Qu'allait devenir le Fouta sans l'émigration ? Un simple désert aride, chaud et sec où il ne fait pas bon vivre ? En tout cas, l'apport des émigrés a transformé le visage de cette partie du Sénégal où il manquait de tout. Avec un Etat quasi absent, des ressources inexistantes ou mal exploitées, la région de Matam ne compte que sur l'émigration, pour s'en sortir. L'émigration, est en quelque sorte l'or noir du
Fouta.
Des maisons en banco aux R+2
Située à 693 km de
Dakar,
Matam était une bourgade agricole. En amont, le visiteur pouvait remarquer les bâtiments coloniaux abritant différents services administratifs (dont la Préfecture). En aval, il était aisé de se perdre dans les dédales de ruelles bordées de maisons en "banco", notamment dans le quartier Soubalo (des pêcheurs).
Mais depuis plusieurs années, le paysage architectural de cette ville devenue en 2002, capitale régionale, s’est métamorphosé. A l’instar de plusieurs villes et villages comme
Ourossogui,
Kanel,
Thilogne,
Bokidiawé,
Ododéré,
Waoundé,
Dembakani etc., les grandes bâtisses de plusieurs pièces en banco, les toits plats sans couverture et les petites fenêtres qui convenaient à cette région fâchée avec la pluie, en proie avec des températures torrides dépassant dans la journée 40°C, ont cédé la place aux R+.
Aujourd’hui, on observe en effet trop souvent la mégalomanie des nouveaux riches qui érigent à la place des maisons en banco ou des cases en paille, des villas à la grecque, à l’image de celles qui se dressent dans la capitale,
Dakar. Un signe extérieur de richesse qui se matérialise dans un environnement physique marqué par la pauvreté.
Ibrahima Bâ, jeune diplômé au chômage d’apprécier : «Vous n’avez plus besoin de demander si une famille est aisée ou pas aujourd’hui dans les villages. Ici par exemple, à Ourossogui, tous les hôtels, les plus belles villas, les plus grandes voitures appartiennent à des émigrés ou d’anciens émigrés. C’est un signe extérieur de leur richesse qu’ils montrent avec ses avantages et ses inconvénients.
Un de ses camarades s’invite au débat : «Je pense que c’est une bonne chose. Les maisons en banco, même si elles sont moins chaudes que ces bâtiments en dur, elles ne résistent pas aux effets de la pluie et à l’érosion. Et elles ont beaucoup contribué à la déforestation de notre environnement».
Puis, élevant le ton : «que voulez-vous ? Que nous continuons à vivre comme au moyen âge avec des cases en paille qui prennent feu à chaque fois que le vent souffle ? Non, nos émigrés ont bien fait de se battre pour changer le visage de nos villes et villages».