli qasoyen maqa) a do karadigi-qase (a yintun su ga joqi qasoyen maqa) i wa kunme yi. I baane ya gan katta taaqu-raqe koyini i ya.
I d'i muuru ma i g'i walla. I jonwa turunwen nwa. I ti a da : « O na taaqu-raqe ya muurunu ; o d'a wari gijaanen nwa, ti an do kardige ya na siri a koyini o yi. » Turunwe ti : ike qaso ; i ra nta hari gilli i batten nwa. I ti a da a na duru qoto ; i na a haajun jaara. « Fofo an g'a mulla, o n'a nya an da. » A ti i da : « Qa ra nta a da ; ke be ga in senben saagana in nwa, a nt'aqa maqa. »
I ti : « Ken ni manne ? » A ti : « Kame si fure, koota su baane, ma qasu sikki do bito tanmi ga n timme. » I ti i dunwe. I ti a na karadige koyi i ya. A d'a koyi i ya. I ga d'a wari, i ti a da : « O na taaqu-raqe ya muurunu. Gijaanen ti o n'an tirindi an do turunwe. O da turunwe wari. A toqo an ya. » Karadige ti : i qaso ; i ra nta qa kanpini ; i yintun su joqi. I ti a da : a na duru qoto ; i na a haajun jaara. A ti i ra nta. I ti a da : « Fo ko o g'a nyaana, a g'an yintun saagana an nwa. » A ti i da : « Qa ra nta a da. » I ti : « A ko. » A ti : « Kame sin-len-fure, koota su baane, ma qasu sikki do bito tanmi gan timme. » Dinwa do i soro dunwe.
I d'a nya me naqa yontande. Koota su, ka na si bagandi turunwe da. Ka tana na sin-lenme bagandi karadige da. Qaso ga timmene, turunwe saage bakka i kunmen nwa. Karadige qa yintun bogu. Qasu filandi ga kara, turunwe saage yiilene, bito karagi terende. Karadige qa saage kanpini.
Bire be qasun sikki do bito tanmi ga timme, turunwe do karadige saage i moqo fanan nwa. I senbun su saage i ya. I ti Dinwa da : a na taballe sendi. Dinwa d'a nya. I da daga-kootan kutu. Dimma be kootan ga ri, turunwe ti Dinwa da : « Nke na ware kaane ; karadige na taballen wutu i taani naqa ; an n'in batu an do an soro ; karadige na toqo kanpini in kanma. In ga na qaasa noqqu be, karadige na taballen fitta no. Non ya nyaana an taaquran nwa. Bire be o ga na fate me, an na taballen katu. Ken bire, an n'a wari fi be ga nyaana. »
Dimma be ke sefe ga nyame, i ware killen wa. I toqo terene ke moqo ya, ma i ga kinyene Kunbi, Walata kanma. Turunwe qaasa. Karadige da taballen fitta. Turunwe do karadige yille.
Dinwa da taballen katu. Biida qoore bogu i kunmen nwa. A da Dinwa tirindi a ga fo be muurunu. Dinwa ti : « Taaqu-raqe. » Biida ti a da : « In ya fo ni yere. In nta an walla taaqunu a yi, ma an ga da layidu wutu in da. » Dinwa da layidu tirindi. Biidan ti : a na i ku qusu-faranfare, qasanne su salle. Dinwa d'i soro tirindi. I su dunwe. Biida d'i nyamari taaqen nwa.
I da Kunbi nya toorintan-debe. Jamaanen taaqu. I da non qiri Wagadu. A qooro, a kuure. A siro ma i ga tiini a kanmu nyi kanwen ya teqene. Wagadu d'a wutu Adrar ma Tonbuktu kaara. Sooninko do Malinko baane ya nyi jingini. Qusunnen [nyi] kinini Biidan nwa siine wo siine. Ke qabiila na a kini yirigin nwa. Kiteeren qabiila na a kini waaga. A toqo kinini ma a ga kinyene Yatabereni tan nwa.
I da Asiya Yatabere tobbe Biidan da. A lemine-yugo Mamadu Sereqote Fisuru, a d'i kaafa linwonde joppa. Kootan ga kinye, i da Asiyan yanba. I da a yonto katta Biidan nwa. Biida bogu katta a yi. A ga ti i w'a ragana noqqu be yi, Mamadu Sereqote Fisuru da a qannen kutu ti i kaafa.
I da siino nyeri nya ken falle. Kanme su ma teqe i ya. Bire-fo do nabure nyame. Gedun do ji-laqqun kaawa : o ri sanqi. Wagadu kare kundun ya. A kare Siiseni tooren ya yi. Toorintan-toqo ni « manga » ya. Qabiila gabe toori katta Wagadu ga kare.
Manga Dinwa renmun ni tumu : Soquna, Jaabi, Siise, Drame, Jaguraga, Gandeega.
Dinwa kappan-len-qooro ni ku ya : Jabira, Qomma, Samasa, Silla Jamaane, Tanja, Gasama, Jaariso, Berete, Batyili, Wakkane Saaqo, Jaani Semega, Yatabere, Makkaji, Tunkara, Fisuru, Nyaqate, Fofana Bayigille, Baraji, Tuure. I tini ku ya da : Wago.
Sooninke gabe ro Malinkon nwa, Wagadu kare falle.
Retranscription de Gérard Galtier (février 1999) à partir de la Version de Malamine Tandyan, communiquée à Charles Monteil, par lettre, entre 1944 et 1947, publiée dans le Bulletin de l'IFAN (série B) de janvier-avril 1967.
Il s'agit d'avoir une transcription pratique qui ne pose aucune difficulté d'impression et aucune difficulté de lecture, mais qui soit aussi correcte scientifiquement. Un autre avantage de cette transcription est qu'elle permet une interface entre le français et le soninké dans les textes où les deux langues seraient mélangées.
Bien sur, "ny" et "nw" seront utilisés pour les consonnes nasales palatales et vélaires. Nous ne reviendrons pas là-dessus.
Par ailleurs, deux autres modifications sont proposées, qui permettent de rendre le soninké accessible à tous les scolarisés sans aucune étude supplémentaire :
Ecrire "q" au lieu de "x", dans tous les cas, vu qu'il s'agit d'un même phonème. (Au Mali, pour le soninké, on a aussi décidé d'utiliser une seule lettre ; mais c'est "x" qui a été choisi, ce qui donne des textes très bizarres.)
Exemples :
"nyaqamala" (homme de caste).
"yaqare" / "yaqqe" au lieu de "yaxare" / "yaqqe" (femme / épouse).
"saqu" / "saqqa" au lieu de "saxu" / "saqqa" (se coucher).
"a qalle" / "an qalle" au lieu de "a xalle" / "an qalle" (sa part / ta part).
Ecrire généralement "ty" au lieu de "c", dans la mesure où la lettre "c" s'utilise dans toutes les langues officielles d’Afrique noire (français, anglais, portugais…) avec la valeur de "s" ou de "k", notamment dans les sigles qui gardent la même orthographe, quelle que soit la langue (Unesco, Cédéao, CFA, PCS, etc.). Par ailleurs, le digraphe "ty" sera très rare en soninké (il n'apparaît qu'une fois dans le texte ci-dessus). Quant à la séquence phonétique [nty] qui peut varier librement avec [ns], elle sera notée "ns".
Exemples :
"Batyili" au lieu de "Baccili" ; "katye" au lieu de "kacce" (corde).
qesu / qetye au lieu de xesu / xecce (puiser).
fonsoppe (point de côté) ; tansege (80) ; funse (grain, bouton).