Qu’une belle fille se plaigne de sa belle-mère, c’est presque une évidence mais qu’un beau-fils voit en sa belle-mère la source de ses problèmes conjugaux, cela fait désordre. Chez les Soninke, la belle-fille est déjà préparée psychologiquement à affronter la probable misère que lui fera subir la mère de son cher et tendre mari. De l’étape du mortier ( Toungo ) au transfert nuptial, les femmes fredonnent, chantent la gloire de la lignée familiale de la future mariée, ses louanges mais n’oublient jamais de rappeler à la fille que sa future demeure sera loin d’être un havre de paix.
Avant de quitter sa maison parentale, les femmes chargées de la conduire chez son époux, prennent toujours le soin de transiter devant une assemblée d’hommes composée de son père, ses oncles, ses frères et autres amis de la famille. Ces hommes, après quelques doux mots à l’endroit de la jeune mariée, la mettent en garde contre toute mauvaise conduite devant sa belle-famille. On lui intime l’ordre de respecter scrupuleusement sa belle-famille et de la considérer comme sa propre famille. Une sorte de notice faite de bonnes paroles lui permettront de s’armer de courage et d’anticiper toute sorte de problèmes. Mieux préparée, la jeune femme aura les armes pour anéantir tous les missiles de sa future belle-mère. On aura compris que dans un mariage, la belle-mère est une épée de Damoclès qui plane sur la jeune femme. Elle peut être envahissante, belliqueuse, moqueuse, hypocrite, fourbe, capricieuse… En toute circonstance, sa belle-fille lui doit respect et acte d’allégeance, si cette dernière veut rester dans les liens du mariage.
De tout temps, l’attention a été toujours focalisée sur la jeune mariée quand on évoque le spectre de la mauvaise belle-mère. On oublie très souvent que les hommes peuvent également souffrir dans leur mariage à cause de leurs belles-mères. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes hommes se plaignent de l’attitude des génitrices de leurs chéries. « Ma belle-mère me pourrit la vie. Elle ne m’aime pas du tout. Avec ma femme, tout se passe bien. On vit en parfaite harmonie. Mais, à chaque fois qu’elle rend visite à sa mère, son attitude change complètement. Notre relation se dégrade comme si elle était télécommandée à me faire la misère. On en souffre tous les deux. Nous nous aimons comme au premier jour. Seulement, le désamour et l’inimitié nourris par sa mère à mon encontre nous gâchent la vie », confesse un jeune homme qui souhaite garder l’anonymat.
Cette situation ubuesque constitue malheureusement le quotidien de plusieurs hommes. En se basant sur les faits narrés par ce jeune, nous comprenons nettement que les femmes ne jouent plus le rôle de fusible pour la réussite de leurs filles. Elles jettent de plus en plus le sable dans le couscous. En effet, elles sont plusieurs femmes à vouloir diriger le mariage de leurs filles. Elles décident à leur place. Elles s’immiscent dans tout. Mauvaises conseillères, elles transforment leurs filles en « robot » qui les obéissent à la lettre. Leurs filles ne prennent aucune décision dans leur foyer sans les consulter. On a souvent l’impression que le jeune homme est marié à sa « belle-mère » ( sic ) car cette dernière décide et sa femme applique. Le jeune homme marié, chef de famille, voit son autorité bafouée. Des tensions naissent. De reproche en reproche, sa femme lui crachera à la figure que ce dernier n’aime pas sa mère. Et, bonjour les dégâts.
Souvent, ces belles-mères sont simplement jalouses. Mères de plusieurs « garçons bons à rien », elles acceptent mal la réussite des garçons d’autrui, fussent-ils leurs gendres. Au lieu de se réjouir des qualités humaines, des moyens financiers et matériels de leur beau-fils, elles versent dans le dénigrement. Elles minimisent les qualités de leur beau fils et mettent en exergue les défauts. Acariâtres, certaines casseront même le sucre sur le dos de leurs beaux-fils. Elles mettent des idées saugrenues dans la tête de leurs filles qui les appliqueront dans leur foyer. A titre d’exemple, elles sont nombreuses les belles-mères qui intiment l’ordre à leurs filles de ne point aider leurs maris dans le paiement des charges familiales. Au lieu de les conseiller à aider leurs maris pour l’équilibre du couple, elles influencent leurs filles à dépenser leur argent dans des futilités. Ainsi, le mari, soumis à une tension financière supportera mal cette situation. En guise de représailles, l’homme, aigri par la situation, cherchera à dégouter la fille en la traitant comme une « esclave » ou en lui faisant la tête pour un « OUI » ou un « NON ». Ainsi, les problèmes surgissent. Mal géré, le couple tendra inexorablement vers le divorce.
D’autre part, certaines belles-mères sont justes méchantes. Elles ont la méchanceté dans leur gêne. C’est le genre de femmes qui ont traumatisé à vie leurs propres maris. Irrespectueuses envers leurs propres maris, elles ont toute leur vie fomenté des coups contre ces derniers en les faisant passer pour de « mauvais pères » aux yeux de leurs enfants. Grandies dans ces mauvaises ambiances familiales, ces filles n’auront aucun repère dans leur futur foyer . Souvent, sous l’influence de leurs mères, elles reproduisent le même mauvais schéma. Elles mettront du temps à comprendre que « the » souci est leur mère et non le mari. Malheureusement, elles en prennent conscience très tard. Les poutres qui tiennent leur mariage sont déjà affaiblis.
Les principales perdantes sont les jeunes femmes. Comme le dit le proverbe : « Si on quitte un homme parce qu’il pisse au lit, on tombe souvent sur un autre qui défèque ». En mettant un terme à leur mariage pour les beaux yeux de leurs mères, elles risquent de tomber sur un mari qui n’arrive pas à la cheville de leur précédent homme. Elles n’auront que leurs yeux pour pleurer. Ce qu’elles ne savent pas. Au moment où elles diabolisent leurs maris sous l’influence de leur mères, dix jeunes femmes prient pour qu’elles éconduisent leur époux afin de les récupérer. Les cas d’école ne manquent pas. Souvent, ce sont mêmes des cousines ou des copines proches qui se marieront plus tard avec ce même homme.
Donc, on aura compris. Une femme n’a rien à gagner en créant des inimitiés à son beau-fils. Certes, certains hommes ne méritent pas leurs femmes. Mais, il faut toujours séparer le bon grain de l’ivraie. Un homme qui a le sens de la responsabilité, qui investit corps et âme pour mettre sa famille à l’abri du besoin est un bon mari. Il peut être moche, gringalet, obèse. Il reste un bon mari car les qualités physiques ne peuvent supplanter les qualités humaines d’un homme. En tout cas, dans ce monde où les filles ont de plus en plus de mal à trouver chaussure à leurs « petits pieds », les mères de familles doivent plus être les premières ambassadrices de leurs filles. Chez les Soninke, quand un homme veut épouser une femme, on s’intéresse très souvent à sa famille et plus précisément à sa mère. On fait une enquête approfondie pour savoir le genre de belle-mère qu’elle sera. Si les langues s’accordent en peignant la belle-mère comme une mauvaise femme, sa fille passera difficilement l’étape du casting. Les parents du garçon émettent des réserves. Ils déconseillent souvent à leur enfant de marier la jeune femme à la « mauvaise mère ». Donc, les mamans doivent aujourd’hui être des exemples de droiture, de bonté et de générosité pour multiplier les chances de leurs filles. De nos jours, le « chômage marital » prend des proportions inquiétantes. Dans le monde Soninke, il était rare de voir des filles célibataires âgées de plus de 25 ans. Actuellement, les trentenaires célibataires pullulent dans nos maisons. Certaines sont célibataires à cause de la réputation de leurs mères. Donc, nos « mamans » doivent mettre de l’eau dans leur « sangoumé » ( jus d’hibiscus ». Elles ne gagnent rien à jouer les dames de fer et les tortionnaires de la gente masculine. Elles sont le miroir dans lequel le monde regarde leur fille au moment des demandes en mariage. « Telle mère, telle fille ». Toutefois, les beaux fils doivent respect et considération à leurs belles-mères. On ne peut aimer une femme et détester sa mère. Donc, laissons les jeunes hommes méditer sur ce proverbe guinéen : « Lorsque tu offres un pagne à ta belle-mère, ne lui dis pas que c'est pour couvrir ses fesses ».
Samba KOITA dit Makalou, Soninkara.com