Comptines et berceuses du baobab : « l’Afrique noire en 30 comptines ». Voix d’adultes et d’enfants en langue wolof (Sénégal), peul (Mauritanie), susu (Guinée), bambara et soninke (Mali), mina (Togo), bamena (Cameroun), lingala et kikongo (Congo), sängö (Centrafrique), kinyarwanda (Rwanda) ; Djéli Moussa Condé, kora ; Jean-Christophe Hoarau, guitare, basse, cavaquinho ; Xavier Desandre-Navarre et Paul Mindy, percussions, flûte, kalimba. Collectage : Chantal Grosléziat ; illustration : Elodie Nouhen ; arrangements et instrumentation : Xavier Desandre-Navarre, Jean-Christophe Hoarau et Paul Mindy ; coordination vocale : Chantal Grosléziat. 1 CD Didier Jeunesse 4750212. Enregistré en 2002. Livret illustré de 16 pages comportant 10 comptines retranscrites et traduites en français. 48’36.
Disque d’or, le livre-disque « Comptines et berceuses du baobab » est le grand succès de Didier Jeunesse, et son édition en jaquette digipack plus économique devrait élargir encore son audience. Disque d’or, c’est 75. 000 exemplaires vendus. Pour des berceuses chantées en langue wolof, peul, bambara ou autres, c’est exceptionnel.
Musicalement, on retrouve la recette employée pour le livre-disque A l’ombre de l’Olivier consacré au Maghreb, à savoir une collecte minutieuse, des arrangements instrumentaux respectueux des couleurs originales et des exigences de la musique du monde, grâce au concours de musiciens experts comme Djéli Moussa Condé à la kora. Le naturel avec lequel les femmes, les enfants et les hommes mêlent leurs voix, l’incorporation - subtile - de fonds sonores (ruisselets d’eau, chants d’oiseau, grillons) donnent à tout le disque un très fort sentiment de vérité et de poésie.
Le disque permet également de mesurer tout ce que notre musique actuelle doit à l’Afrique noire. Difficile de ne pas entendre les prémisses du festival de Rio dans Denko, un chant de mariage de Côte d’Ivoire. Buutulumaani, anodin jeu de mains du Mali qui repose sur un rythme lancinant, paraît déjà évoquer les cérémonies occultes de Louisiane. Les berceuses sont splendides, douces et chantées en chœur telle Nkwihoreze du Rwanda, troublantes comme dans Makun avec la voix de Sylla Mama, griotte malienne accompagnée à la kora. Quand elle conte une histoire, il n’est pas besoin de comprendre la langue mina, au Togo, pour être pris par l’émotion à l’écoute de Tutu gbovii, interprétée par Lucie Da Silvera. Le plus surprenant, peut-être, est pour la fin avec Wá wá wá wá du Congo, en langue kikongo : on jurerait que cette berceuse est la transposition africaine d’un de ces grands hymnes fraternels à la mélodie simple dont le showbiz américain a le secret.
La question de la qualité du disque ne se posant plus, reste la seule problématique qui vaille d’être réglée : faut-il opter pour le livre-disque à 23, 50 euros ou le disque aux environs de 17 euros ? La réduction au format CD a été réalisée avec soin, mais seul le livre-disque permet d’apprécier pleinement et dans on intégralité le travail d’illustration d’Elodie Nouhen (déjà remarquée pour Monsieur Satie, l’homme qui avait un petit piano dans la tête) : la variété des couleurs sourdes, le soin porté aux textures, les personnages de mères et d’enfants qui ont la beauté des masques africains avec une touche d’humanité en plus, tout est d’une grande sensibilité en adéquation avec la réalisation musicale. Les Comptines et berceuses du baobab peuvent déjà être considérées comme un grand classique.
par Jean-Christophe Le Toquin, resmusica.com