IMMIGRATION. Madrid offre des avions au Sénégal, à la Mauritanie et au Cap-Vert afin qu'ils surveillent les clandestins.
Les autorités espagnoles donnent dans la diplomatie de la prodigalité. En échange d'une coopération en matière de lutte contre l'immigration illégale, des pays africains ont reçu de Madrid des présents auxquels ils ne s'attendaient pas. Le Sénégal, la Mauritanie et le Cap-Vert se sont vu offrir - contre cent euros symboliques - trois avions de surveillance de modèle C-212, des engins bimoteurs sophistiqués capables d'atterrir sur des terrains difficiles.
A quoi il faut ajouter d'autres récents cadeaux: huit patrouilles, des véhicules tout-terrain et du matériel militaire. Ces largesses sont accompagnées de révisions techniques et de cours de formation pour les pilotes néophytes. Une telle générosité n'a rien de désintéressé. Le gouvernement Zapatero s'est donné comme priorité de former un «verrou maritime» le long des côtes de l'Afrique occidentale d'où, depuis quelques années, des milliers de clandestins tentent leur chance vers l'archipel espagnol des Canaries, non loin du sud du Maroc. Alors que le passage d'immigrants via le détroit de Gibraltar est de plus en plus contrôlé, les émigrants africains s'entassent depuis le littoral sénégalais ou mauritanien sur des «cayucos», des bateaux de pêche traditionnels censés les amener vers les Canaries. S'ils atteignent leur but (beaucoup sont interpellés ou se noient au cours de cette périlleuse traversée de 2000 kilomètres), ces «sans-papiers» sont ensuite transférés vers la péninsule espagnole, ce qui, dans la pratique, leur permet de circuler librement dans l'espace Schengen.
Baisse des interpellations
Depuis 2003, cette nouvelle route de l'immigration clandestine inquiète fortement les autorités espagnoles. D'autant que l'impact de ces arrivées dramatiques contribue à faire de l'immigration un des principaux sujets de préoccupation de la population, derrière le chômage et le logement. Depuis, le gouvernement Zapatero s'est dépensé sans compter pour réduire cet afflux: déploiement de la force européenne Frontex - sorte de gendarme maritime au large des côtes africaines; présence de patrouilles et d'avions espagnols; offensive diplomatique avec les pays d'origine pour faciliter les rapatriements... Ces efforts ont payé. En 2007, le nombre d'interpellations a chuté de moitié et plus de 90% des immigrants arrêtés sont renvoyés dans leur pays.
Mais Madrid n'entend pas s'arrêter en si bon chemin: avec ces «cadeaux» offerts aux pays africains, l'Espagne obtient de juteuses contreparties: ses patrouilles peuvent en effet naviguer à loisir dans les eaux territoriales sénégalaises, mauritaniennes et cap-verdiennes pour tenter d'intercepter en amont les «cayucos» emplis d'émigrants. Et d'ici deux mois, dans cette même zone, les Européens disposeront d'un système de communication par satellite permettant une meilleure détection des embarcations de clandestins.
François Musseau, Madrid
Vendredi 18 juillet 2008
Source : http://www.letemps.ch