Lorsqu'on soulève le débat sur l’immigration, beaucoup de gens ont tendance à se focaliser sur les avantages socioéconomiques de ce fléau qui est séculaire dans un pays comme le Mali. Depuis la nuit des temps, le Malien est un grand voyageur devant l’Eternel. Et on ne peut pas nier aujourd’hui que les immigrés jouent un rôle important dans l’amélioration des conditions de vie de leurs familles et de leurs localités.
A une date récente, près de 90 % des immigrés maliens en France étaient des Soninkés originaires de la région de Kayes. Une région qui vit essentiellement grâce à l’argent envoyé de France par la diaspora et les aides des projets de développement. Environ 4,6 milliards de F CFA (7 millions d’euros) ont ainsi été transférés en 2002 vers la ville de Kayes, qui, avec six agences bancaires, est aujourd’hui la deuxième place financière du Mali, après Bamako.
En plus de la contribution à la prise en charge de leurs familles, « l’argent de France » permet la mise en place d’infrastructures socio-économiques de base comme la construction d’écoles et de cases de santé, rénovation de routes, forages de puits, de petits aménagements hydro agricoles... Rien que dans l’Hexagone sont enregistrées 182 associations œuvrant dans des domaines divers du développement du Mali, qui reçoivent les cotisations assidues de leurs membres…
Et de nombreuses sources indiquent que l’apport fourni par les immigrés à l’économie malienne est plus important que l’aide bilatérale que le pays reçoit de la France. Plus qu’un exode de personnes en quête d’un mieux-être, l’émigration est un enjeu économique de premier plan. Les « Maliens de l’extérieur » envoient au pays environ 40 milliards de F CFA (60 millions d’euros) par an, soit plus que toute l’aide française au développement du pays.
Ces apports peuvent se comparer favorablement à certains postes de la balance commerciale de certains pays. Dans de nombreuses localités de la plupart des pays africains, les envois des diasporas constituent la seule et souvent l’unique source de revenu des individus et des familles. Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que les migrants participent à la vie économique et sociale en rapatriant une partie des ressources gagnées en terre étrangère. Mais, on ne peut pas non plus passer sous silence le fait que l’immigration ait changé de forme. Dans le temps, c’était le plus souvent des jeunes ruraux qui s’exilaient pour trouver de quoi se bâtir un avenir.
De nos jours, cette main d’œuvre non qualifiée a fait place à des jeunes diplômés qui, faute d’emplois, plient bagage à la recherche de cieux cléments sans même l’assurance de faire valoir leurs compétences. L’immigration s’est donc métamorphosée en fuite de cerveaux. Une manière sournoise de priver l’Afrique de ses ressources compétentes que la France a officialisé en politique d’immigration le 17 mai 2007. En effet, c’est à cette date que l’Assemblée nationale française a voté la loi controversée de Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) sur un fléau dont l’économie française ne saurait se passer sans s’effondrer.
Par cette loi prônant « l’immigration choisie », les élus français se sont fait complices de Sarko pour porter un coup d’arrêt à une émigration majoritairement composée de personnes peu qualifiées, dont l’apport est vital pour des milliers de familles des pays d’origine. Comme on y s’attendait, cette législation n’a fait que compliquer le sort de nos émigrés. Un sort qui, déjà, était peu enviable avec les expulsions en série, les méthodes inhumaines de traque et l’humiliation au quotidien. Comme le disait à l’époque un responsable de la Coalition des alternatives dette et développement au Mali, « c’est tout le peuple malien qui se trouve visé par cette loi ».
« Nous suivons de très près la politique française qui régit l’immigration, depuis les lois Pasqua jusqu’à aujourd’hui. Nous avons lu le projet de Nicolas Sarkozy, qui a malheureusement été voté par l’Assemblée nationale. Cette loi durcit les conditions d’accueil jusqu’à remettre en cause des droits fondamentaux de l’Homme… », avait dénoncé Samba Ibrahima Tembely, secrétaire permanent de ladite Coalition.
Il est donc vrai que l’apport de la diaspora à l’économie nationale constitue un important facteur de stabilité politique et sociale du Mali. Mais, si on n’y prend garde, il va totalement déstabiliser le pays avec la fuite des cerveaux qui est l’essence de « l’immigration choisie » que la France nous impose depuis mai dernier.
Moussa Bolly, Les Echos.