Le constat est que la Mauritanie vient de sortir de plus deux décennies de dictature militaire précédées d’environ de deux décennies de dictature de parti unique. Ce vécu ne pouvait pas ne pas laisser des traces profondes aussi bien sur le plan économique, social que politique. Cette réalité incontournable doit être prise compte pour mieux asseoir la démocratie et surmonter les autres défis auxquels le pays est confronté.
La démocratie à laquelle nous aspirons tous dans notre pays est à construire, nous la construirons en partant de notre situation concrète et de notre histoire. Nous ne devons pas continuer à voir la démocratie comme une abstraction philosophique qui s’appliquerait automatiquement et uniformément et de façon identique dans l’univers tout entier. La démocratie se fonde et s’appuie sur l’état de la situation politique et socio-économique de chaque pays et sa pérennité en dépend.
Un pays comme la Mauritanie où les enjeux fondamentaux sont : l’unité nationale, la cohésion de la nation, la survie de la population, l’instauration du concept même de l’Etat, un pays qui doit être sauver contre les fléaux de la drogue et ses corollaires de corruption et autres, les gouvernants doivent être mus par un esprit et de dialogue et de consensus.
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui dans notre pays c’est une véritable période de transition, qui exige une concertation nationale et un consensus social et politique de tous les acteurs de la vie nationale sur tous les dossiers essentiels.
Pour cela, nous ne pouvons pas réduire la démocratie dans le contexte actuel de notre pays à une simple vision classique pour ne pas dire terre à terre d’une opposition qui s’oppose et une majorité qui gouverne.
Dans l’état inquiétant de notre pays, le pouvoir doit comprendre que l’une des priorités est l’instauration d’un climat politique apaisé. Une opposition ou une confrontation des deux camps pendant que le reste de la population est dans la souffrance aboutira nécessairement à l’impasse et au chaos.
Une telle situation ne profitera d’ailleurs qu’aux pêcheurs en eau trouble, les nostalgiques du passé qui cherchent par tous les moyens à annihiler le processus de réconciliation engagé, en particulier le retour des déportés et la criminalisation de l’esclavage.
Nous devons être plus imaginatifs et adapter notre démocratie à notre réalité pour en tirer profit. La Mauritanie a besoin aujourd’hui de la synergie de toutes les compétences et dans tous les domaines : politique, technique, économique, sociale et diplomatique, …, sans aucune frontière partisane.
Ne pas comprendre cette réalité, c’est travailler pour l’échec du pays qui sera inéluctable et c’est préparer ainsi non pas l’accession de l’opposition au pouvoir, comme peuvent penser certains, mais le retour de ceux qui sont en embuscade et attendent l’occasion.
C’est pourquoi la sagesse du Président de la république doit l’amener maintenant à écouter et à entendre aussi les autres, pendant qu’il est encore possible, ceux qui ne sont pas dans sa « majorité » mais qui sont des patriotes qui sont animés par l’amour de leur pays qui ne se résolvent pas de le voir prendre le chemin de l’échec et du chaos.
Les événements de ces dernières semaines sont là pour rappeler cruellement au pouvoir que l’état de grâce appartient désormais définitivement au passé et pire la confiance est rompue, il Va falloir la recréer par un changement radical et consensuel.
La confiance est rompue parce que le gouvernement n’a pas su dire un langage compréhensible et de vérité, il n’a pas su ou pu accompagner l’espoir né des élections démocratiques en adoptant dès le départ des mesures vigoureuses pour soulager les souffrances des plus pauvres.
L’un des premiers actes du gouvernement issu des élections démocratiques aurait dû être de procéder à un audit indépendant de tous les secteurs de l’Etat pour porter à la connaissance des citoyens la réalité de la situation du pays. D’ailleurs cet audit était d’autant plus nécessaire que le gouvernement de transition ne lui avait pas laissé le choix.
Si le gouvernement avait eu le courage de prendre à témoin les mauritaniens de la réalité de l’état du pays en s’appuyant sur un audit incontestable, alors son discours aurait été plus audible et crédible.
L’absence de cette clarification rend de fait le gouvernement actuel comptable de l’actif mais aussi et surtout du passif de ses prédécesseurs. Son silence correspond de fait à une caution et il doit en assumer toutes les conséquences.
Et lorsqu’on crée un état de confusion, quelque soit par ailleurs la bonne foi et la volonté de changement et toutes les explications du monde qui suivront ne pourront avoir qu’un impact dérisoire.
Dans la situation actuelle de notre pays, toute initiative ou toute décision du pouvoir pouvant créer les conditions d’une crispation du climat politique et social est de nature à affaiblir la cohésion nationale et de conduire vers l’impasse. Nos « indépendants de six mois » doivent continuer encore assumer leur indépendance, le pays à d’autres priorités que la création de leur parti Etat ou de majorité présidentielle.
Dans un pays où presque tout est à réorganiser et à construire, où le respect de la chose publique est considérée comme une faiblesse et où la perception de l’Etat est encore à l’état embryonnaire pour ne pas dire inexistante et cela à tous les niveaux, laisser les commerçants être les seuls maîtres du jeu sous le prétexte du libéralisme ne peut que conduire à aggraver la situation des plus démunis.
Dans une situation désorganisation et de laisser-aller, ce sont les seuls côtés pervers du libéralisme qui seront au rendez-vous.
Maréga Baba /France
Source : mauritanie-web.com