De Bakel pour aller à Gouraye, en territoire mauritanien, le moyen de transport le plus utilisé, pour ne pas dire le seul, est la pirogue. Nous l’avons pris, il y a juste deux semaines. Retour sur un voyage mouvementé.
Décontracté est un moindre mot pour qualifier l’ambiance. C’est sans doute, le lieu le plus gai de Bakel, en cette fin de matinée. On y respire de l’air pur et frais. On y découvre une autre façon de voyager. Et qui plus est, sous une tente spécialement aménagée, on a le choix entre siroter le thé avec des arachides ou l’accompagner avec du pain. Amateur comme non amateur y trouvent leur compte. Le lieu, unique à Bakel, se trouve sur les berges du fleuve Sénégal, juste à 40 m de la préfecture. C’est ici que se trouve l’« embarcadère » où accostent les pirogues en partance pour Gouraye, une commune mauritanienne séparée de sa jumelle Bakel, par le fleuve Sénégal.
En ce samedi 21 mars 2009, l’attente de cette barque étroite et allongée n’est pas ennuyeuse. Ça rit et discute à tout bout de champ. Le plus intéressant, c’est qu’on n’a pas besoin d’interprètes pour se faire comprendre. Du moins si on est Sénégalais, Mauritaniens, Maliens, Gambiens ou encore Guinéens. « Ici, il est rare de voir une pirogue prendre départ sans au moins qu’on y trouve trois nationalités », fait remarquer Abdoulaye Bâ, enseignant à Bakel. L’intégration, ajoute-t-il, n’est pas un vain mot sur cette frontière sénégalo-mauritanienne. Et à voir l’entente, la solidarité qui existent entre ces peuples de frontières, on comprend pourquoi l’enseignant parle de pirogues « intégratrices » pour qualifier ces « lothios » qui relient quotidiennement le Sénégal à la Mauritanie. En ce samedi encore, ils viennent de partout et convergent vers la berge. Occasionnant un brassage inédit. Ils attendent, mais ils ne s’ennuient pas. La dynamique d’intégration est réelle.
Au fur et à mesure que le soleil darde ses rayons, quelques voyageurs montrent parfois un signe d’impatience. « Si j’ai deux autres personnes, je m’en vais », informe Cheikhou, le capitaine de bord. Quelques instants après, voilà qu’il vient de les avoir. La pirogue va bientôt partir. Cheikhou s’affaire aux derniers réglages. Il vérifie, une dernière fois, si son moteur est en bonne forme. Plonge un fil dans le réservoir pour constater que la quantité de gas-oil est suffisante. Avant de s’assurer que tout le monde s’est acquitté des 100 FCfa nécessaires pour la traversée.
Les passagers de Cheikhou montent. La pirogue part. Atmosphère morne. Soudain, le petit Aliou plonge sa main dans l’eau verdâtre du fleuve. Le maître à bord et la maman du gosse crient.
« J’ai pas gilet, mais j’ai sécurité »
Et le touriste français, Jean, de poser cette question à Cheikhou. « Pourquoi n’avez-vous pas de gilets ? ». « J’ai pas gilet, mais j’ai sécurité », lance, dans un français laborieux, le piroguier. Ce n’est pas grave ! Cheikhou n’a jamais été à l’école. C’est sur ce trajet qu’il a obtenu sa « maîtrise » en français. Mais, cet impair du petit Aliou a décrispé les esprits. La pirogue s’anime. L’ambiance reprend ses droits. Quelques minutes seulement, nous voici en territoire mauritanien. Gouraye, avec sa mosaïque de peuples et de cultures, nous accueille sous un chaud soleil. Les voyageurs parfumés par le fleuve Sénégal descendent. Et, comme ils l’ont fait, quelques minutes en territoire sénégalais, ils passent à la police des frontières pour se voir délivrer un « laissez-passer », le plus souvent verbal.
Par Abdoulaye Diallo (Envoyé Spécial)
Source : lesoleil.sn