A en juger d’emblée par le titre, la Vierge du matin(1), le lecteur ne pourra être que séduit par sa littérarité et son éloquence. Mais le meilleur est ailleurs ! Il faut, en effet « briser l’os pour en sucer la substantifique moelle », car la Vierge du matin est avant tout une œuvre dialogique, polyphonique, un palimpseste dans lequel on lira par strates tout un pan de la société soninké et au-delà de nombreux peuplements de l’ouest africain.
En partant d’une problématique aussi universelle que celle de la stabilité, B.M SEMEGA fait de l’humaine condition un motif d’écriture qui nous amène à nous poser des questions longtemps restées sans réponses : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Certes, l’homme demeure cet inconnu. Sinon comment les populations de Guidinméra, théâtre des affres de Madigui(2), l’héroïne (l’anti-héroïne) pourraient-elles vouer aux gémonies les parents de celle-ci, pour ne l’avoir mise au monde que plusieurs années après leur mariage ? Comment ces mêmes populations auraient-elles pu placer sur le piédestal ce même couple quand il a semé le grain ? Pourquoi et comment Madigui passe de la lumière aux ténèbres, de l’innocence à la cruauté, de l’amour à la haine ?