François, auteur de plusieurs travaux sur les Soninké dont, Les diasporas des travailleurs soninké (1848-1960), nous a quittés au-dessus de l'Atlantique, dans la force de l'âge, sa vie comme sa mort formant trait d'union entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique. Ayant fait ses études en France, dans les classes préparatoires puis au Centre de recherches africaines de la rue Malher, François était ensuite parti en Californie, à Santa Barbara, pour y préparer sa thèse d'histoire africaine auprès de G. W. Johnson, spécialiste du Sénégal. Cette thèse, consacrée à l'histoire des migrations soninké, malheureusement inédite à ce jour, révélait quelques-unes des multiples facettes d'un talent qui trouva également à s'exprimer dans les articles qu'il publia dans les Cahiers d'Études africaines : celui sur la famille Devès, véritable merveille d'érudition, et ceux, remarqués, sur le nationalisme culturel en Afrique francophone.
François avait également entrepris un important travail sur l'abbé Grégoire, la Société des amis des noirs et l'émergence d'une problématique du développement africain à la fin du xvme siècle, dont les premiers résultats se trouvent dans le présent numéro. Nous avions tous deux le projet d'approfondir la notion de régénération, qui est centrale pour qui veut comprendre le passage, au tournant du xixe siècle, d'une conception mercantiliste à une vision développementaliste des relations entre l'Europe et l'Afrique.
Après avoir enseigné en Géorgie et dans le Maine, François Manchuelle avait obtenu un poste d'administrateur de l'Africana Studies Program, New York University, poste qui le satisfaisait mais qui ne correspondait pas véritablement à ses compétences. François était en fait mal adapté au milieu universitaire américain où la compétition est rude et où sa modestie et son extrême gentillesse l'empêchaient de faire valoir pleinement ses mérites. Il y a tout juste quelques mois, il avait rejoint notre comité de rédaction et se consacrait à la préparation d'un numéro spécial très attendu sur les migrations internationales.
Avec lui, c'est un éminent collègue et un ami très cher qui disparaît. Que sa mère et son jeune fils trouvent ici le témoignage de notre affection.
Source: Jean-Loup Amselle, Cahiers d'Études africaines, 144, XXXVI- 4,1996, pp. 557-558.