Sortie de l'avion, tout était blanc !
J'ai pris l'avion pour la première fois pour venir en France. Mon père a organisé mon départ car il travaillait à l'aéroport de Dakar, au service affrètement. Il s'est occupé de tout, des formalités. Il m'a accompagnée jusqu'à la porte de l'avion et m'a confiée à quelqu'un qui venait d'ici. Nous avons donc fait le voyage ensemble. Dans ma valise, j'avais mes habits mais ni pull ni manteau. On m'avait prévenue qu'en France, il faisait froid mais ce type de vêtements était encombrant et je pensais que ça irait… Je ne savais pas vraiment ce qui m'attendait ici ! Malheureusement, c'était au mois de janvier et il y avait plein de neige. J'imaginais qu'il faisait froid mais comme au Sénégal ! Á Dakar, comparé au reste du pays, il fait relativement frais. Je croyais donc que les habits que j'avais emportés seraient suffisants. Mais, ce n'était pas du tout pareil…La personne avec laquelle j'ai voyagé m'a expliqué ce qu'il fallait faire à l'arrivée, etc. On nous a servis à manger et elle m'a montré comment m'y prendre. Seulement, avant l'atterrissage à l'aéroport, nous avons tourné trente minutes en l'air parce qu'il y avait trop de neige. Moi, j'avais un peu peur ! En haut, c'était calme mais quand on descendait, il y avait des turbulences…
Lorsque je suis sortie de l'avion, tout était blanc. Je ne voyais pas d'arbres, rien de familier et ça me faisait bizarre… Nous sommes rentrés directement dans l'aéroport, sans mettre le nez dehors. Á l'intérieur, la température ambiante était normale ! Mais, dès que j'ai mis le pied dehors pour prendre le taxi, j'ai eu tellement froid que je m'en souviendrai toute ma vie… Je n'ai jamais ressenti une chose pareil jusqu'à maintenant… Heureusement, mon mari m'avait amené un manteau. Il me l'a donné et nous sommes montés dans un taxi. Je ne suis pas venue directement chez moi. Mon mari avait organisé des réjouissances pour m'accueillir, au foyer où il avait vécu jusqu'à mon arrivée Á ce moment-là, quand quelqu'un ramenait sa femme du pays, c'était la fête ! Il y avait tout le monde. Avant de me faire venir, mon mari avait trouvé un logement par son travail, un deux pièces à Villejuif. C'était obligatoire ! Pour pouvoir amener sa femme en France, pour pouvoir faire le regroupement familial, il fallait d'abord avoir un appartement.
Je suis donc allée d'abord au foyer. En regardant autour de moi, dans le taxi qui nous y emmenait, je voyais surtout la neige. Tout était blanc ! Même le toit des maisons ! Et puis les arbres étaient tout secs. J'ai demandé à mon mari : « - Ils sont toujours comme ça ! Non, non, c'est parce qu'il fait froid… ». Au foyer, j'ai été accueillie comme une reine. On a tué le mouton et tout le monde a fait la fête. Nous avons passé la soirée là-bas et à minuit, nous avons pris un taxi pour rentrer à Villejuif. Je découvrais l'appartement pour la première fois. Il était dans un bel immeuble et le salon comme la chambre étaient assez grands. Je ne voyais aucun Noir, aucun Arabe ; il n'y avait que des Blancs. Et le matin, à partir de dix heures, tout le monde partait au travail. Je me retrouvais donc toute seule. Ensuite, le soir, vers six heures, tout le monde revenait.
Alors au début, ça allait ! Mais rapidement, j'ai commencé à m'ennuyer… Le week-end, des frères venaient me dire bonjour mais dans la semaine, je restais enfermée, je ne voyais personne et je pleurais toute la journée, jusqu'à ce que mon mari rentre. Il me disait toujours : « Tu vas t'habituer. » J'ai donc essayé de m'y faire, petit à petit, mais je suis tombée enceinte et malade en plus. Je suis restée six mois à l'hôpital Lariboisière, jusqu'à la naissance… Je ne sortais que toutes les deux semaines parce que je ne me sentais pas bien…Je ne parlais pas français à ce moment-là mais j'ai commencé à l'apprendre à l'hôpital car les gens venaient discuter avec moi. Ils ne connaissaient pas ma langue mais une dame africaine parlait le wolof et ,quand je ne comprenais pas quelque chose, elle m'expliquait. J'ai donc appris beaucoup à l'hôpital ! Après l'accouchement, mon bébé est encore resté là-bas pendant vingt jours, en couveuse. En sortant, j'ai obtenu mes papiers, ma carte de séjour et au bout d'un an, j'ai commencé à travailler.