La Convention de Varsovie de 1929 relative au transport aérien international,qui entre dans son troisième âge, fut et reste encore le texte monumental qui régit le transport aérien dans toutes ses facettes. Il le demeure puisque beaucoup de pays n'ont pas encore ratifié la Convention de Montréal de 1999, ce qui crée incontestablement deux régimes juridiques, diversement protecteurs, appelés à coexister.
Autrement dit, le monde aérien est partagé désormais entre les pays soumis au système de la Convention de Varsovie (la plupart de pays en développement) et les pays ayant adopté la nouvelle réglemention de Montréal (les pays de l'Union européenne, les Etats-Unis, le Japon et le Canada).
Il n'est nul besoin de revenir sur les tenants et les aboutissants de la Convention de Varsovie de 1929, en dépit de son succès éclatant et de sa longévité (79ans). C'est une Convention qui est entrée dans les moeurs juridiques. Toute personne, qui a emprunté la voie aérienne, ne serait-ce qu'une fois, et qui prête un tant soit peu attention au contenu de son billet connait ce monument juridique, du moins dans certains des ses articles s'y figurant. Mais au fil du temps, la Convention de Varsovie ne cesse de révéler ses limites face au développement du transport aérien. A cet égard, elle a besoin d'un bain de jouvence, voire une refonte totale.
Face à l'inadaptation de la Convention de Varsovie et vu l'évolution du transport aérien international, il relevait d'une impérieuse nécessité de mettre en place un nouvel instrument juridique, ce qui a abouti à la naissance de "la Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ou le nouveau droit du transport aérien". Cette Convention a vu le jour après un accouchement difficile. Elle est entrée définitivement en vigueur le 4 novembre 2003 lors de sa trentième ratification (que l'on doit à la fois au Cameroun et aux Etats-Unis). Il a fallu que la Convention de Montréal soit ratifiée par un quorum de trente Etats membres de l'OACI pour avoir une force exécutoire à l'échelle internationale. La nouvelle Convention sur le transport aérien est désormais de droit positif dans une soixantaine d'Etats à travers le monde. Elle vise à moderniser le droit international des transports aériens de la Convention de Varsovie et des textes complémentaires. Sur de nombreux points, la jeune Convention est plus innovatrice que sa soeur aînée de Varsovie de 1929. Il est intéressant de rappeler les différents apports de ce nouvel instrument juridique international (I) avant de s'interroger sur sa cherté pour les pays africains (II).
I) Les innovations de la Convention de Montréal par rapport à celle de Varsovie
La Convention de Montréal de 1999 sur le transport aérien est venue, sans management, moderniser le droit international des transports aériens. Elle consolide le système Varsovien, toujours en vigueur, mais elle le transforme en divers points. Ainsi, la nouvelle Convention apporte huit nouveaux points par rapport à celle de Varsovie :
1) Elle instaure un régime de responsabilité objective de plein droit du transporteur jusqu'à hauteur de 100. 000 DTS (environ de 135000euros). Audelà de ce montant, un second niveau de responsabilité basé sur la faute présumée du transporteur, dont ce dernier ne peut s'exonérer qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute ou que le dommage est dû à la faute exclusive d'un tiers dont la preuve est à charge.
2) Reconnaissance du principe de versement des paiements anticipés d'allocations de premier secours, en cas de dommages corporels afin que les victimes ou leurs-ayants puissent faire face à leurs besoins économiques immédiats.
3) Introduction d'une cinquième juridiction en cas de dommages corporels, offrant la possibilité pour le passager ou ses ayants-droit de se pourvoir sous certaines conditions devant les tribunaux de sa résidence principale ou permanente.
4) Augmentation des limites de responsabilité du transporteur en cas de retard dans l'acheminement des passagers ainsi qu'en cas de dommages causés aux bagages (retard,
perte ou détérioration)
5) Modernisation des documents relatifs au transport des passagers, bagages et marchandises par la prise en compte des nouveaux moyens d'émission par procédé informatique (billets et lettre de transport aérien électronique) et simplification de leur contenu
6) Clarification des règles portant sur le régime de responsabilité respective du transporteur contractuel et du transporteur de fait, afin de mieux répondre aux nouvelles pratiques commerciales liées aux accords de " partage de codes "
7) Institution généralisée au plan mondial de l'obligation d'assurance des transporteurs aériens
8) Introduction d'une clause dite régionale, permettant aux organisations d'intégration comme UMEOA ou CEDEAO d'adhérer à la nouvelle convention.
II) La Convention de Montréal de 1999 sur le transport aérien international : Une Convention chère pour les pays africains.
En l'état actuel de la législation africaine, à s'y méprendre, seul l'?tat Camerounais a ratifié la Convention de Montréal de 1999 sur le transport aérien international. N'est-il pas curieux et étonnant de voir un pays comme le Cameroun, dont l'état du transport aérien est si critique pour s'aventurer dans une entreprise aussi coûteuse que la ratification de la Convention de Montréal.
L'initiative en soi n'est pas mauvaise. Faut-il que le Cameroun arrive, dans la pratique, à honorer ses engagements ? Il serait prématuré d'anticiper la réponse, mais les perspectives sont peu prometteuses si on s'interroge sur les déboires récents de la plus grande compagnie de ce pays CAMAIR, même si l'Etat camerounais a décidé le 11 septembre 2006 de créer une nouvelle compagnie appelée" Cameroon Airlines Corporation " pour mettre un peu de holà dans le jardin du transport aérien. Quoi qu'il en soit, le Cameroun doit fournir davantage d'efforts pour se mettre en phase avec la législation internationale en matière de transport aérien, une législation devenue de plus en plus drastique depuis les attentats de 11 septembre. Les autres pays africains n'ayant pas encore ratifié ce nouvel monument juridique international doivent beaucoup patienter, compte tenu du retard qu'ils accusent dans le domaine du transport aérien. Les huit nouvelles mesures mises en place par la Convention de Montréal de 1999 ne sont pas faciles à appliquer. Sans citer derechef toutes les mesures, il suffit de citer l'une d'elles pour se rendre compte de la cherté de cette Convention "Un premier point instaurant un régime de responsabilité objective de plein droit du transporteur jusqu'à hauteur de 100. 000 DTS (environ de 135000euros). Au-delà de ce montant, un second niveau de responsabilité basé sur la faute présumée du transporteur dont ce dernier ne peut s'exonérer qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute ou que le dommage est dû à la faute exclusive d'un tiers dont la preuve est à charge". L'économie du transport aérien africain, en perpétuelle turbulence et qui fait de surcroit pâle figure dans le domaine, peut difficilement supporter de tels coûts.
Toutes les compagnies africaines, à quelques exceptions, ne respectent pas de façon complète les mesures de sûreté et de sécurité issues de la Convention de Varsovie de 1929. Même les pays développés, ayant en grande partie ratifié la Convention de Montréal, rencontrent d'énormes difficultés pour respecter à la lettre les dispositions de ce texte. Quotidiennement, la Convention de Montréal fait l'objet des contentieux entre les passagers et les compagnies aériennes devant les juridictions occidentales. Ces contentieux sont largement nourris par l'immense protection que bénéficient les usagers du transport aérien et la cherté des indemnisations. Cela est tout à fait logique, compte tenu de la faiblesse des moyens de défense des passagers face aux grandes compagnies aériennes. Pour s'exprimer en terme métaphorique, leur rapport est à l'image du combat de David et de Goliath. En conséquence, il est important de protéger plus la partie faible pour compenser le déséquilibre de moyens.
Quelle position la Mauritanie doit-elle adopter face à cette Convention ?
Sans trop faire d'illusion, la Mauritanie n'est pas encore prête à ratifier cette Convention pour plusieurs raisons que nous allons passer au crible. En effet, l'image du transport aérien mauritanien est généralement associée au dépôt de bilan. L'épisode récent d'Air- Mauritanie qui n'arrivait pas à s'acquitter de ses dettes s'élevant à 2,7M de dollars en est un exemple illustratif. Le 17 janvier 2006, la société américaine ILFC, la principale créancière de la compagnie, a déposé une plainte contre la compagnie mauritanienne, ce qui a abouti à mobiliser les deux Boeing 737 et 700 à l'aéroport d'Orly le 5 septembre 2007. Tous ces faits ont conduit à la liquidation judiciaire de la Compagnie AIR-Mauritanie en 2006. Après la fin de cette aventure aérienne, une nouvelle compagnie (Mauritanie Airways) est lancée en 2006 avec un capital de 10M de dollars, dont 51% de capitaux sont détenus par Tunisair et 39% par le groupe privé Bouamatou. Aux dernières nouvelles, cette nouvelle compagnie semble battre de l'aile. Enfin, l'?tat mauritanien a décidé tout récemment par décret de créer une nouvelle compagnie (Mauritanian Airlines International) dont il détiendra la majorité des actions. Cette belle initiative vise "à combler le déficit du pays dans les domaines des transports aériens tant au niveau intérieur que régional et international".
Cette brève présentation, au bilan mitigé, montre que la ratification de la Convention de Montréal de 1999 par la Mauritanie est prématurée. La Mauritanie doit d'abord s'atteler à assainir le secteur du transport aérien en prenant des mesures solides et efficaces. Cela doit se traduire d'abord par la lutte contre la gabegie et le clientélisme, deux maladies infantiles du transport aérien mauritanien. Après cette phase, il faut penser à se mettre au diapason de pays africains en matière de sécurité et de sureté aériennes, du moins au niveau de ceux qui montrent un bon exemple. ? partir des résultats obtenus au cours de ces différentes étapes, la Mauritanie peut penser à ratifier la Convention de Montréal de 1999. Toute précipitation peut coûter cher au pays. Il reste à souhaiter bon vent à la nouvelle Compagnie en gestation (Mauritanian Airlines International). Espérons qu'elle aura une longue vie et moins des difficultés que ses soeurs défuntes.
PAR WAGUÉ HAMADI GATTA, ALIAS MARIGATTA,
DOCTEUR EN DROIT DE LA SORBONNE, CHERCHEUR ET SPÉCIALISTE DE DROIT AÉRIEN, MARITIME ET SPATIAL -FRANCE (PARIS)
Source : Nouakchott info (http://www.ani.mr/sys_journal/ImgJournal_28_04_2009_12_55_56.pdf)