Les Mauritaniens retourneront aux urnes dans six mois, par la volonté des généraux qui ont destitué le président démocratiquement élu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Le « sauvetage » de la démocratie, argument de poids des « rectificateurs », consolidé, pense-t-on, par la tenue des Etats Généraux de la Démocratie (EGD) risque de n’être que de la poudre jetée aux yeux de tous les Mauritaniens ayant soutenu le coup d’Etat du 6 août 2008.
Le processus enclenché semble n’avoir qu’un seul but : légitimer la prise du pouvoir par le Général «déjà président » et lui permettre de gouverner par la volonté du peuple. Mais, à l’allure où vont les choses actuellement, ne risque-t-on pas de s’exclamer : « tout cela pour rien ! ».
Car, en fait, il s’agit du « déjà vu, déjà entendu » mais surtout de la répétition d’un scénario que l’ancien président Ould Taya maîtrisait à merveille. En termes d’adhésion populaire et d’organisation d’élections, il s’agit surtout d’y mettre la forme. Et les moyens. Qui a dit que l’histoire ne se répète-t-elle pas ?
Avec le coup d’Etat du 6 août 2008, les Mauritaniens semblent avoir retrouvé leurs vieux instincts. Une sorte de compte à rebours, de retour à cette duplicité qui a fait de la plupart d’entre eux des adeptes de la politique du moindre effort. L’intermède démocratique de la Transition militaire de 2005-2007 et du mandat écourté du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi n’ont pas réussi à effacer les élans despotiques des uns et le passé sans gloire et thuriféraire des autres.
Il a suffi que ceux qui ont déposé Ould Taya reprennent le pouvoir à celui qu’ils ont aidé – mais seulement aidé – à gagner la présidentielle de 2007 pour que toutes les hordes politiques qu’on appelle chez nous, improprement, « indépendants », partis, intellos, organisations non gouvernementales et cercles d’influence, suivent un mouvement réservé, habituellement, aux foules.
Dans la mésaventure démocratique que nous traversons actuellement – et qui risque de durer au-delà de l’élection présidentielle envisagée par le HCE – c’est la classe politique mauritanienne qui a le beau rôle. Pour être juste, ce sont ceux qui ont soutenu le putsch, « contre vents et marées », qui doivent répondre de leur erreur d’appréciation de faits ayant changé le cours de l’histoire mais plus précisément le destin de tout un peuple.
Il est maintenant reconnu que le général Mohamed Ould Abdel Aziz n’a pas agi pour uniquement préserver la « démocratie » ! Le pouvoir est au centre de la crise qui a poussé les généraux à refuser au président élu le droit de les limoger. S’il faut accepter que le président démocratiquement élu soit entré dans un conflit ouvert avec sa majorité, il faut tout aussi bien reconnaître que les coups d’Etat n’entrent pas dans le registre des solutions appropriées, ni même dans celui du moindre mal, face à une telle crise.
Sinon, il faudra dire, ouvertement, aux Mauritaniens que, si les mêmes causes produisent les mêmes effets, les EGD ne peuvent pas être la solution à l’imprévisible. Ils sont, tout au plus, la justification, après coup, de la mainmise sur le pouvoir de ceux qui, réellement, refusent le changement.
Car il y a, en fait, un retour en arrière que le RFD est en train de reconnaître, quoique bien tardivement. Permettre à celui qui a renversé deux pouvoirs en moins de deux ans, même si on leur reconnaît des tonnes de défauts, d’être candidat à une élection présidentielle qu’il a lui-même préparée de bout en bout, c’est renouer avec les vieilles pratiques du système Taya. Il suffit que le Général démissionne deux mois avant l’échéance, de se porter candidat et l’administration fera le reste.
Les actions, les nominations, les audiences, les sorties sur le terrain, les déclarations – la campagne tout court – qui ont précédé les EGD ont permis au HCE de préparer le terrain à la victoire de son champion. Dans l’esprit des stratèges du camp des putschistes, les calculs sont simples : le Front national pour la Défense de la Démocratie (FNDD) risque de pratiquer la politique de la chaise vide, ce qui arrange bien les affaires des militaires et Ahmed Ould Daddah est pris à son propre piège.
Le leader du RFD vit, actuellement, un véritable dilemme : rompre l’alliance avec le HCE ou continuer à le soutenir sans tirer un réel profit de la politique de consolidation et de légitimation du pouvoir des militaires. La première option comporte le risque d’une implosion que certains pensent inévitable à l’heure actuelle, la seconde n’arrangerait pas les ambitions présidentielles d’Ould Daddah.
Comme quoi, une crise née de divergences fort probables entre les deux segments du pouvoir (le HCE et le RFD) risque de compliquer une situation déjà très tendue ! Avec, peut-être, une reconfiguration de la scène politique nationale et de belles empoignades en perspective.
Amadou Diaara
Source: www.cridem.org