Cher Manuel,
Quand je débarquais dans cette douce France devenue « inhospitalière » par la faute des politiques, vous étiez encore Maire d’Evry. Cette belle et réputée ville d’Essonne où sont nés des jeunes filles et des garçons avec qui je partage le même sang. Ces jeunes femmes et hommes qui n’ont pas eu la chance d’être pouponnés par papi et mamie d’Afrique comme je l’ai été. Des cousines sont nées dans cette douce France par les hasards de la vie. Vous n’étiez pas cette homme que vous êtes devenu de nos jours. Le voile existait déjà mais vous le tolériez parce que votre électorat local, en majorité immigré, l’obligeait. En tout cas, vous n’étiez pas cet homme intolérant qui, pour s’élever politiquement, méprise.
Ces jeunes femmes aux antipodes de « votre Marianne » que vous stigmatisez aujourd’hui parce qu’elles sont musulmanes, déclarez indésirables parce qu’elles osent vivre la religion héritée de leurs aïeux en toute liberté, ne sont-elles pas plus françaises que vous et moi ? Par le fruit du hasard, ce même hasard qui a fait de ces jeunes femmes Evryennes, Parisiennes, Marseillaises… de naissance, nous sommes devenus tous les deux Français la même année pour ne pas dire 1982. Vous, natif de Barcelone ( Espagne ) devenu Français par le biais d’une naturalisation et moi, natif de Dakar ( Sénégal ) devenu français par voie de la filiation paternelle. Manuel, vous et moi sommes les enfants de Marianne, cette femme si chère à vos yeux, parce que la France fût tolérante, pays des droits de l’homme où chaque être selon son origine pouvait venir y vivre paisiblement sans être indexé pour ses différences. Oui, cette France que nous avons héritée d’hommes généreux, humanistes à tous égards était un havre de paix. Ces hommes que j’appelle « Toubabs » ( appellation sénégalaise des gaulois ) furent des âmes pures qui ont longtemps mis les valeurs de la tolérance, du respect de la dignité humaine aux cimes de leurs préoccupations. Inutile de les citer car la liste serait longue. Ces « Toubabs » que nos grands-pères et pères se délectent de nous conter auraient honte de leur patrie et de vos agissements.
Ces « Toubabs » qui donnaient le pain, le gîte à l’étranger sans s’intéresser à la couleur et aux origines auraient honte de leur pays de nos jours. Un vieux retraité français d’origine africaine qui a donné un demi-siècle de sa vie à la France se plait toujours à me raisonner quand je critique le pays de Marianne. Il me dit toujours: « - Fils, ce pays était l’incarnation de la générosité et de la tolérance. Les Français, dans leur grande majorité, avaient toujours été tolérants et généreux. Les patrons étaient super compréhensifs. Imaginez, à l’époque : nous ne savions ni lire ni écrire. Par le langage des signes, nous arrivions à communiquer sans problèmes. Quand nous cherchions du travail, à défaut d’un contrat, nous rentrions avec des billets de banque, des habits ou des vivres en guise d’encouragement pour redoubler d’efforts. Nous ne demandions rien à l’époque. Ils venaient eux-mêmes nous confectionner les papiers pour faire de nous des français. Beaucoup refusaient d’ailleurs la nationalité française. Ces hommes politiques qui gesticulent aujourd’hui ne sont pas de véritables « Toubabs ». Ils sont tous d’origine étrangère comme vous et moi. L’intolérance est nourrie par les « français » d’origine comme vous et moi. Comme le dit l’adage : « Quand deux ânes se retrouvent devant le foin, ils se font la guerre par égoïsme alors que l’un et l’autre n’avaient donné aucun coup de pioche à la terre ». C’est l’égoïsme et l’intolérance des différentes vagues d’immigrés qui ont périclité la France vers les abysses .
Manuel, ce vieil homme n’a-t-il pas raison ? Bon nombre d’hommes politiques qui dressent les français les uns contre les autres sont « français » ou devenus français. Nicolas Sarkozy serait-il devenu président de la république si l’on mettait les origines au cœur d’une élection présidentielle ? Seriez-vous, vous-même devenu Premier Ministre si la France qui vous a accueilli avait poussé l’intolérance au seuil où vous la mettez de nos jours ?
Aujourd’hui, l’islam est devenu un fonds de commerce. Tout est prétexte pour indexer, vouer aux gémonies les musulmans de France. Le sujet vous passionne à tel point que vous versiez dans l’amalgame. Votre allocution au meeting de rentrée politique du Parti socialiste, corporation politique en agonie, du 29 Août fait honte, eu égard à votre position actuelle sur l’échiquier politique du pays. Elle met en exergue plusieurs lacunes. D’abord, elle dénote votre méconnaissance de l’histoire de ce beau pays qui vous a adopté, jadis terre de tolérance, que vous dirigez. Vos conseillers politiques doivent démissionner car ils cautionnent un discours qui dessert notre pays. La figure de Marianne n’aurait jamais cautionné votre acharnement contre les femmes musulmanes. Elle ( Marianne ) n’aurait jamais permis ce lamentable amalgame entre les seins nus et la liberté. Justement, l’objet de ma lettre découle de votre message suivant : «Sur la place des femmes nous ne pouvons transiger. Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu parce qu'elle nourrit le peuple, elle n'est pas voilée parce qu'elle est libre! C'est ça la République! C'est ça Marianne!».
Je réagis à ce lamentable amalgame non pas parce que je suis musulman mais simplement parce que je suis époux d’une FEMME « oppressée » parce qu’elle est voilée. Je me suis toujours abstenu de commenter le sujet sur le voile. Je parle bien de voile et non de « burqa ». En effet, pour moi, chaque femme a le droit de se vêtir comme bon lui semble. De la même manière, je tolère qu’une femme s’habille « sexy », de cette même manière je tolère qu’elle soit couverte par sa propre volonté. Selon votre raisonnement, Marianne a le sein nu. Elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre. Encore faut-il qu’on puisse définir les contours de la liberté ? Est-ce la vôtre qui s’arrête à votre conception de la République et non là où commence celle des autres. Ma femme est voilée depuis plus de 7 ans. Elle n’a pas le sein nu comme Marianne, serait-elle prisonnière ? Justement, elle a pris ce voile en toute liberté. Je ne lui ai jamais parlé de voile à fortiori lui en imposer. Elle a fait le choix par conviction et convenance personnelle. En parallèle, j’ai des sœurs et des cousines qui font la coupe « Davala » ou « Rihana » si elles ne mettent pas de mèches brésiliennes. Je ne les stigmatise point. C’est leur choix. Oui, Manuel, c’est cela que j’appelle la liberté. Ma femme est libre dans ma « REPUBLIQUE » plus qu’elle ne l’est dans la vôtre. Ma république prône la tolérance et abhorre les jugements de valeur. Femme voilée ne veut nullement dire « femme prisonnière », femme « dévêtue » habillée ne veut nullement dire « femme objet».
Pour revenir à ma « femme voilée », Manuel, elle est plus que libre dans son foyer qui est par extrapolation ma « REPUBLIQUE » que dans la vôtre. Dans cette république, je suis le président et elle occupe la Primature. On travaille main dans la main pour donner un avenir meilleur à nos administrés ( nos enfants ). Ce n’est nullement dans votre « REPUBLIQUE » où on se tire dessus pour des intérêts crypto-personnels et pour remonter dans les sondages. Si je vous parle d’ Emmanuel Macron, combien de tours fera votre sang ?
Dans ma « REPUBLIQUE », ma « voilée » a les mêmes droits que moi. Dans << votre >> « REPUBLIQUE », elle est stigmatisée et vilipendée. Dans ma république, elle vit sa foi comme bon lui semble. Détrompez-vous, Manuel, dans ma « REPUBLIQUE », ma femme est plus libre qu’une colombe. Elle n’est ni soumise ni rebelle. Elle est une femme comme toutes les femmes avec ses caprices et ses délires. C’est votre « REPUBLIQUE » qui me la dépeint comme une autre « femme », différente des autres. C’est en regardant << vos >> médias que je me rends compte qu’elle n’est pas une femme comme les autres parce qu’elle couvre sa tête par conviction religieuse. Et pourtant les sœurs chrétiennes le font depuis des siècles sans aucune polémique. Ne le font-elles pas également par conviction religieuse ? Pourquoi voulez-vous lui enlever ce droit ? Votre « REPUBLIQUE » l’oppresse et l’étouffe. Elle doit essuyer les regards et les quolibets parce que vos pairs politiques et vous la dépeignez comme bouc émissaire des maux de la France. Ainsi, vous libérez la parole raciste. Vous déchainez les racistes et les intolérants. Chaque soir, elle rentre « opprimée » parce qu’elle ne se sent plus en sécurité dans votre REPUBLIQUE. Sa liberté est bafouée par moult amalgames que vous nourrissez à longueur de journée sur les plateaux de télévisions. Bizarrement, cet été, on a décidé de visiter une région française, la Charente. En « Burkini », elle s’est baignée dans les piscines et sur les plages de la Palmyre sans gêner quiconque. Avec son « Burkini », la plage ne s’est pas assombrie. Le soleil était toujours au zénith. L’eau n’a pas changé de couleur. Le sable ne s’est pas envolé. Moi, je me suis aussi baigné sur ces mêmes plages « habillé » comme bon me semblait. Chacun était libre de faire comme bon lui semblait. Je ne me suis pas arrêté sur les deux ou trois pièces des autres femmes qui se bronzaient par ci par là. Je n’ai traité aucune femme de vulgaire ou de « mœurs légères ». Manuel, je leur accorde cette liberté de faire ce que désirent leurs cœurs.
Cette religion, l’islam, qui vous dérange tant, est la mienne. Elle prône justement la tolérance. Elle dit dans sa sourate 109 du Coran : « Je n’adore pas ce que vous adorez. Et vous n’adorez pas ce que j’adore. A vous votre religion, et à moi ma religion ». Cela me suffit largement pour me couvrir du manteau de la tolérance.
Manuel, cette femme qui est devenue « indésirable » dans votre « REPUBLIQUE » est une contribuable, exempte de tout reproche. Diplômée, elle tire son épingle du jeu par la sueur de son front. Elle ne bénéficie ni d’APL, ni de RSA. Tout l’argent qu’elle gagne, elle l’a mérité. Elle paie ses impôts jusqu’au dernier centime pour maintenir votre train de vie de « Ministre ». Elle injecte de l’argent dans les caisses de l’Etat pour payer grassement vos conseillers qui ne servent pas à grand-chose à part << pondre >> des discours nauséabonds. Les Français sont lassés de les écouter. Ces petites ritournelles que vous chantez sur les plateaux de télévisions ne servent qu’aux esprits « étroits » pour légitimer leurs actes et propos racistes. Les Français ont peur. L’orientation politique de << votre >> gouvernement fragilise la cohésion sociale. Elle expose la France et attire les terroristes qui sortent des « entrailles » de vos mauvaises politiques d’intégration.
En parlant de terrorisme, laissez-moi vous dire ce que ma religion m’a appris. Cette religion qui déchaine les passions aujourd’hui. Etant né de parents musulmans, et issu d’une famille croyante, je fus inscrit à l’école coranique dès le bas âge. J’ai appris le coran et d’autres livres théologiques. L’objectif principal de cette école était de parfaire mon éducation. Aucun écart n’était permis. Le respect des ainés, le respect des femmes, la tolérance, l’entraide, le respect de l’étranger, la générosité et le travail étaient des valeurs qui me furent inculquées. Quand je me conduisais mal, on me corrigeait sur le champ, fut-il le voisin. Cette école m’a permis de donner un sens à ma vie. Les sourates que j’ai apprises prônaient de faire le « jihad » sur ma propre personne. Ce mot devenu « imprononçable » signifie plus un combat intérieur pour dompter ses passions et ses folies qu’autre chose. Il n’a jamais été question d’aller ôter la vie d’un autre pour ses croyances. Je vous renvoie la citation suivante déjà émise : « Je n’adore pas ce que vous adorez. Et vous n’adorez pas ce que j’adore. A vous votre religion, et à moi ma religion ». Jeunes et insouciants, nous jouions avec la vie des oiseaux et autres rongeurs que l’on attrapait. Quand nous étions pris en train de les maltraiter, on nous « chicotait » avec à la clef une interdiction de chasser même une mouche. Il était formellement interdit d’ôter la vie d’un animal si ce n’est pour se nourrir. Donc, ces hommes qui tuent ne sont guère de la même religion que moi. Je profite de cette occasion pour présenter mes condoléances à tous ces gens qui ont perdu des êtres chers par la barbarie de l’homme. J’aurais pu être parmi ces morts. J’étais convoqué le soir de l’attentat par une société qui officie dans l’évènementiel pour une mission ponctuelle de travail. A la dernière minute, je ne me suis pas rendu au stade. En effet, un cousin avait prévu de passer chez moi pour une affaire urgente. A 22 heures, devant ma télévision, j’ai appris l’attaque du stade de France par les terroristes. J’aurais pu être parmi ces victimes. Ces fous ne représentent qu’eux-mêmes. Ils n’ont aucun camp sinon celui de la barbarie et de la bêtise. Ils sont là pour semer la zizanie entre les hommes. Nul besoin de leur donner forte main en s’adonnant aux amalgames. Manuel, la riposte doit se faire par des mesures sécuritaires idoines. Ce n’est pas en expulsant des femmes en « Burkini » des plages ou en stigmatisant les femmes voilées que vous arriverez au bout de cette folie terroriste.
Manuel, je cultive la tolérance religieuse. Ne soyez pas étonné. J’ai fait mes humanités au Sénégal, ce beau pays d’Afrique, synonyme d’hospitalité pour les français. Vos administrés y vivent comme « un poisson dans l’eau ». Ils vivent même mieux que les nationaux. Ils font ce que bon leur semble avec leurs richesses. A la plage, ils portent ce que leurs âmes désirent sans aucun problème. Ils sont avant tout des humains avant d’être « étrangers ».
Dans ce pays où j’ai passé ma jeunesse, la religion n’a jamais posé problème. Le premier président n’est personne d’autre que Léopold Sédar Senghor. Catholique jusqu’à la moelle épinière, il a dirigé ce pays peuplé de musulmans à hauteur de 95% pendant une vingtaine d’années. Il était même le chouchou des chefs religieux. Il n’avait pas de sens interdit dans les foyers religieux. Je suis né dans cette ambiance où l’on n’est point stigmatisé par sa religion ou son origine. Au collège, mes professeurs étaient en grande majorité des chrétiens et des animistes. Ils m’ont inculqué des valeurs universelles qui me permettent aujourd’hui de vivre normalement dans toute société. Mieux, j’allais souvent manger chez eux lors des fêtes religieuses. Ils en faisaient autant lors des fêtes musulmanes. Pendant ma formation estudiantine, j’ai même eu le plaisir d’intégrer une école privée catholique qui me permit d’avoir le parchemin qui me donne aujourd’hui droit à un travail décent dans le pays de Marianne. Dans cette école, mes camarades chrétiens priaient tous les matins le Christ sous la houlette d’un père. Il y avait partout des signes religieux de la « chrétienneté». Jamais, mon « petit-esprit » n’a été dérangé car on m’a appris la tolérance, le respect de l’autre quelles que soient les différences. Je vous conseille d’y amener en stage les enfants de votre « REPUBLIQUE ». Ce pays est un exemple parfait de la tolérance religieuse.
Manuel, les Français n’en peuvent plus. Les rangs des chômeurs grossissent tous les jours. Le pouvoir d’achat s’écroule. Nous vivotons dans cette France à cause de vos mauvaises politiques. De grâce, à défaut de régler les problèmes du pays, laissez-nous vivre en paix entre français, quels que soient l’origine, la religion, le sexe et la couleur.
S. KOITA dit MAKALOU