
Ils étaient musiciens à la cour, soldats révolutionnaires, héros de
Verdun, compagnons de la Libération. Ils étaient à la tribune de l’Assemblée nationale ou sur les plages du Débarquement, en
Provence, à l‘
Odéon ou à
Polytechnique.
Ils étaient noirs. Qui s’en souvient ? Qui se souvient de
Habib Benglia, qui joua dans Les enfants du paradis et dans
La Grande Illusion , ou de
René Maran, qui obtint le prix
Goncourt en 1921 ? Après les indépendances, dans les années 60, la
France et l’
Afrique se sont séparées de corps mais aussi éloignées d’esprit. Chacune est partie de son côté. Dans les livres d’histoire, soit par honte d’avoir colonisé, soit par dépit d’avoir été largués, soit encore par indifférence, les Français ont peu à peu gommé les traces de couleur de la saga nationale. C’est oublier
Félix Eboué qui, alors qu’il était gouverneur du
Tchad, fut parmi les premiers résistants à répondre à l’appel du général
De Gaulle ; c’est oublier
Gaston Monnerville, président du Sénat et ainsi le deuxième personnage de la République pendant plus de vingt ans. C’est oublier aussi
Edmond Albius, ancien esclave qui découvrit la technique de la fécondation artificielle de la vanille, ou Delgrès, qui préféra mourir plutôt que d’accepter le rétablissement de la servitude en Guadeloupe.