Vie sociale à Sarcelles
J'ai toujours habité le quartier Sablons depuis que je suis à Sarcelles. - Moi aussi…
On est bien ensemble ! Je m'entends très bien avec mes voisins. Ils sont tous pour moi comme des frères et sœurs. Je sais qu'ici, il y a des associations communautaires mais je n'y ai jamais participé. - Moi non plus, je n'y suis jamais rentrée…Par contre, nous fréquentons régulièrement le centre social ensemble. Là-bas, on voit comment ils travaillent avec les jeunes, avec les enfants, ce qu'il font pour le quartier et on aimerait bien participer, on aimerait bien aider. Nous sommes de Sarcelles, nous sommes des Sablons, et tous les enfants nés ici ou ailleurs sont comme les nôtres… On ne veut que le bien des autres…Le problème, c'est que même si tu as la compétence et la volonté pour entreprendre quelque chose, il est très difficile d'y parvenir quand tu ne sais ni lire ni écrire…Nous suivons des cours d'alphabétisation mais seulement comme ça. Nous n'avons pas encore atteint un niveau suffisant…Quoiqu'il en soit, au centre social, il y a beaucoup de choses ! Une dame donne des cours de broderie, une autre des cours de cuisine, etc. - Nous faisons plein d'activités. On suit des cours de broderie, de poterie… On participe pour bien montrer qu'on veut y aller !
Éducation des enfants
J'ai commencé à travailler comme femme de ménage au mois de juillet 77 et je suis restée dans la même société jusqu'en 2001. Mais, j'ai changé plusieurs fois de lieu d'affectation : Paris, Villetaneuse puis Goussainville. Au début, je travaillais le matin et l'après-midi mais comme avec les enfants, c'était embêtant, je suis passé aux horaires du soir. J'attendais que mon mari rentre pour garder les enfants et ensuite, je partais. Le soir, je ne les voyais donc pas beaucoup, excepté le week-end… En général, je quittais la maison vers cinq heures et je ne rentrais pas avant dix heures et demie onze heures.
Mon mari continuait à faire le même travail. Le matin, il partait à quatre heures et revenait à la maison vers quatre heures de l'après-midi. Le reste de la journée, c'est donc lui qui s'occupait des gosses. Quand ils étaient petits, il leur changeait les couches. Il faisait tout comme moi ! Aujourd'hui, Dieu merci, ils sont tous grands, en bonne santé et ils travaillent. Je n'ai pas à me plaindre de ce côté-là. Mais, quand vous avez des enfants, vous n'êtes jamais à l'abri qu'ils prennent un mauvais chemin…En tout, j'ai eu neuf enfants : trois filles et six garçons. - Moi, j'ai fait mieux ; j'en ai eu onze. Par contre, je n'ai jamais travaillé… Mais, élever onze enfants, c'est du boulot ! Grâce à Dieu, ils ont tous grandi ! Ce sont maintenant des adultes ! D'ailleurs, ma première fille a déjà trois gosses. Elle habite Bondy depuis qu'elle est mariée. Ne sachant ni lire ni écrire, c'était dur pour moi de ne pas pouvoir apprendre une leçon à mes enfants. Quand ils étaient petits, je devais payer quelqu'un qui venait à la maison tous les soirs ! Ça me coûtait deux cent cinquante francs par mois ! Avant, dans les années 80s, il n'y avait pas de cours de soutien scolaire comme aujourd'hui aux Sablons…
Par contre, il existait une association à Paris, dont j'ai oublié le nom. C'étaient des Blancs qui s'en occupaient. Et bien, tous les week-ends, du vendredi soir jusqu'au dimanche soir, on y envoyait nos enfants. Il y avait des animations, plein de trucs. Dans leur jeunesse, ils n'ont donc pas vécu aux Sablons ! On les envoyait à Paris. Pendant les vacances, ils ne partaient pas en colonie mais avec l'association. Ils sont allés un peu partout ! En Bretagne, etc.
Retour au pays
Aujourd'hui, je vais au Sénégal tous les ans mais au début, je suis restée dix ans sans y retourner. Les enfants étaient petits et je n'avais personne pour les garder. Je ne pouvais pas les emmener là-bas ! J'avais quitté le pays alors que j'étais toute jeune et je ne savais pas ce que ça allait donner… Mais après ça, ma mère m'a réclamée. Je suis donc partie pour la première fois en 1985, pour les vacances. Je suis restée un mois et quinze jours, puis je suis revenue. Et depuis, tous les ans, c'est pareil… Les enfants y sont allés soit avec moi, soit avec mari, soit tout seuls…Aucun d'eux n'est encore retourné vivre au Sénégal car mon mari n'est pas encore retraité. Là-bas, nous avons tout ce qu'il faut ! Les maisons, les machins, etc. Ils sont donc très heureux d'y aller en vacances mais pour s'y installer dans la durée, c'est autre chose. Il faudrait qu'ils y passent plusieurs mois pour vraiment voir comment les gens vivent là-bas ! Moi, si j'y retournais de mon plein gré, il n'y aurait pas de problème. Je pourrais rester car j'y ai passé huit mois en 2003 et six mois en 2004.
De toute façon, mes enfants se sentent beaucoup plus français que sénégalais et c'est tout à fait normal. Ils sont nés en France et y ont grandi ! Lorsqu'ils partent au pays, c'est pour aller voir le papy ou la mamie ! Si leurs parents vivaient là-bas, ils viendraient sans doute plus souvent mais comme nous tous on est là, ce n'est pas pareil…Ils n'y vont donc que pour les vacances… C'est ici leur pays. D'ailleurs, pour moi aussi ! J'ai quitté le Sénégal à quatorze ans et c'est en France que j'ai vécu l'essentiel de ma vie.
Racines
Pour autant, je ne peux pas oublier mes racines. Par exemple, avec ma tenue vestimentaire, je les porte sur moi. Depuis que je suis jeune, je n'ai jamais changé ! Je suis toujours allée travailler comme ça. Changer de vêtements ne fera pas de moi une Blanche ! Je reste donc telle que je suis…Je crois qu'il faut se renseigner sur ses origines. Par exemple, avant même de partir au Sénégal, un de mes fils était curieux de savoir d'où il vient, de connaître l'histoire de sa famille ! Il demandait : « Mais, comment ça se fait que mon arrière grand-père est venu comme ça créer son village au milieu de nulle part. » Je lui ai donc expliqué tout ce que je savais et il a retenu tout ce que je lui ai dit. Une fois là-bas, il m'a demandé : Tu m'as parlé de ça, ça et ça, mais ça se trouve où ? » Et bien, on a passé la journée à visiter tous les endroits que je lui avais décrit dans le village…
Message aux jeunes
Il faut que les enfants marchent sur le bon chemin, qu'ils travaillent bien à l'école et qu'ils écoutent leurs parents parce qu'ils veulent leur réussite…
Je voudrais dire aux jeunes qu'ils doivent respecter et aider leurs parents parce qu'ils ont beaucoup souffert pour eux… Ils ont quitté leur pays, ont construit leur vie en France, les ont mis au monde et les ont élevés jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes… Il faut aussi qu'ils les écoutent attentivement car ils ne leur conseilleront jamais quelque chose qui n'est pas bien pour eux ou pour les autres. Et puis, ils doivent penser à préparer leur avenir parce que demain, ils auront à leur tour des enfants et ils comprendront alors comment leurs parents souffrent aujourd'hui pour eux…
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