Désigné président par intérim dans le cadre de l'accord entre la Cédéao et la junte, le leader de l'Alliance démocratique du Mali a pour mission d'organiser des élections sous 40 jours.
Son investiture, prévue mardi 10 avril, aura finalement lieu jeudi 12 avril a annoncé la Cour constitutionnelle.
À croire que tout dans le putsch militaire de la junte destinait Dioncounda Traoré à endosser la plus haute fonction politique du Mali. Hasard du destin, c'est à Kati, ville-garnison d'où est parti le coup d'Etat du capitaine Amadou Sanogo et sa troupe de mutins, que le président de l'Assemblée nationale a vu le jour en 1942.
Depuis sa naissance sur les hauteurs de Bamako jusqu'à son arrivée au perchoir de l'Assemblée, ce docteur en économie et professeur d'université a connu une carrière politique mouvementé, mais est resté fidèle contre vents et marées à son parti de toujours, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema).
Il milite d'abord dans la clandestinité pour l'Adema, aujourd'hui le premier parti du pays en nombre d'élus nationaux et locaux, sous le régime dictatorial de Moussa Traoré (1968-1991). Son engagement politique, aux côtés de Alpha Oumar Konaré, alias AOK, lui vaut torture et passage par les geôles de Bamako.
Ministre d'Alpha Oumar Konaré
La récompense vient en 1992. Son ami AOK - les Maliens sont friands de surnoms politiques - remporte l'élection présidentielle et accède à la présidence, après une période de transition qui fait suite au coup d’État militaire mené par le lieutenant colonel Amadou Toumani Touré (ATT), déjà lui, l'année précédente.
Une belle carrière ministérielle s'ouvre alors pour Dioncounda Traoré. Successivement ministre de la fonction publique, du travail, de la défense puis des affaires étrangères, il acquiert légitimité et expérience politique.
Parallèlement, l'homme de Kati est l'étoile montante de l'Adema. En 1997, année où il se fait élire pour la première fois député, Dioncounda Traoré s'empare de la tête du groupe parlementaire du parti. Dernière marche avant de prendre la direction de l'Adema.
"Président par défaut"
Le destin se charge pour la première fois de faire de Dioncounda Traoré un "président par défaut". Nous sommes en 2000. Ibrahim Boubacar Keita, chef de file de l'Adema et premier ministre dans le gouvernement d'AOK, est contesté au sein du parti et le chef d’État refuse de le désigner comme son successeur.
Une non-désignation qui pousse Boubacar Keita à démissionner de la tête de l'Adema. Le fauteuil vacant est attribué à Dioncounda Traoré, qui hérite du surnom de "président par défaut".
Réélu en 2007 comme député, après un échec en 2002, il devient la même année président de l'Assemblée nationale. L'ambition présidentielle se précise. En juillet 2011, sa désignation comme candidat du parti pour le scrutin de l'année suivante fait l'unanimité. La route vers le pouvoir est ouverte. Le président sortant ATT a fait part de sa volonté de ne pas se représenter. Dioncounda Traoré endosse l'étiquette de favori pour la présidentielle.
"Rien ne lui interdit de se présenter"
Le putsch du 22 mars de la junte malienne aurait pu tout bouleverser. Briser l'ambition présidentielle du leader de l'Adema. Mais fragilisé par l'avancée militaire des rebelles touareg qui se sont emparés du Nord-Mali, le capitaine Sanogo a finalement plié sous la pression de la communauté internationale.
Dans le cadre de l'accord signé entre la Cédéao et la junte le 6 avril, Dioncounda Traoré est désigné président intérimaire du Mali. Après son investiture officielle, qui aura lieu jeudi 12 avril, sa mission sera d'organiser des élections sous 40 jours. Et maintenir sa candidature ?
Pour Philippe Hugon directeur de recherche en charge de l'Afrique à l'IRIS, "la fonction de président d'intérim ne peut que renforcer la légitimité de Dioncounda Traoré. Il sera en première ligne lors des négociations avec le MNLA pour régler la situation dans le nord du pays et rien ne lui interdit de se présenter à la présidentielle."
Camille BELSOEUR, La Croix.