Licencié sans indemnités pour avoir présenté de faux papiers, un Malien a voulu faire valoir ses droits devant le conseil de prud’hommes de Nanterre. Où il a été cueilli par la police.
« Scandaleux », « incroyable », « immoral », « une grande première ». C’est par ces mots que les associations des droits de l’homme, d’aide aux étrangers, mais aussi les organisations syndicales de magistrats et d’avocats qualifient l’interpellation, le 11 avril, d’un travailleur malien sans papiers, Zoumana, à la sortie de son audience de conciliation avec son ex-employeur devant le conseil de prud’hommes de Nanterre.
« Je voulais juste défendre mes droits » « Je voulais juste défendre mes droits »
Le salarié, travaillant à Gennevilliers et à Asnières pour une société de restauration collective, Sphore, était venu réclamer des indemnités à la suite de son licenciement.
« En droit, rien n’interdit aux policiers d’arrêter une personne en situation irrégulière. Mais dans ce cas précis, nous avons à faire à une privation pure et simple de l’accès à la justice », s’exclame Violaine Carrère, chargée d’étude au Gisti, le Groupe de soutien et d’information des immigrés. « Quand on est sans papiers on ne peut même plus faire valoir ses droits de travailleur… il faut distinguer les deux situations », renchérit Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. Car cette arrestation fait suite à la plainte de l’employeur pour « usurpation d’identité » : pour se faire embaucher, Zoumana avait présenté une carte de séjour empruntée à un de ses amis. Apprenant que l’intéressé avait décidé de faire valoir ses droits aux prud’hommes après son licenciement, l’entreprise a averti les forces de police de sa présence le jour de l’audience, selon les témoins présents. « Cela ressemble grandement à de la délation », s’insurge Matthieu Bonduelle.
« Il faut quand même rappeler que la préfecture demande aux employeurs des attestations de concordance entre l’identité du salarié et la pièce d’identité fournie, précise Etienne Deschamps, le représentant syndical de la CNT-Nettoyage, qui défend Zoumana. Même si l’employeur se rend compte qu’il a été lésé, les sans-papiers sont des travailleurs comme les autres qui ont des droits et notamment celui d’obtenir des indemnités. »
Pour les associations, la plainte de l’employeur déposée pour « usurpation d’identité » avait pour but de ne pas indemniser son salarié. « Les autorités ont une adresse fixe pour Zoumana, si elles souhaitaient vraiment le faire arrêter, il ne fallait pas attendre d’être dans le tribunal », s’insurge le représentant syndical. « Sans parler de sanctuaire, le palais de justice est un lieu où les personnes tentent de faire valoir leurs droits, commente le représentant du Syndicat de la magistrature. Il y a encore beaucoup à faire pour permettre un accès égalitaire à la justice. »
Le Parisien