Dans la société soninke où les moyens modernes de diffusion de l’information sont largement présents (radio, télévision, video), des formes traditionnelles de communication sont cependant encore utilisées. Elles sont d’abord attachées à des lieux : pour les hommes, l’arbre à palabres et la mosquée ; pour les femmes, le pilon pour les céréales ou la rivière aujourd’hui partiellement remplacée par le puits et le forage. De plus, les Soninke ont recours à certains moyens de communication anciens. Chaque groupe d’âge, notamment chez les jeunes hommes, possède sa trompette. Losqu’un mariage ou un travail collectif à accomplir doivent être annoncés, quelqu’un utilise l’instrument sur la place publique et le son est clairement identifié par tous comme celui de tel groupe social. Les nouvelles importantes concernant l’ensemble de la communauté sont annoncées par un tambour particulier.
Des hommes enfin assument plus spécialement la tâche de communication au sein de la société : le mangué et le griot. Le premier joue le rôle de médiateur chez les Soninke. Il est supposé favoriser, par des va et vient de conciliation entre les deux parties concernées, le règlement d’un conflit. Sa fonction est cependant plus affirmée dans le Guidimaka et le Gadiaga, proches des frontières du Mali avec la Mauritanie et le Sénégal que dans le Djombukhou, le long de la rivière Kolimbine. Quant au griot, il doit être capable de retracer toute la généalogie d’une personne et en vanter les mérites lors de certaines cérémonies. Si autrefois chaque famille importante disposait de son propre griot, aujourd’hui ceux-ci répondent à toutes les demandes de louange qu’on leur adresse. Ils restent cependant les dépositaires d’un certain savoir.
La culture soninke dans son ensemble a subi différentes altérations et certaines de ses manifestations spécifiques ont disparu ou sont fortement ébranlées. La fête liée à l’abandon du cache-sexe et au premier port de pagne par l’adolescente n’est plus organisée. La prise du pantalon par le jeune garçon a toujours lieu à la mosquée mais de façon moderne. L’excision et la circoncision sont désormais pratiquées chez les bébés ou les très jeunes enfants et ont donc perdu leur valeur symbolique d’entrée dans l’âge adulte et leur aspect initiatique. Autrefois, après l’hivernage, des fêtes étaient données. Quand la récolte se révèlait abondante, les villageois se livraient à quelques danses spécifiques.
Aujourd’hui, cela ne se pratique plus que de façon très occasionnelle. Enfin, la veillée autour du lent travail de filage du coton offrait l’occasion aux vieilles personnes de raconter aux enfants des contes, le mythe fondateur du village ou l’origine des coutumes locales. Elle a disparu aujourd’hui, parfois remplacée par la réunion autour du poste de télévision. Par ailleurs, si la langue soninke a été transcrite par écrit dans les années 70, elle doit aujourd’hui lutter contre le bambara largememt répandu au Mali et contre le français chez les gens instruits.
Enfin, selon Ibrahim Traore, chef de projet à l’ORDIK (Organisation Rurale pour le Développement Intégré de la Kolimbine), la migration vers la France ou le Congo dont les Soninke se sont fait une spécialité constitue également un danger pour la culture traditionnelle en permettant l’introduction d’éléments extérieurs. Mais selon lui, la prise de conscience des menaces qui pèsent sur la culture soninke n’est pas suffisamment forte dans les villages pour que des efforts de préservation soient entrepris. Ibrahim déclare : "Aussi longtemps qu’on considèrera notre passé comme arriéré, on ne pourra pas le revaloriser."
Auteur : Anne FONTENEAU
Source : dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale