Le Sénégal entre dans la phase d’exploitation industrielle de l’or. La société « Sabodala Gold Opérates » (SGO), une filiale de la société australienne MDL, détentrice d’une concession minière, est le maître d’œuvre. Etat des lieux du périmètre aurifère de Sabodala, Kanoumery et Niamia.
Très peu de Sénégalais connaissent la quantité voir même le potentiel des réserves aurifères dans les périmètres de Sabodala, Kanouméry et Niamia. Ceux qui sont même proches du théâtre des opérations ne sauraient le dire avec précision. « Je ne sais pas ce que renferme la convention paraphée entre l’Etat du Sénégal et la compagnie MDL.
Nous avons tout simplement été invités comme les autres ordres des collectivités locales concernées de l’ancien département de Kédougou à la signature officielle de la convention. Les choses se sont arrêtées là », regrette Cheikh Abdoul Khadre Cissokho, le président du Conseil régional de Tambacounda. La même observation est faite par le président du Conseil rural de Khossanto qui abrite l’essentiel, sinon la quasi-totalité des activités d’exploration et d’exploitation avant le tout nouveau découpage administratif qui a érigé Sabodala en sous-préfecture et communauté rurale. Un découpage qui fait encore couler beaucoup d’encre et de salives.
Les organisations féminines et de jeunes sont également dans la même ignorance. « Un déficit volontaire de communication », diront des acteurs d’organismes non étatiques. Le secrétaire exécutif de l’Ong, « La Lumière » met tout ceci sur le compte « d’un manque de transparence ». « Les communautés directement impactées et au-delà, les Sénégalais doivent être mis au parfum de la situation en les associant aux processus de négociation » estime cependant Ibrahima Sory Diallo dont la structure développe un programme d’actions citoyennes pour la préservation de l’environnement et le respect des droits des communautés vivant dans les zones aurifères en partenariat avec Oxfam America, un autre programme de transparence et de bonne gouvernance avec l’Union Européenne. « Il n’y a en fait rien à cacher dans cette affaire et l’Etat ne saurait naviguer à contre-courant des intérêts nationaux » rétorque le chef de la cellule de développement géologique et minier de Kédougou, un vieux routier qui a à son actif plus de deux décennies de présence dans la zone. Lamine Sy de préciser que des informations relatives aux ressources et réserves sont bel et bien disponibles.
RESSOURCES ET RESERVES EN OR ESTIMEES.
De la dizaine de compagnies officiant dans la recherche dans les périmètres de Sabodala, Kanouméry et Niamia, seule MDL détient un permis d’exploration et d’exploitation. Oromin, Rand Gold et Sored Mines sont titulaires de permis de recherches dans une zone aux indices très prometteurs couvrant, avec les autres compagnies, la fenêtre dite de Kédougou- Kéniéba, un domaine de 10 000 km2 constitué des formations rocheuses dites Birrimiennes.
Ces formations vieilles de plus de deux milliards d’années contiennent de l’or primaire très prisé et extrêmement fin, nécessitant des installations industrielles pour son traitement. Il faut que la roche soit broyée pour permettre de libérer l’or, avec l’utilisation bien entendu d’autres substances, explique M. Sy qui ajoutera que « pour 3g d’or, il faut une tonne de roche ». L’expert géologue de faire tout de suite la précision entre les réserves pour dire que « c’est ce qui est exploitable », et « les ressources desquelles on déduit les réserves ». Sous ce rapport, les réserves exploitables de MDL sont de l’ordre de 1 400 000 onces dans son permis de 20km2, l’once équivalant à 31 g, ceci fait environs 45 tonnes pour une durée d’exploitation de 10 ans à raison de 4.5 tonnes par an, si l’on en croit Lamine Sy, période qui pourrait aller bien au delà avec un potentiel tournant au tour de 90 tonnes, et une possible évolution vers une mine souterraine.
La recherche se poursuit. Pour Oromin, les trois indices testés de Goulouma, Massato et Niakafiri, sur la dizaine que compte son permis, mettent en relief un potentiel équivalant aux réserves de MDL, c’est-à-dire environs 45 tonnes avec une possible évolution, car les tests effectués sur les trois indices, ne le sont pas en maille serrée. Ce qui fait du périmètre de Oromin de 230km2, le plus aurifère.
Rand Gold dans son permis de Kanouméry fait ressortir que l’indice de Massawa vaut 3 000 000 d’onces de ressources, soient 90 tonnes, et la compagnie est titulaire de 4 permis de recherches. Si l’on y ajoute les réserves déclarées de Sored Mines de 18 à 20 tonnes avec son permis de recherches de Niamia dont on dit qu’il est en passe de devenir un permis d’exploitation, il y a de quoi dire que le Sénégal glisse vers un statut de pays minier.
Avant la production, le montant des investissements pour MDL oscillerait vers 100 milliards de francs CFA dont 30 milliards pour la construction de l’usine.Pour les autres compagnies excellant dans la recherche, les investissements sont onéreux. « 1 mètre de sondage carotté coûte 50 000 F, un sondage fait facilement 300 à 400 m, et il en faut des centaines. Alors faites le calcul pour vous faire une idée, et plus c’est intéressant plus la recherche se poursuit pour mieux comprendre ce qui se passe. » dira le chef de la cellule de développement géologique et minier de Kédougou.
LES ACTEURS.
Il y a bien évidemment l’Etat du Sénégal qui négocie et délivre les titres miniers avec la possibilité de les retirer, qui veille au respect des dispositions législatives et réglementaires, qui a d’entrée de jeu 10% d’actions gratuites pour chaque convention paraphée et qui redistribue la rente minière. A côté et sur la dizaine de compagnies les plus en vue sur le plan de l’exploration, l’on compte 5 sénégalaises, Watic, Sen Gold, Rokamco, Sored Mines et Nafpec.
Les 5 autres sont de grands groupes industriels comme la sud africaine Rand Gold qui évolue aussi au Mali dans les mines de Morila et Loulo, les canadiennes Agem intervenant aussi à Sadiola au Mali et Oromin, la britannique Axmin et l’australienne Mdl, la seule à brandir un permis d’exploitation d’une durée de 5 ans renouvelables à travers Sabodala Gold Opération, devenue d’ailleurs une concession minière dont la durée est comprise entre 20 et 25 ans. Il y a aussi des acteurs sénégalais faisant dans l’exploitation artisanale améliorée, Libidor de l’ancien international de football Louis Camara évoluant du côté de la Falémé à Pondala, ou encore Wourous, etc.…
Leurs problèmes semblent tourner au tour des montages financiers pour lesquels ils peineraient à trouver des partenaires. Les propriétaires terriens qui soutiennent avoir été expropriés complètent le tableau. C’est le cas de Tamba Soumaré de Sabodala qui dit avoir perdu l’usage de ses 25 ha et n’avoir rien reçu en guise de compensation. « J’ai fait des mains et des pieds pour bénéficier de compensations mais en vain. Pourtant mon champ est bel et bien mis en valeur avec pas mal de spéculations que la compagnie MDL a dû piétiner, et elle n’a pas daigné me procurer le moindre mètre carré dans les 80 ha aménagés pour les autres » s’écrie-t-il.
Le groupement des femmes de Faloumbou a aussi vu partir en fumée son périmètre maraîcher et chacune des 15 membres signifiera n’avoir perçu que 15 000 F. S’y ajoute Almamy Diaby du même village Faloumbou qui a perdu son immense champ où il déclare employer 16 personnes pour la somme de 40 000 F. Des champs sont aménagés par Mdl sur 80 ha sur les 100 prévus, mais les communautés les trouvent suffisamment éloignés des villages dont ils sont distants d’environs une dizaine de kilomètres. Les orpailleurs traditionnels de la zone de Tenkoto mettent sur la table un différent qui les opposerait à Rand Gold qui les empêcherait de ne point fréquenter des placers se trouvant dans le secteur de Mandancoly. « Nous sommes ici sur nos terres que mon grand père exploitait déjà en 1903 avant que nos parents viennent s’y installer vers les années 1940.
C’est dans ces zones que nous tirons l’essentiel de nos ressources pour survivre, et si l’on veut nous enlever cette sorte de fromage, c’est la meilleure façon de nous tuer à petit feu, d’autant plus que la présence de cette compagnie ici n’a aucune retombée pour nos communautés qui souffrent d’un manque criard d’eau, de structure de santé et de piste carrossable » dira le chef de village de Tenkoto, une bourgade d’orpaillage traditionnel réputée pour ses 10 000 âmes et le taux de prévalence élevé du sida(7%).
D’ailleurs Bambo Cissokho dira l’avoir souligné au ministre de tutelle de l’époque Me Madické Niang à travers une correspondance qu’il lui a adressée lors de sa dernière visite consacrée au lancement du programme social minier, « correspondance restée sans suite » précise-t-il. Du côté de Rand Gold, en l’absence du chef du camp de Kanouméry, en route pour la Falémé, peu d’informations de sources offficielles. Aux deux jeunes géologues, du reste très accueillants qui l’ont joint pour demander s’ils pouvaient nous dire quelque chose sur ce « différent », comme dans une caserne, il aurait intimé l’ordre de ne rien dire, assurant qu’il s’en chargera personnellement le moment venu.
Mdl a sous-traité avec la « sénégalaise CMA » qui a réalisé les charpentes de l’usine et les Tanks devant contenir le cyanure ainsi qu’avec Alcatras, un GIE établi à Kédougou pour la location d’engins lourds, de citernes d’eau, de bus et de petits véhicules tout terrain.
L’autre acteur est la seule organisation de la société civile de l’affaire. Depuis un bon moment, elle se démène pour le respect des droits des communautés, le partage équitable des ressources, la préservation de l’environnement et la transparence. L’Ong « La Lumière » a d’ailleurs outillé les communautés sur les différents instruments juridiques, et mis en place un comité inter villageois de surveillance des impacts des opérations minières, un cadre de concertation devant nouer le fil du dialogue avec les sociétés minières pour éviter des conflits.
CADRE JURIDIQUE ET REGIME FISCAL.
De toutes les compagnies évoluant dans les périmètres aurifères, seule Mdl dispose d’un permis d’exploitation. Les autres sont dans la recherche. L’exposé des motifs de la loi portant code minier indique que pour alléger les procédures administratives, il faut faire autoriser les actes de prospection et de recherche minières ainsi que de l’exploitation artisanale ou de petite mine et de l’ouverture et de l’exploitation de carrière, par le seul ministre en charges des mines, après avis des autres ministres éventuellement impliqués.
Les actes relevant de l’exploitation des substances concessibles, exigeant des titres miniers d’exploitation sont toujours octroyés par décret ». Pour les permis de Sabodala, « il y a eu un appel d’offre international et pour la recherche et pour l’exploitation. Oromin a remporté le permis de recherche, 230 km2 lui sont octroyés, Mdl était le mieux disant pour l’exploitation avec ses 20 km2 » expliquera Lamine Sy. Le code des mines indique que le permis de recherche a une durée de validité de 3 ans renouvelables 2 fois, et pour l’exploitation, 5 ans renouvelable deux fois et n’excédant pas 25 ans.
Les obligations des compagnies aussi bien pour la recherche que pour l’exploitation indiscipline et artisanale, sont déterminées par le code minier. On not par exemple les dispositions de l’article 29 qui imposent aux sociétés de fournir régulièrement des informations au ministre de tutelle sur « les méthodes et résultas d’exploitation, des résultats des travaux de recherche des réserves additionnelles prouvées et probables ainsi que leurs caractéristiques ».
Chaque compagnie doit accepter d’office les 10% gratuits de l’Etat au capital social avec possibilité de négocier pour lui et pour le secteur privé national une participation supplémentaire de parts ou d’actions au capital, « jusqu’à hauteur de 30% cette fois ci en payant le surplus » précise Mr Sy. Autre type d’engagement de Mdl notamment, c’est de mettre en œuvre les recommandations de l’étude d’impact environnemental et social et à verser durant la phase d’exploration des fonds sociaux de l’ordre de 500 000 dollars US, et 400 000 dollars pendant la production et par an. Les royalties sont de 3% de la valeur carreau mine. Il y a eu des séances de renégociation avec Mdl parce que « c’est sur la base des estimations de 17 tonnes de réserves que la convention serait paraphée, quand les réserves ont évolué, l’Etat a demandé et obtenu que les choses soient revues à la hausse. Les clauses de la convention ne sauraient être divulguées, « parce que ce que l’Etat négocie avec telle compagnie ne doit point être connue par l’autre » avancera Mr Sy.
Le code minier prévoit pas mal d’incitations fiscales. L’article 58 stipule par exemple que « le titulaire du permis de recherche de substances minérales bénéficie pendant toute la durée de validité du dit permis de recherche et de ses renouvellements, dans le cadre de ses opérations de recherche, d’un régime d’exonération totale d’impôts et de taxes de toute nature ». Il l’est aussi « de tout droit de douane y compris la TVA » avec une longue liste de produits et matériaux concernés. Il en est de même pour le titulaire d’une concession minière d’exploitation Cela peut durer 7ans ou toute la durée de remboursement des crédits pour les investissements lourds avec une possibilité de rendre caducs ces avantages fiscaux et douaniers.
D’autres textes comme le code de l’environnement, celui du domaine de l’Etat, les codes de l’eau et de l’environnement constituent l’arsenal juridique dans lequel doivent se mouvoir les sociétés minières assujetties à des sanctions en cas de non respect de leurs engagements ou des dispositions légales en vigueur. Les collectivités locales ne sont pas en rade avec l’institution d’un fonds de péréquation et d’appui, et pour la bonne gestion de l’environnement, il est prévu » un fonds de restitution des sites miniers ».
Le code de l’environnement, dans les dispositions prises à son article 48, exige une évaluation environnementale, le code minier parle en son article 83 d’étude d’impact environnemental.
Dans le cas de figure de Mdl, l’étude d’impact environnemental et social est réalisé après la signature de la convention « alors qu’elle devait servir d’outil de taille à la prise de décision » s’est exclamée la société civile. Au sujet de ces dispositions réglementaires, certaines insuffisances sont notées dans l’étude commanditée par l’ONG La Lumière, l’on retiendra le défaut d’émission de « l’avis des collectivités locales à titre consultatif dans le processus de délivrance des titres miniers et la validation de l’étude d’impact environnemental et social ainsi que dans la négociation des cahiers de charge, la non publication des états financiers, la non précision des modalités de mise en œuvre et de suivi de l’application des conclusions de l’étude d’impact environnemental et social.
L’étude mettra en relief la non fixation « par la loi des délais de réhabilitation des sites ». L’autre lacune de taille est relative au régime juridique des terres du domaine national « ne conférant qu’un droit d’usage et de jouissance ».
Source : Sudonline.fr