Hommage de l’équipe de Soninkara.com au regretté Nabakha Camara, un collaborateur efficace et un travailleur honnête et infatigable
Il est vrai que la mort, ce destin malin, cet épilogue de l’existence mondaine, est un itinéraire inévitable. Allah, Le Seul Être Éternel qui ne mourra jamais, nous l’a d’ailleurs dit dans le Coran, depuis le septième siècle après Jésus Christ, que : « Toute âme goûtera à la mort ». Toutefois, il y a des créatures dont la disparition demeure un événement qui marque à jamais les esprits, les institutions, les bonnes causes, les nations, bref l’humanité tout court. Nabakha Camara, par la dimension exceptionnelle de sa personnalité, par ses engagements associatifs, syndicaux et culturels, par son volontarisme et son militantisme, par sa grande ouverture d’esprit et son esprit positif, fait incontestablement partie de cette lignée et espèce humaines devenues rares de nos jours. Sa mort, survenue le 14 juillet 2010 en France, a plongé ses parents, ses amis, ses collaborateurs dans une grande tristesse.
Originaire de Tachott Bérané, situé dans le Guidimakha mauritanien, Nabakha Camara est né en 1947 dans une grande famille, connue pour sa rectitude morale et son attachement aux valeurs qui fondent le sooninkaaxu et l’islam. Feu son père s’appelait Hadiyatou Camara et feue sa mère Tombé Camara. Il a commencé ses études primaires dans son village natal en 1960-1961. Arrivé en France en 1968 et assoiffé des connaissances, il s’était formé sur le tas, au point de devenir un guide pour beaucoup d’immigrés aussi bien dans le cadre de leurs droits que lors de leurs démarches administratives et résidentielles. Vingt-ans d’expérience dans l’automobile à Général Motors de Gennevilliers, il a été également le Président du Comité des résidents du foyer Commanderie de 1977 à 2006.
Durant sa présidence, il a réussi à mobiliser beaucoup de gens et d’énergies autour de lui pour améliorer la condition résidentielle de son foyer auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Grâce à cette pression, ils ont réussi à écarter le patron d’ALPI, filiale de AFRP, qui avait la gestion dudit foyer de 1985 à 1996. Ainsi, de 1996 à 2006, soit une décennie, la gestion du foyer incombait aux résidents. Durant cette période, Nabakha Camara s’est distingué par son courage d’homme, son sang froid inébranlable, sa combativité, son honnêteté, sa probité morale, sa grande piété et son sens de responsabilité. Cet activisme a fini par payer quand on sait que les autorités ont fini par rénover leur résidence en la dotant d’une salle de prière qui accueille aujourd’hui des fidèles venant des différentes parties de la région parisienne.
À toutes ces cordes que Nabakha Camara avait à son arc, il faut ajouter une autre. Il était profondément attaché à sa culture et à sa langue. Son militantisme en faveur de sa culture est tel que quand Soninkara.com l’avait sollicité dans la préparation de Sonink’Art 2009, il n’avait ménagé aucun effort pour accompagner cet événement jusqu’à sa bonne fin, en fournissant à l’équipe des documents, des images et des informations inédits sur les premiers immigrés soninkés en France, mais également en prenant part à la conférence qu’il avait enrichie avec son expérience ô combien riche. Quiconque regarde le DVD verra le grand homme qu’était Nabakha témoigner avec force d’arguments et conviction.
Au total, s’il est vrai que, comme le disait Frantz Fanon : « chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir »1 , on peut affirmer sans aucune marge de manœuvre de se tromper que feu Nabakha Camara n’avait pas trahi son extraction sociale, sa religion, sa culture, son rôle syndical, associatif et culturel. À ce titre, il était incontestablement un homme multidimensionnel qui savait s’adapter aux quatre saisons de l’année. Sa mort est une grande perte pour la communauté soninkée de France, mais également pour tous les immigrés à un moment où ils ont besoin d’un leader charismatique et intelligent à son image pour faire front aux mesures injustes et draconiennes avec lesquelles le Président Nicolas Sarkozy les irrigue à souhait. L’adage selon lequel : « Les gens utiles partent au moment où on a plus que jamais besoin d’eux », vient de se confirmer de nouveau avec la mort de ce digne fils du Guidimakha, de la Mauritanie, du pays soninké, de l’Afrique. Qu’Allah, dans Son Infinie Bonté et dans Sa Grande Mansuétude, ait l’âme de Nabakha Camara et lui accorde toutes les faveurs paradisiaques. En réalité, nous sommes à Allah, et c’est à Lui Seul que nous retournons.
Cheikhna Mouhamed Wagué, Soninkara.com