Le rappeur sénégalais fait monter sur scène les talents des cités. Concerts, festival africain... L'ex sans-papiers a des projets pour Sablé.
Un professeur de lettres au collège Anjou, ex-directeur de l'Alliance française au Zimbabwe qui veut s'investir et donner des couleurs à sa ville (Ouest-France du 9 avril). Un ex sans-papiers Sénégalais, rappeur et organisateur de concerts, qui veut faire bouger la cité. Deux parcours, deux hommes, deux points communs : L'Afrique et Sablé. L'Afrique à Sablé.
Camille Bounama est arrivé en France avec un visa en poche. Mais il n'est pas rentré chez lui, à Tambacounda, au Sénégal. Il avait 18 ans. Un rêve d'Eldorado en tête, comme tous les jeunes de son pays. « À Tambacounda, 59 % de la population a moins de 21 ans. Il y a peu d'activités. Quand mon grand-père allait à Dakar, il disait d'ailleurs : je pars au Sénégal. Moi, mon rêve a toujours été d'organiser un festival pour les jeunes de cette ville déshéritée. » Quitte à choisir la clandestinité pour cela. Il l'a promis à ses « petits frères » en partant : « Dès que ça marche pour moi, je fais quelque chose pour vous. » Il a bossé « au noir », un peu. Galéré pas mal... Et réalisé « qu'il fallait lutter, en France aussi, pour survivre ». Mais le gamin débrouillard - il n'avait pas un radis, à 15 ans, lorsqu'il a organisé son premier concert à Dakar - a vite fait son trou. « Si tu arrives dans un pays, et que tout le monde se met nu, tu te mets nu. J'ai suivi ce conseil de mon père. »
« Allo Tamba »
Casquette des Yankees sur la tête, look streetwear... Camille, le rappeur expatrié, a le verbe facile. De la tchatche, le mot juste qui claque... et un sacré, sacré, culot. « J'ai rencontré le président Wade (Sénégal) lors d'un de ses passages à Paris. J'ai monté un projet avec la préfecture du 95, j'ai été reçu par un sous-préfet. Je suis allé à la place Beauvau, au ministère de l'Intérieur, à l'Unesco, au conseil général. J'ai noué un partenariat avec la chaîne Arte dans le cadre du projet Artecités. » Tout ça, il en rigole, sans un papier en poche. Et quand il a créé l'association Le Monde des idées et des actions, il n'avait « toujours pas de papiers ».
Camille le clandestin a fait monter sur scène de jeunes talents des cités. Il a fait grimper sur ses plateaux des locomotives de la scène hip-hop française. Il a déniché des fonds pour enregistrer un CD Allo Tamba avec « les talents des cités ». Sacrément gonflé ! Mais l'audace a payé. En, décembre, Bernard Laporte, secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports, lui a remis le prix de l'association Débarquement jeunes. Une récompense pour son action dans les cités.
Il raconte avoir rencontré « François Fillon » et lui avoir demandé « son soutien » pour sa « régularisation ». Et voilà ! Camille est en règle maintenant. Il a aujourd'hui « des attaches à Sablé ». Il veut, « faire ici », la même chose qu'en région parisienne : « Lancer les talents sur scène. Faire venir des artistes, organiser des concerts pour tous les jeunes qui me disent qu'ils s'ennuient dans cette ville. » Il évoque, pourquoi pas, un festival de film africain. Il aimerait aussi organiser « un chantier humanitaire en Afrique ». C'est Sablé, aujourd'hui, que Camille veut faire bouger.
Alan LE BLOA, OUEST-FRANCE
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