Le Président français Nicolas Sarkozy poursuit sa politique de durcissement envers l’immigration. C’est le sens du projet de loi soumettant désormais les immigrés aux tests Adn pour le regroupement familial. Le Dr Rokhaya Ndiaye Diallo, spécialiste de Génétique humaine, nous décortique les secrets de l’Adn.
« La Sentinelle » : Quels usages fait-on de l’Adn dans le champ médico-scientifique ?
L’ADN (acide désoxyribonucléique), est le support de l’information génétique, c’est-à-dire de la majeure partie des composants du corps humain et qui lui a été transmis par ses parents. C’est l’ADN qui va permettre de fabriquer la majeure partie des constituants de l’organisme, notamment les protéines. Chaque individu hérite de l’ADN de ses parents et transmet son ADN à ses descendants.
Il est donc facile de savoir par simple comparaison si deux ADN de provenances différentes, sont identiques ou non. Le recours aux tests Adn, dans le cadre de la loi Hortefeux sur « l’immigration maîtrisée », fait beaucoup de bruit en France et dans le monde. Beaucoup d’observateurs y voient un précédent dangereux de l’utilisation de la biologie au service de la politique. Ce qui, au-delà des problèmes posés au plan bioéthique, rappelle des périodes sombres de l’histoire de l’humanité.
« La Sentinelle » : Est-ce que les usages de l’ADN sont différents selon que l’on s’intéresse à la recherche médicale ou alors à la médecine légale ?
Sur le plan recherche médicale, (que je ne vais pas développer ici) je donnerai juste un exemple, à savoir la recherche de l’origine génétique de certaines maladies héréditaires. En médecine légale, l’ADN constitue le principal support d’investigation, soit dans la résolution de meurtres ou de délits, ou alors dans la recherche de paternité. En effet, à partir d’infimes quantités d’ADN il est possible de s’intéresser à certains marqueurs spécifiques de l’ADN et par des tests de comparaison entre un prélèvement effectué sur le lieu du meurtre et les prélèvements sur les différents suspects, d’identifier un coupable. Idem pour les tests d’exclusion de paternité. On peut avoir une certitude pouvant aller jusqu’à 99% de déterminer le père présumé ou d’exclure une paternité. Voilà en gros les usages qui sont faits de l’ADN en médecine légale.
« La Sentinelle » : Quelles conséquences pourraient avoir sur le plan bioéthique la mise en oeuvre de ces tests pour prouver la paternité ou la maternité ?
Les conséquences peuvent être parfois dramatiques dans nos sociétés africaines basées sur deux notions très importantes, à savoir, la famille et la « soutoura ». Mais toujours est-il que la justice a besoin de ces tests dans certaines situations, et alors, les règles de bioéthique sont dans ces cas disponibles pour protéger le praticien.
« La Sentinelle » : Comment se fait techniquement ces tests Adn ? Quel pourcentage de fiabilité peut-on avoir ?
Techniquement ces tests se font en 3 étapes : Tout d’abord le prélèvement de cellules de l’individu et contenant l’ADN, comme par exemple le sang total (en particulier les globules blancs), la muqueuse buccale, les cheveux, le sperme…
Ensuite, suit l’extraction de l’ADN contenu dans ces cellules par des méthodes chimiques L’amplification de certains marqueurs de l’ADN appelés microsatellites qui sont des répétitions de certains éléments constituants de l’ADN et qui ont des nombres de répétition très variables en fonction des individus. C’est-à-dire qu’il y a très peu de chances de retrouver sur un lot de marqueurs considéré, une identité totale entre deux individus non apparentés. Donc, à partir des résultats de l’amplification, on compare les tailles des différents marqueurs entre les prélèvements et on peut alors déterminer avec un pourcentage de fiabilité > 90% l’identité ou l’exclusion d’identité entre les prélèvements.
Actuellement, des Kits constituant les différents marqueurs sont commercialisés avec un pourcentage de fiabilité atteignant 99%. Ces tests se font dans des laboratoires spécialisés qui travaillent en collaboration avec le ministère de la justice.
* Mme Rokhaya Ndiaye Diallo est Pharmacienne, Biologiste, Ph D Génétique Humaine, Enseignant Chercheur Faculté de Pharmacie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Propos recueillis par Cheikh Lamane DIOP, LA Sentinelle.