Porter un niqab ou une burqa dans l’espace public est désormais passible de 150 euros d’amende.
Après des mois de débat et de controverse, la loi interdisant "les tenues" qui "rendent impossible l'identification de la personne" entre finalement en vigueur. La France est le premier pays européen à se doter d'une législation de ce type. Voici ses principales dispositions.
Qui est susceptible d’être contrôlé ?
La loi concerne "toute personne" sans distinction d’âge, de sexe ou de nationalité. Les tenues interdites sont les "cagoules, voiles intégraux (burqa, niqab), masques ou tout autre accessoire" dissimulant le visage. L’interdiction ne vaut que pour l’espace public, c’est-à-dire la rue, les administrations et les espaces accessibles librement au public (commerces, cinéma, cafés, jardins, gares et aéroports, transports en commun…).
Si la tenue est "justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels" ou si elle "s'inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles", elle ne tombe pas sous le coup de la loi. Des masques de soudeur, d’escrimeur ou de carnaval, par exemple, sont donc tolérés.
Que risque-t-on ?
Le port d’un voile intégral dans la rue coûtera désormais 150 euros d’amende et/ou peut entraîner l’obligation de participer à un stage de citoyenneté. La sanction peut être beaucoup plus lourde concernant un époux qui aurait forcé sa femme à se couvrir entièrement le visage : il est passible d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Si la personne contrainte est mineure, la peine est doublée. Reste encore à prouver qu’une femme portant niqab ou burqa le fait de manière contrainte et forcée.
Comment procéder aux contrôles ?
Deux circulaires sont venues préciser les conditions d’application de la loi. Seules la police et la gendarmerie sont habilitées à procéder aux contrôles et toute autre personne qui s'y risque peut se voir condamnée. Dans une circulaire en date du 3 mars, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a souligné que "dans le cas où une personne refuse de se prêter à un contrôle (...), les conséquences de ce refus devront lui être exposées et notamment la possibilité, si elle persiste, de la conduire dans des locaux de police ou de gendarmerie pour y procéder à une vérification d'identité". Certains syndicats de police craignent néanmoins que la mise en pratique des contrôles posera des difficultés.
Interrogé lundi au micro d'Europe 1, Jean-Claude Delage, secrétaire général du syndicat de police Alliance, a lui estimé lui que les agents de police "feront preuve d’initiatives et de discernement" et qu'il ne s'agira pas pour eux "d’aller chercher ce type de situations, mais simplement de les régler quand elle se présenteront". La principale préoccupation des policiers est que "la situation se règle à l'amiable (...) sans qu'il soit besoin d 'emmener les personnes au poste pour des vérifications d'identité" a précisé Jean-Claude Delage. Il a ajouté qu'il n'est "nullement question d'ôter le voile des personnes. Dans un premier temps nous demanderons d’enlever le voile, si cela se passe moins bien, il y aura conduite au poste, appel aux magistrats, mais je crois que cela devrait être l'exception".
La République à visage découvert
Une loi qui fait suite à celle de 2004
La loi, en date du 12 octobre 2010, vient compléter celle du 15 mars 2004 qui concernait les signes religieux "ostensibles" à l’école. Celle-ci interdit de porter à la fois le voile plus ou moins couvrant (hidjab, tchador, khimâr en plus de la burqa et du niqab), la kippa, les grandes croix chrétiennes (catholique, orthodoxe), le dastaar (le turban des Sikhs), voire le bandana s’il est revendiqué comme étant un signe religieux. Elle concerne tous les élèves d’établissement publics (incluant les classes prépas et les BTS) et l’ensemble du personnel scolaire. La loi de 2004 ne s’applique par contre pas aux universités.
Un site pour expliquer la loi
Un site Internet est spécialement prévu pour expliquer cette nouvelle loi. Il propose notamment de télécharger des affichettes montrant une Marianne et sur lesquelles il est écrit que la "République se vit à visage découvert".
La loi fait encore débat
Deux femmes en niqab et plusieurs sympathisants ont été interpellés lundi matin devant la cathédrale Notre-Dame de Paris, pour avoir participé à une manifestation non déclarée, contre la loi du 12 octobre 2010.
Par ailleurs, l’homme d’affaire Rachid Nekkaz, éphémère candidat à la présidentielle de 2007 et habitué aux actions d’éclats, a annoncé qu’il mettait aux enchères son immeuble de Choisy-le-Roi en banlieue parisienne, pour "payer toutes les amendes des femmes portant librement le niqab dans la rue". Il ne s’oppose pas au port du voile dans les administrations, mais estime que la "ligne rouge" a été franchie en interdisant le port du voile dans la rue. Rachid Nekkaz appelle également à une manifestation lundi à 15 heures devant l’Assemblée nationale.