"Une femme sans mari est comme un pays sans dirigeant ".Proverbe indien.
Dans la société Soninkée, les questions liées au mariage sont devenues de nos jours un sujet brulant, voire dérangeant. Jadis, le mariage était un passage obligé pour toute fille soninké avoisinant la vingtaine. Ne pas trouver de mari à un certain âge était source de malheur, d’abandon pour la fille ( Sontoye : Célibataire ) et des soucis récurrents pour les parents. Dans les villages Soninkés d'Afrique, les parents donnaient leurs filles en mariage dès leur jeune âge (adolescence ou un peu avant) et les prétendants se bousculaient à la porte. Le plus souvent, les unions étaient scellées au gré des liens familiaux ou du voisinage. Le chômage marital était presque invisible chez les Soninkés.
Le cas qui nous intéresse particulièrement aujourd’hui est celui des filles Soninkées de France plus connues sous le pseudonyme de " Fatou " ou " Ninjattes " Il ne s’agit pas de stigmatiser. Différent est notre centre d’intérêt, autre notre propos. Dans l'immigration, la question du mariage est devenue plus que cruciale pour les filles et les parents. Vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, il y a eu le " Blédard Boom " chez la communauté soninkée de France. Blédard : Un mot usité dans le milieu soninké pour parler des hommes Soninkés résidant dans le pays de De Gaulle ou ceux vivant aux villages en instance de transit. Si les uns lançaient leurs filets depuis le village, lors des vacances des jeunes filles Soninkés à la terre natale des parents, les autres murissaient leurs plans à quelques encablures des cités franciliennes ( Paris et sa banlieue ) ou provinciales (Le Havre, Rouen, Marseille, Dunkerque, Mulhouse, Lyon, Haute-Savoie...). Par amour ou par intérêt, les offres de mariages pillulaient comme des champignons.
Les filles et leurs parents avaient mal à leurs têtes tellement le choix était riche et varié. Ils étaient cousins de la famille en France ou au pays, frères de la voisine, cousins de l'ami du père, fils de l'ami du père, illustres inconnus ou tout simplement un Soninké rencontré fortuitement lors des mariages ou dans les métros parisiens. Si les blédards étaient semblables à une colonie d'abeilles autour d'un essaim, les "Fatou", elles, étaient comparables à des agences de mannequinat où les " Mamadou " étaient passés au crible. En ces temps, certaines filles en pleine possession de toutes leurs capitales jeunesses, ravissantes, belles et pulpeuses snobaient plus d'un blédard. Le blédard était l'énergumène à écarter de son chemin " marital ". Pour s'en rendre compte, il suffit de faire un tour dans threads du site www.soninkara.com (2000 à 2008) traitant des questions de mariage.
Dans ce festival de demandes de mariage, plusieurs filles de gré ou de force ont trouvé "Coquettes à leurs talons". Il faut dire que certaines par question d'éducation n'avaient nullement le choix. D'ailleurs, cela s'explique en partie une floraison de mariages forcés dans la communauté Soninkée dans ces années de gloire du " Blédarmania". Plusieurs filles ont été victimes de mariages forcés lors de leurs expéditions punitives ou des vacances au village. A coté de ce décor peu reluisant, force est de constater que la génération 70 à celle de 80 avait profité pleinement du " Blédard Boom ". Malgré les mises en garde de leurs copines contre la " Blédarmania", plusieurs d'entre elles se sont mariées avec leurs parents blédards parisiens ou les Soninkés du pays rencontrés lors des passages estivaux. Dakar, Bamako, Nouakchott respiraient "Le Fatou Clan". Elles descendaient au Sénégal, Mali, Mauritanie telles des pèlerins en partance pour la Mecque. Les étés étaient chauds dans le pays Soninké. Ainsi, dans le début des années 2000, la communauté Soninké a enregistré un très fort taux des mariages encore inégalés de nos jours.
"Mieux vaut être seule que mal accompagnée " a-t-on l'habitude de dire ! Il faut savoir que le " Blédarmania " n'a pas séduit toutes les nymphes Soninkés. Dans cette course au mariage, plusieurs d'entre elles avaient préféré temporiser dans l'expectative du prince charmant. D'ailleurs, certaines filles étaient tellement anti-blédars au point de dissuader plusieurs de leurs copines de convoler en noces avec les "Blédiens". Elles ont été rattrapées par le passé. Comme le dit l'adage : "La vérité est fille du temps ". Elles sont aujourd'hui les "déçues "du Blébard Boom ". Ont-elles oublié que le temps est ennemi de l'Homme ?
En effet, plusieurs raisons expliquaient la réticence des célibataires d'aujourd'hui de se marier avec les " Mamadou ". Les blédards étaient considérés comme opportunistes, peu romantiques, bruts, illettrés. Il faut dire qu'à vingt ans, il y avait mieux à faire que de se confiner entre quatre murs avec un homme, avec qui on partage très peu de choses, qui en plus, vous transformera en quelques années en une procréatrice. Sincèrement, il y avait mieux à faire, n'est ce pas les copines ? A cet âge, plusieurs d'entre elles scandaient : " A nous les boîtes de nuit, les vacances au soleil ! ", " La vie nous appartient ", et " Pourquoi pas les beaux mecs aussi sans engagement !». Ces délires ont retardé plus d'une. Soninkon ti " An ga na leminaaxun sanga, man geri nimisi ". Ce goût mondain a également capoté plusieurs fiançailles.
Dés fois, les motifs du refus frisaient le ridicule. Plusieurs filles s'arrêtaient au superficiel et passaient à coté de belles histoires. La vie au foyer, l'illettrisme, le physique étaient très souvent brandis pour écarter les prétendants blédards. Avaient-elles oublié que leurs propres pères ont vécu dans ces mêmes foyers avant de connaître le confort d'un appartement parisien ? Combien sont-elles à avoir des pères maniant la langue de Molière ou doté d'un minimum de bagage intellectuel ? Avaient-elles oublié que leurs propres pères furent partis du premier contingent blédard Soninké ? Il s'agissait juste de prétextes sans fondements et une vision simpliste du mariage. L'homme n'est pas un être immuable. Il change avec le temps. Souvent, ce sont les études qui servaient de motifs de refus à nos sœurs. Ont-elles oublié que les études pouvaient aller de pair avec le mariage ? Sauf si on a la malchance de tomber sur un homme Hayranké ou Guidimakhanké très viril et trop pressé d’avoir une progéniture nombreuse, histoire de "vider les caisses" des allocations familiales. Ce motif peut dans une certaine mesure être compréhensible. Cela dépend du prétendant, du niveau d'étude de la fille et du projet de vie de son futur mari. Le mariage peut souvent devenir handicapant pour une carrière professionnelle.
Dans tous les cas, le constat est alarmant de nos jours. Les filles Soninkées ayant atteint les vingt ou trente ans, trouvent difficilement " Moussoru à leurs têtes ". L'homme Soninké blédard ou né en France est devenu aussi introuvable que le diamant libérien. Il y a une pénurie d'hommes et une floraison de filles célibataires. Les plus grandes n'ont même pas le temps de regarder derrière que les plus jeunes montent en puissance, à une vitesse exponentielle. Comme le dit le proverbe " L'abondance engendre la nausée". Le célibat des filles Soninkées tombe comme une épée de Damoclès sur les parents. Plusieurs parents sont angoissés du célibat de leurs filles chéries. Certains développent même "l'ulcère" et sont prêts à tout pour marier leurs filles à des jeunes Soninkés. Une anecdote : " Un vieux Soninké s'est confié au foyer et donne ses filles en mariage à tout Soninké pieux et sérieux moyennant Zéro euro. Il se charge même de la dot". Un appel du pied aux frères célibataires Soninkés. Les quolibets "Foyer man, blédards..." sont désormais envoyés aux calendes grecques. Les filles attendent avec impatience des " Toc - Toc " blédards ou " Wech - Wech " à la porte pour sortir de leur situation presque invivable et trouver l'homme de leur vie. Pour multiplier les chances, la plupart vont cueillir les blédards, hier indésirables, à la source. Les blédards sont de plus en plus cotés dans l'argus marital Soninké. Pire, ils ont désormais la faveur des pronostics. D'ailleurs, les blédards sont devenus du luxe pour les filles Soninkés de France. Il faut dire également que la nouvelle tendance en vogue chez les garçons nés ici n'arrangent rien en leur situation. Beaucoup de nos frères préfèrent aller prendre leur moitié au bled avec la complicité des parents ou simplement répondre aux sirères de la " Sourakhémania " ( Mariage mixte avec les arabes ).
La femme étant envieuse et jalouse, tout porte à croire que ces filles Soninkeés célibataires vivent mal leur célibat. La femme ayant une période de fécondité limitée, le célibat devient une problématique dans la communauté soninkée de France. A ce rythme, plusieurs pères et mères de famille n'auront pas la chance de voir leurs petits fils "Hallal". Un bonheur que tout parent aimerait connaître dans sa vie. Tout enfant aimerait également bénéficier de l'amour des grands parents. Qui a vécu cela ne peut imaginer le futur désarroi de certains petits-fils Soninkés. La communauté Soninkée doit se pencher sérieusement sur cette question : << Des filles qui repoussent l'échéance du mariage jusqu'à ne plus avoir de prétendants " potables " >>.
Si un épais brouillard ternit aujourd’hui l'image des mariages intracommunautaires du à l'explosion des divorces, le mariage restera un passage obligatoire pour toute fille Soninkée. Plusieurs filles célibataires expliquent leur célibat par la peur du divorce, un autre phénomène qui gangrène la société Soninké. Bref, le divorce de Fouleymata ne peut être un frein au mariage de Khoumba. A quand les états généraux du célibat des filles Soninkés ou les speed dating à la Soninkée ? Si ce n'était pas contre notre culture, plusieurs agences matrimoniales soninkées verraient le jour. Ce qui est sûr, la polygamie restera toujours une parade efficace mais pas idéale pour endiguer cette explosion du célibat des filles dans l'immigration Soninkée.
Samba Fodé KOITA dit MAKALOU , www.soninkara.com