C’est mon oncle maternel feu Djeydi Diébakhaté qui m’avait mis en contact avec M. Koné en 1992 en me le présentant comme le cousin de l’épouse de son oncle Fousseynou Diébakhaté, mais également comme « un grand militant du mouvement associatif ». M. Gongo Soumboulou Koné en tant que cousin de l’épouse de mon grand oncle Fousseynou Diébakhaté, était automatiquement considéré comme grand-père maternel dans ma parenté classificatoire… Les non-Africains ne peuvent pas comprendre l’avantage que cela me procurait pour le taquiner impitoyablement… et réciproquement.
C’était dans la période où je préparais ma thèse de doctorat en anthropologie sociale et sociologie comparée à Paris V René Descartes Panthéon-Sorbonne. Je n’avais pas encore choisi les deux villages qui allaient être au cœur de mon dispositif de recherche sur les associations villageoises soninkées en France (sujet de ma thèse).
Contact et démarrage en trombe d’un duo inséparable :
Après les présentations au quartier des « Francs-Moisins » où habitait la famille Koné, je l’ai spontanément appelé « Mama » (grand-père) par dérision… pour lui signifier qu’il était trop vieux… alors qu’il n’avait pas plus de 3 ans de plus que moi…
De 1992 à 2004 où j’ai vécu à Paris, j’ai quasi quotidiennement fréquenté « Mama ». C’est lui qui m’avait mis en contact avec les ressortissants du « village » de Diawara que j’ai choisi comme l’un des deux villages « témoins » de ma thèse. J’ai, durant cinq ans, assisté à la quasi-totalité des réunions de l’Assemblée Générale du village de Diawara, à ceux du COREDIA (Comité de Rénovation de Diawara), à toutes les réunions préparatoires et à toutes les activités festives du COREDIA dans la région parisienne. J’ai rarement été absent à une rencontre festive ou à une cérémonie de décès du village de Diawara. Nous étions toujours côte à côte Mama et moi-même.
Quand nous avons décidé de créer l’association Gajaaga en 1994, nous nous rendions ensemble à toutes les réunions de bureau et aux AG. Je le récupérais en voiture au métro « Porte de Paris » à une heure précise afin d’arriver à l’heure à notre réunion. Jamais il n’est venu en retard au métro (de 1994 à 2004…) M. Koné était un métronome, c’était un marqueur de pulsations temporelles… Mais combien parmi les Africains étaient capables de le suivre et surtout de le comprendre sur ce terrain de la nécessité de la rigueur dans le respect de l’heure, et de la parole donnée ?
Arrivé au lieu de réunion au foyer, nous prenions tranquillement un café et nous nous précipitions pour dégainer et payer avant même d’être servis… et le cafetier en rigolait et disait que nous étions plus rapides que les cow-boys, toujours prêts à jeter ensemble les sous sur le comptoir…
-Payez donc tous les deux si vous voulez !, disait-il toujours avec malice en soninké…
- M. « Bœuf » (Naa) veut payer avant moi ! En parlant de moi bien sûr, car mon nom SY veut dire cheval en soninké. En effet, il me présentait aux gens sous le patronyme de « M. Naa » ce qui étonnait les personnes qui ne me connaissaient pas et qui répétaient Naa… ce qui me mettait dans une rogne…
Après notre café et les samaleks interminables des innombrables connaissances de M. Koné (dans tous les foyers africains), l’écrasante majorité de nos camarades arrivaient après une demi-heure voire plus, de retard.
Tandis que je rongeais mes freins… je n’ai en revanche jamais vu M. Koné s’impatienter ou même s’agacer de ces retards incorrigibles de nos compatriotes… Il prenait tout cela avec philosophie en me disant qu’il faut les prendre comme ils sont. Je ne l’ai jamais vu « engueuler » un retardataire même s’il était un membre important du bureau aussi bien au COREDIA, à l’Assemblée du village de Diawara, que dans l’association Gajaaga. Il n’a jamais, je dis bien jamais, refusé de rendre service à une personne ou à une association. Il disait oui d’abord, quitte à se couper en quatre pour venir en aide à celui ou celle qui avait besoin de son coup de pouce.
M. Koné avait certes, comme tout le monde, un travail, mais il n’avait jamais de temps libre pour lui après le boulot… Il était toujours partagé entre les siens (entendez bien sa famille) et « ses » associations.
Il appartenait bien entendu à un parti politique (Ligue Démocratique), mais jamais ses opinions politiques n’ont fait obstacle à sa citoyenneté. Jamais son appartenance politique n’a constitué un écran de fumée sectaire entre les autres et lui. Il a su mettre en œuvre dans sa pratique quotidienne et avec beaucoup de sagesse, le sens étymologique du terme « politique » : ETRE EN PERMANENCE AU SERVICE DE SA CITE, sans rien demander en retour.
M. Gongo Soumboulou Koné faisait partie de plusieurs associations soninkées, sénégalaises et africaines. Il était toujours parmi les membres les plus actifs de ces organisations. Il donnait sans compter de son temps et de son argent.
Il a tissé des liens chaleureux avec la mairie de Saint-Denis, ville où il a vécu très longtemps.
Il avait plaidé la paix entre le Sénégal et la Mauritanie bien qu’un membre de sa propre famille fût tué par les balles des soldats mauritaniens en pêchant sur la rive sénégalaise en juillet 1990. Il a lutté pour la sécurisation des frontières entre les trois pays (Mali, Mauritanie, Sénégal) pour la préservation de la paix entre leurs paisibles populations.
Il a toujours soutenu les causes justes et combattu s’il le fallait le pouvoir sénégalais quand celui-ci avait commis des bavures (Exemples : cas Seydou Traoré et Aladji Konaté à Bakel et les vieux de Diawara humiliés à Bakel récemment). Il a aussi soutenu le pouvoir quand il estimait qu’il allait dans le sens de l’intérêt général de son pays.
Son souci principal restait toujours en arrière-plan de contribuer au développement de l’Afrique et à l’éducation de ses enfants. C’est pourquoi dès qu’il a adhéré au COREDIA, il a apporté sa pierre aux réalisations qui ont fait de Diawara une ville en voie de modernisation rapide et une fierté pour tout le Gajaaga et le Sénégal.
Quelqu’un a dit de M. Koné qu’il était « inoxydable » ses enfants et moi-même le taquinions affectueusement en l’appelant l’infatigable « Robocop ». Il en souriait toujours. Un sourire vraiment « inoxydable » qui, dans nos mémoires a désormais échappé à l’usure du temps…
Repose en paix M. Gongo Soumboulou Koné, enfin un repos bien mérité, nul sur cette terre n’est éternel, mais jamais les populations africaines du Sénégal, de la Mauritanie du Mali, de la Gambie et de la diaspora africaine partout dans le monde n’oublieront ton dévouement bénévole et désintéressé.
Par Yaya SY Anthropologue et professeur d’histoire à la retraite.
GONGO SOUMBOULOU KONE: UN PRINCE DU MANDE NOUS A QUITTES
(réaction immédiate de Yaya SY après avoir appris le décès de M. Koné)
« Mama » comme je l’appelais affectueusement vient de nous quitter ce lundi 17 juin 2013 à 16h. Il me disait en me taquinant que les Koné étaient parmi les princes fondateurs du Mali et de Ségou, et c’est vrai. A ce titre il prenait rigoureusement soin de son image, de son corps et de son esprit. Il respectait sa parole comme il respectait ses parents, ses amis et tous les êtres humains sans distinction aucune.
Hanme Kuwate ti : « Hooraaxu ni seraaxun ya.
Hooren ni jikkun ya. Foo nt’in maxa nta hooraaxu bonondini.
Hooro burun yan da hooraaxu bonondi.»
Gongo Sumbulu Kone ni kanhooren ya, a ni xaalissi xullen Hooren ya.
Foo lamaane be ga Gongo Sumbulu maxa, a do duna su da a taxandi.
In aaxi Gongo Sumbulu Kone ni NOOXEN YA, KITIRA LIGHE XO FATE LABO, SUPPU SOLLA, XATI SOLLA.
Gongo Sumbulu ni digan baana konghaanan ya,
A nta laayidu bonondini, a nta jikke xossono,
A nta gundo farsana.
A bire ma kallen ga regene a yi, a do sooninkan kafo fanqen yan gni me kiyen do wuro.
Xaa Sooninkon ti : i ga ti yugu siren faayi duna kaara wo kaara,
An na korossi, Yaxarin tinmante wo saqa a falle.
O ya duwangha Astou Njaayi do i remmun da.
O duwaghen wa taghana Konekunda ya,
A do Diawara su, leminen do xirise, yugon do yaxare, o wa duwagha a su da.
A do na wutu gilli Gajaaga, ma Hayre, do Gidimaxa, do Kammera, do Senegaali, do Maali, do Murutaani, ma Kanbiya, o ya duwagha a su da.
Gongo Sumbulu Fanxen gni Afiriki remmun su fanqen ya.
A fanqe maana gni Haadamarenmun su na jomu do xeeri kita.
HARI NA GONGO SUMBULU NEEMA,
NA A ABADAN SAQUN NOWONDI A DA.
NA BAREKE RO FUNSU BE A GA D’I TOXO.
N’OSU XOTONDI A FALLE. Yaaya Si
Après les présentations au quartier des « Francs-Moisins » où habitait la famille Koné, je l’ai spontanément appelé « Mama » (grand-père) par dérision… pour lui signifier qu’il était trop vieux… alors qu’il n’avait pas plus de 3 ans de plus que moi…
De 1992 à 2004 où j’ai vécu à Paris, j’ai quasi quotidiennement fréquenté « Mama ». C’est lui qui m’avait mis en contact avec les ressortissants du « village » de Diawara que j’ai choisi comme l’un des deux villages « témoins » de ma thèse. J’ai, durant cinq ans, assisté à la quasi-totalité des réunions de l’Assemblée Générale du village de Diawara, à ceux du COREDIA (Comité de Rénovation de Diawara), à toutes les réunions préparatoires et à toutes les activités festives du COREDIA dans la région parisienne. J’ai rarement été absent à une rencontre festive ou à une cérémonie de décès du village de Diawara. Nous étions toujours côte à côte Mama et moi-même.
Quand nous avons décidé de créer l’association Gajaaga en 1994, nous nous rendions ensemble à toutes les réunions de bureau et aux AG. Je le récupérais en voiture au métro « Porte de Paris » à une heure précise afin d’arriver à l’heure à notre réunion. Jamais il n’est venu en retard au métro (de 1994 à 2004…) M. Koné était un métronome, c’était un marqueur de pulsations temporelles… Mais combien parmi les Africains étaient capables de le suivre et surtout de le comprendre sur ce terrain de la nécessité de la rigueur dans le respect de l’heure, et de la parole donnée ?
Arrivé au lieu de réunion au foyer, nous prenions tranquillement un café et nous nous précipitions pour dégainer et payer avant même d’être servis… et le cafetier en rigolait et disait que nous étions plus rapides que les cow-boys, toujours prêts à jeter ensemble les sous sur le comptoir…
-Payez donc tous les deux si vous voulez !, disait-il toujours avec malice en soninké…
- M. « Bœuf » (Naa) veut payer avant moi ! En parlant de moi bien sûr, car mon nom SY veut dire cheval en soninké. En effet, il me présentait aux gens sous le patronyme de « M. Naa » ce qui étonnait les personnes qui ne me connaissaient pas et qui répétaient Naa… ce qui me mettait dans une rogne…
Après notre café et les samaleks interminables des innombrables connaissances de M. Koné (dans tous les foyers africains), l’écrasante majorité de nos camarades arrivaient après une demi-heure voire plus, de retard.
Tandis que je rongeais mes freins… je n’ai en revanche jamais vu M. Koné s’impatienter ou même s’agacer de ces retards incorrigibles de nos compatriotes… Il prenait tout cela avec philosophie en me disant qu’il faut les prendre comme ils sont. Je ne l’ai jamais vu « engueuler » un retardataire même s’il était un membre important du bureau aussi bien au COREDIA, à l’Assemblée du village de Diawara, que dans l’association Gajaaga. Il n’a jamais, je dis bien jamais, refusé de rendre service à une personne ou à une association. Il disait oui d’abord, quitte à se couper en quatre pour venir en aide à celui ou celle qui avait besoin de son coup de pouce.
M. Koné avait certes, comme tout le monde, un travail, mais il n’avait jamais de temps libre pour lui après le boulot… Il était toujours partagé entre les siens (entendez bien sa famille) et « ses » associations.
Il appartenait bien entendu à un parti politique (Ligue Démocratique), mais jamais ses opinions politiques n’ont fait obstacle à sa citoyenneté. Jamais son appartenance politique n’a constitué un écran de fumée sectaire entre les autres et lui. Il a su mettre en œuvre dans sa pratique quotidienne et avec beaucoup de sagesse, le sens étymologique du terme « politique » : ETRE EN PERMANENCE AU SERVICE DE SA CITE, sans rien demander en retour.
M. Gongo Soumboulou Koné faisait partie de plusieurs associations soninkées, sénégalaises et africaines. Il était toujours parmi les membres les plus actifs de ces organisations. Il donnait sans compter de son temps et de son argent.
Il a tissé des liens chaleureux avec la mairie de Saint-Denis, ville où il a vécu très longtemps.
Il avait plaidé la paix entre le Sénégal et la Mauritanie bien qu’un membre de sa propre famille fût tué par les balles des soldats mauritaniens en pêchant sur la rive sénégalaise en juillet 1990. Il a lutté pour la sécurisation des frontières entre les trois pays (Mali, Mauritanie, Sénégal) pour la préservation de la paix entre leurs paisibles populations.
Il a toujours soutenu les causes justes et combattu s’il le fallait le pouvoir sénégalais quand celui-ci avait commis des bavures (Exemples : cas Seydou Traoré et Aladji Konaté à Bakel et les vieux de Diawara humiliés à Bakel récemment). Il a aussi soutenu le pouvoir quand il estimait qu’il allait dans le sens de l’intérêt général de son pays.
Son souci principal restait toujours en arrière-plan de contribuer au développement de l’Afrique et à l’éducation de ses enfants. C’est pourquoi dès qu’il a adhéré au COREDIA, il a apporté sa pierre aux réalisations qui ont fait de Diawara une ville en voie de modernisation rapide et une fierté pour tout le Gajaaga et le Sénégal.
Quelqu’un a dit de M. Koné qu’il était « inoxydable » ses enfants et moi-même le taquinions affectueusement en l’appelant l’infatigable « Robocop ». Il en souriait toujours. Un sourire vraiment « inoxydable » qui, dans nos mémoires a désormais échappé à l’usure du temps…
Repose en paix M. Gongo Soumboulou Koné, enfin un repos bien mérité, nul sur cette terre n’est éternel, mais jamais les populations africaines du Sénégal, de la Mauritanie du Mali, de la Gambie et de la diaspora africaine partout dans le monde n’oublieront ton dévouement bénévole et désintéressé.
Par Yaya SY Anthropologue et professeur d’histoire à la retraite.
GONGO SOUMBOULOU KONE: UN PRINCE DU MANDE NOUS A QUITTES
(réaction immédiate de Yaya SY après avoir appris le décès de M. Koné)
« Mama » comme je l’appelais affectueusement vient de nous quitter ce lundi 17 juin 2013 à 16h. Il me disait en me taquinant que les Koné étaient parmi les princes fondateurs du Mali et de Ségou, et c’est vrai. A ce titre il prenait rigoureusement soin de son image, de son corps et de son esprit. Il respectait sa parole comme il respectait ses parents, ses amis et tous les êtres humains sans distinction aucune.
Hanme Kuwate ti : « Hooraaxu ni seraaxun ya.
Hooren ni jikkun ya. Foo nt’in maxa nta hooraaxu bonondini.
Hooro burun yan da hooraaxu bonondi.»
Gongo Sumbulu Kone ni kanhooren ya, a ni xaalissi xullen Hooren ya.
Foo lamaane be ga Gongo Sumbulu maxa, a do duna su da a taxandi.
In aaxi Gongo Sumbulu Kone ni NOOXEN YA, KITIRA LIGHE XO FATE LABO, SUPPU SOLLA, XATI SOLLA.
Gongo Sumbulu ni digan baana konghaanan ya,
A nta laayidu bonondini, a nta jikke xossono,
A nta gundo farsana.
A bire ma kallen ga regene a yi, a do sooninkan kafo fanqen yan gni me kiyen do wuro.
Xaa Sooninkon ti : i ga ti yugu siren faayi duna kaara wo kaara,
An na korossi, Yaxarin tinmante wo saqa a falle.
O ya duwangha Astou Njaayi do i remmun da.
O duwaghen wa taghana Konekunda ya,
A do Diawara su, leminen do xirise, yugon do yaxare, o wa duwagha a su da.
A do na wutu gilli Gajaaga, ma Hayre, do Gidimaxa, do Kammera, do Senegaali, do Maali, do Murutaani, ma Kanbiya, o ya duwagha a su da.
Gongo Sumbulu Fanxen gni Afiriki remmun su fanqen ya.
A fanqe maana gni Haadamarenmun su na jomu do xeeri kita.
HARI NA GONGO SUMBULU NEEMA,
NA A ABADAN SAQUN NOWONDI A DA.
NA BAREKE RO FUNSU BE A GA D’I TOXO.
N’OSU XOTONDI A FALLE. Yaaya Si