« C’est la sécheresse qui a fait fuir les gens », a dit Ousmane Touré, un habitant de Kayes, une ville située à 450 kilomètres au nord-ouest de Bamako, la capitale du Mali. En autobus, il faut 10 heures pour faire le trajet et traverser les terres desséchées de l’ouest du Sahel. « Il y a toujours eu une tradition d’émigration, mais ce n’est que lorsque les récoltes ont été mauvaises, dans les années 1970, qu’on a assisté à un exode massif. Comme il n’y avait pas suffisamment à manger pour tout le monde, certains ont décidé de partir pour la France, l’Allemagne ou les États-Unis. Ils savaient que c’était la seule façon de nourrir les membres de leur famille restés à Kayes. Nous assistons au même phénomène cette année. »
M. Touré est à la tête de l’Association des migrants de retour à Kayes (AMRK), une organisation d’aide sociale qui tente de fournir, à court terme, conseils et hébergement à ceux qui reviennent dans cette région du pays. Les rapatriés, en particulier les Soninké, une ethnie présente au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et en Guinée-Bissau, ont joué un rôle important dans le développement de l’ouest du Mali grâce à leurs envois de fonds et autres transferts d’argent. Ils ont en effet donné au pays une base économique et une identité plus fortes. Nombre d’entre eux ont été déportés après que de nouvelles restrictions en matière d’immigration ont été imposées en France et dans d’autres pays.
« Les émigrants étaient bien organisés. Ils se sont toujours assurés que leur argent revenait à la communauté et servait à bâtir des cliniques, des écoles et même des routes », a dit M. Touré. La crise économique en Europe et le renforcement des contrôles d’immigration ont cependant eu de graves conséquences, et les villages pauvres ne peuvent plus compter sur le même niveau de soutien.