Depuis quelques années, j'entends souvent les complaintes des compatriotes Sénégalais en France, fustigeant le désordre qui prévaut dans le consulat du Sénégal en France. Je n'y prêtai guère attention. Je mettais même ces jérémiades sur le compte des ragots et de la fumisterie en me disant " Sénégalais, jamais contents... Critique rek ". Je prenais souvent le contrepied de mes amis qui venaient des provinces françaises pour des formalités administratives. Je les voyais comme de vrais geignards. Sans jamais avoir mis les pieds au consulat, je me fiais aux apparences pour défendre ce temple de la Chancellerie sénégalaise en France. Mais comme le dit l'adage " Les apparences sont trompeuses " .
Le consulat du Sénégal se situe au 22 Rue Hamelin dans le très chic 16 arrondissement de Paris, à quelques encablures du Métro IENA. Il est niché dans le très beau Quartier de Chaillot dont le prestige ne souffre d'aucune contestation. Quelques rues séparent la rue du consulat de la fameuse place du Trocadéro, symbole des droits de l'homme. De la porte du consulat, on voit la prestigieuse Tour Eifel. Cette " tour de 300 mètres " dont le nom rime avec beauté et éclat. Ce haut lieu du tourisme mondial qui est aujourd'hui le site touristique le plus visité au Monde. Quel endroit merveilleux peut-il encore accueillir le consulat du Sénégal à Paris mieux que le 16 ème arrondissement ? Aucun, à mon humble avis.
Vendredi passé, pour la première fois, je découvrais ce fameux consulat qui faisait autant jaser mes compatriotes. Je ressentis une certaine fierté à la vue du drapeau " Vert-Jeune-rouge " flanqué d'une étoile, suspendu à la rue qui porte aujourd'hui le nom de l'Amiral HAMELIN. Après quelques heures d'attente, je découvrais enfin ce haut lieu de la diplomatie Sénégalaise en France. Mon euphorie se dégonflait dès les premières minutes.
A l'entrée, aucune indication. A droite, je vis l'accueil qui me rappelait les guichets de l'Université Cheikh Anta DIOP. Deux gendarmes filtraient l'accès à l'étage. Ils demandaient pièce d'identité ou autres documents tout en essayant d'en savoir plus sur l'objet de la visite. Nous étions très nombreux à faire la queue debout. Sur les abords, aucun siège pour le confort des compatriotes. J'imagine mal une personne âgée ou une femme enceinte attendre son tour les jours de rush. Quelques compatriotes fâchés avec l'ordre essayaient de se dérober du regard des gendarmes pour accéder à l'étage sans passer par la cage accueil. Je les comprends. Les gendarmes posaient dix mille questions souvent ni queue sans tête. Ils se laissaient parfois aller dans la familiarité, marque de fabrique de la Téranga Sénégalaise. Je vois encore ce gendarme adresser à une jeune Maman " Lo mey Xoole ni... Ganou ma la niaw dé"... Et la dame de dire " Koula xoole rek xame ni Sérère Nga " . Notre gendarme rétorque en répondant " Dou ma Sérère. B... la " . Cette désinvolture arrachait quelques sourires à certaines compatriotes et allongeait le temps d'attente. Rien de méchant. Tout bon Sénégalais comprendrait.
Après une trentaine de minutes d'attente, nous accédions enfin à l'étage pour accomplir une formalité d'immatriculation. Jusque là, tout semble normal même si le cadre n'était guère enchanteur. Quelques pas d'escalier, nous voilà enfin devant le bureau tant convoité par nos compatriotes du jour. Le lieu était sombre. Il dégageait une odeur d'humidité, certainement venant de l'escalier en bois. Un coup d'œil dans les bureaux remplit de honte. Des bureaux d'un autre temps où la paperasse en disait long sur le degré de professionnalisme. Ceci se confirmait par les indications écrites à la main à la porte d'un bureau. Il y en avait deux au total. Devant un des bureaux, les compatriotes attendaient dans le désordre. Chacun venait et se mettait tranquillement à coté. Il fallait demander comme à la fontaine du quartier qui était en dernière position. Personne n'a su nous répondre à notre demande de savoir qui était la dernière venue. Un simple distributeur de tickets aurait suffi pour nous en épargner.
Profitant du temps d'attente et n'étant que simple accompagnateur, je me lançai à la découverte des lieux. Je prenai l'escalier sans aucun contrôle. Il n'y avait d'ailleurs aucune indication concernant les bureaux situés à l'étage suivant ni aucun fléchage. Je montai par curiosité et me promenai sans aucun problème entre les étages. Quelques minutes après, je redescendais au premier étage. La file d'attente avait grossi. Il y avait des personnes âgées et des enfants de bas âge qui attendaient debout. Même constat qu'au rez de chaussée, aucun siège pour accueillir dignement les compatriotes comme il est de coutume dans les consulats. Il n'y avait aucun distributeur de tickets. On s'empressait de s'engouffrer dans le bureau à chaque fois qu'un autre sortait. Des " Ma top siki ..." fusaient de temps à autre.
Quelques personnes rouspétaient du manque d'organisation. Ni un gendarme, ni un agent de sécurité était présent au premier étage pour faire régner l'ordre. Face à cette situation, j'engageais une discussion avec un compatriote. Je me plaignais du manque d'organisation et de contrôle qui prévalaient dans le consulat. Il me répondit en ces termes " Baye, cela se voit que tu n'es pas un habitué des lieux. On a connu pire. A une période, c'était presque marché Sandaga ". Je descendis pour aller prendre une copine qui nous attendait au Métro. Pour remonter l'étage, je fus ingénieux. Je prétextais d'avoir un dépôt d'immatriculation pour mon fils. J'eus accès à "l'étage du désordre" sans problème. Les Sénégalais attendaient là... Il n'y avait aucune information disponible sur les lieux. On ne savait point devant quel bureau attendre ni qui faisait quoi.
En somme, rien de choquant. J'alerte juste sur trois points. A quoi cela sert d'élire domicile dans le 16 arrondissement à coup de tonnes d'euros pour un intérieur si glauque et inaccueillant ? Il aura fallu choisir un arrondissement moins huppé ou même une banlieue en petite couronne et aménager convenablement les lieux afin d'offrir un cadre accueillant à nos chers compatriotes. Si l'on pense que des ministères et des agences sont aménagés et décorés à coups de centaines de millions de nos maigres CFA, l'intérieur du consulat du Sénégal en France fait honte. Il y a la pénombre. L'endroit manque de luminosité. Le confort est inexistant. Pas de sièges ni de canapés disponibles... Nos décorateurs sénégalais ont un marché à gagner. Tout est à refaire dans cette bâtisse. Une décoration à la Sénégalaise n'y serait pas de trop.
L'autre fait marquant est l'insécurité qui y règne. Aucun agent dépositaire de la sécurité n'est présent à l'entrée de ce consulat. On y entre comme on entre dans un fast food. Les portes ne sont guère verrouillées ni automatisées. Les roumains en quête d'aumône y rentreront sans problème. Mon immeuble d'habitation dans la banlieue parisienne est même plus sécurisé que le consulat du Sénégal en France. Au moins chez moi, il y a un code à la première porte d'entrée et un interphone à la deuxième porte d'entrée. Y a t-il une loi spéciale qui régit les portes d'entrée des consulats pour se laisser aller dans un tel laxisme ? Dans les différents lieux, sauf erreur de ma part, je n'ai pas vu l'ombre d'une vidéo de surveillance. Le contrôle est inexistant. Les gendarmes censés sécuriser les lieux sont affectés à l'accueil des compatriotes comme si nous manquons de belles lianes sénégalaises pour s'occuper de cette tâche. Dans cette France où des forcenés circulent et sont prêts à commettre des actes xénophobes, n'est-il pas urgent de sécuriser ces lieux ? Un extrémiste peut facilement entrer dans le consulat de sénégalais et faire un carnage. La sécurité n'est plus un luxe. Elle est devenue nécessité surtout en Europe. Peut-être que ceux sont les Serigne des confréries Sénégalaises qui sécurisent " africainement" les lieux depuis Touba, Tivaoune, N'diassane, Yoff... ?
Le dernier point souligné est le manque d'information et d'organisation. De mes 30 ans de vie, je n'ai jamais vu un endroit si mal organisé. Aucune indication pour diriger le visiteur. Aucun distributeur de tickets pour les files d'attente. Il n'y a pas l'ombre d'un écran LCD ou LED donnant des informations sur les formalités administratives. Le consulat ne dispose aujourd'hui d'aucun aménagement pour le confort de nos compatriotes. Aucun ascenseur n'est disponible pour les personnes handicapées et les poussettes. Les personnes à mobilité réduite ramperont certainement pour accéder à l'étage et les mères de famille sont contraintes de laisser leurs pouchettes dans le hall d'attente. Une petite animation musicale distillant les musiques en vogue au Sénégal ou sinon quelques vieux rétro des monuments de la chanson sénégalaise. Alioune Badara CISSE a du pain sur la planche...
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