Dans le temps, pour célébrer une union chez les soninkés, en milieu urbain, il suffit d’une fête chez la mariée, une autre chez l’époux. Aujourd’hui l’idéal est d’organiser une fête chez la mariée, une autre chez l’époux, une invitation à Mauricom, une cérémonie grandiose à La Case, de faire appel à un chanteur ou des chanteurs pour animer les différentes fêtes, de louer un appartement pour la nuit des noces. Et surtout de distribuer de l’argent à tire-larigot. Et enfin de louer les services d’un cameraman pour immortaliser tout ça. Parce que la cérémonie doit-être mémorable, marquer les esprits, comme une page d’une histoire. Résultat, même les classes moyennes soninkés, en arrivent aujourd’hui à casquer des millions pour célébrer un mariage. Pourquoi tant de dépenses ?
Les raisons de la dérive
Les inquiétudes
Le fait de dépenser sans compter suscite des inquiétudes chez certains. Primo : il ne garantit pas la pérennité du couple, le mari arrive tout essoufflé au bout du compte si bien qu’il aura du mal à subvenir aux besoins de son couple, il aura tout dépensé pendant le mariage et se serait même endetté. Secondo : il constitue un écueil pour ceux qui n’ont que des moyens limités «car tout le monde n’a pas de sous à claquer dans un mariage. A la longue les pauvres ne pourront même plus se marier», affirme Mamadou, jeune homme qui a dépassé la vingtaine. «Engloutir de grosses sommes dans une cérémonie de mariage est un énorme gâchis. Il faut se ressaisir», déclare pour sa part Fatma, dame d’une soixantaine d’années. «Fêter un mariage chez la mariée, le marié, puis à Mauricom et La Case, ne vaut pas le coup. Car le plus important n’est pas la fête mais le mariage lui-même, c’est-à-dire la vie en couple. On peut la préserver sans débourser des sommes mirobolantes», renchérit Bambi, jeune femme d’une trentaine d’années.
Mais ce qui inquiète certains, c’est surtout le fait que leur communauté ne soit pas consciente du danger que pourrait entraîner le nouveau mode de mariage qu’elle est en train d’adopter. A l’intérieur du pays, les membres de la communauté font du mieux qu’ils peuvent pour limiter les dépenses dans les fêtes de mariage. A Kaédi par exemple, c’est un quota qui a été instauré, les dépenses ne doivent pas dépasser un certain plafond. Dans certains villages du Guidimakha, le nombre des jours pour fêter une union a été fortement revu à la baisse. Quiconque ne respecte pas ces règles est indexé et soumis à une amende. A Nouakchott, le laisser-faire est total. «C’était une belle fête», c’est la phrase que répètent souvent ceux qui reviennent d’un mariage. Peu leur importe le fait que les mariés aient cassé leur tirelire au point de ne pouvoir faire face à leurs besoins vitaux, peu leur importe que le marié se soit endetté jusqu’au coup pour organiser une grande fête.
Il est grand temps que la communauté se réveille car, comme le soutient le sociologue Koréra Makha : «au lieu de dépenser des millions en amont du mariage, il serait plus opportun d’économiser cette fortune pour la popote quotidienne, notamment l’éducation au nom de la survie du couple».Samba Camara// Réseau Mauritanien d’Informations
Education:Des pères trop absents
Beaucoup de parents craignent pour leurs enfants le relâchement moral et se retrouvent face à l’excès inverse, à savoir l’extrémisme religieux. Ainsi, des centaines de pères rendent visite à leurs fils en prison, mais refusent de parler de ce qu’il y a de plus important. M. S K de retour au pays, était chauffeur de taxi à Paris. A force de travailler, il assure une vie correcte à sa famille, mais il échoue à donner la sécurité affective à son fils aîné et à l’orienter dans la vie. Celui-ci tombe dans un extrémisme auquel son père, immigré de la première génération, n’a jamais pensé. C’est ainsi que son fils lui échappe. Beaucoup de mauritaniens sont confrontés à cette expérience, et la plupart d’entre eux n’ont pas les clés intellectuelles pour comprendre ce qui se passe.
Au début, SK pense que le comportement bizarre de son fils s’explique par la drogue ou l’alcool, ignorant que tout sépare ces deux excès que sont l’intransigeance religieuse et le relâchement moral.
SK finit par comprendre, quand son fils le traite de mécréant, lui rapproche de se raser, et ramène son émigration à une soumission au mode de vie occidental. Il l’accuse même de commettre un péché mortel en conduisant un taxi dans lequel peuvent monter des personnes non conformes à ses idées, y compris des femmes. SK se trouve démuni et réduit à user de la violence, frappant le corps de son fils comme si cela pouvait éliminer les taches sur son esprit.
Samba Camara /rmi biladi.com