L'ancien directeur de la rédaction de Micro Hebdo s'étonne de ce que l'exigence de la maitrise de la langue s'impose si facilement parmi les conditions d'immigration en France.
Si l'affaire des analyses d'ADN scandalise – à juste titre –, une autre mesure s'impose au fil des lois sur l'immigration, qui ne semble pas poser problème à grand monde et qui, pourtant, est un déni de toute l'histoire de l'immigration, non seulement en France, mais dans le monde entier : l'obligation faite aux candidats à l'émigration de parler français. C'est le bon sens même, assure Nicolas Sarkozy, suivi en cela par nombre d'hommes politiques et d'éditorialistes. Or, c'est exactement le contraire. Au cours des cent cinquante dernières années, toutes les immigrations importantes ont été le fait en majorité d'hommes et de femmes pauvres, souvent peu scolarisés et ne maîtrisant pas, voire ne parlant pas un mot de la langue de leur pays d'accueil.
Mes arrières grands parents maternels, espagnols, se sont installés dans le sud de la France comme ouvriers agricoles à la fin du XIXe siècle. Dans un louable effort d'intégration, ils ont appris la langue que l'on parlait autour d'eux : l'occitan ! Mais ils n'ont jamais véritablement maîtrisé le français.
Si la loi que le parlement s'apprête à voter avait été appliquée auparavant, je ne serais donc pas là pour en parler. Raymond Kopa, Michel Platini, Zinedine Zidane n'auraient pas porté haut les couleurs de la France sur les stades, Yves Montant-Livi et Simone Signoret-Kaminker n'auraient pas été le couple le plus célèbre du cinéma français, François Cavanna n'aurait jamais écrit Les Ritals… et Thierry Mariani n'aurait jamais pu déposer son amendement ! Pas plus que Patrick Devedjian, Claude Bartolone, Aurélie Filippetti et bien d'autres n'auraient pu devenir des élus du peuple français.
Ces quelques exemples – mais nous sommes des millions dans ce cas – prouvent à l'évidence que la maîtrise de la langue lors de l'arrivée dans un pays n'a rien à voir avec l'intégration. Car cette langue, les enfants, eux, l'apprennent rapidement et la parlent couramment. Ce fut le cas de mon grand père comme de ses quatre frères et sœurs ; même l'aînée, qui n'est pourtant pas allée à l'école. C'est toujours vrai aujourd'hui : je doute qu'on puisse me trouver un enfant d'immigré, même né à l'étranger, qui ne parle pas français au bout d'un an. « Et tout ça fait d'excellents Français », comme dit la chanson. Tout comme les millions d'immigrés non anglophones de l'Europe entière, puis du monde entier, ont fait et font encore d'excellents Américains…
Qu'on cesse donc de nous présenter cette mesure comme « naturelle » et qu'on ait le courage de reconnaître son véritable but : élever un obstacle supplémentaire devant les candidats à l'émigration, en particulier les plus pauvres.
Lundi 15 Octobre 2007
Bernard Montelh