" Dois je aller encore en croisade contre ces animateurs, "journaleux" et autres médias, machines à humilier d' émigrés ? " ? Après une satire d'un site de la place dont je tairais le nom pour ne pas leur faire de la publicité gratuite, c'est au tour de l'émission de Mamadou Ndoye Bane, de décontenancer du " Modou - Modou " ( Emigré ) ? Un reportage très critique et sans cœur sur les " Modou - Modou ". Une mise en scène impeccable pour dégrader les émigrés. Ceux mêmes qui font bouillir inlassablement les marmites du Walo, Djolof, Cayor, Boundou, Fouta, Hayré et Gajaaga. Ces personnes qui se privent de toutes les bonnes choses, bravent le froid glacial de l'Europe, pour mettre des familles entières à l'abri.
Ce reportage que j'ai écouté en ces jours de Tabaski m'exaspère et me rend atrabilaire. Ce micro-trottoir m'a arraché l'appétit en ces beaux jours de l'Aïd el Kébir ( Au passage Déwénéti à tout le Sénégal). Je savoure mon " Xaar " ( Mouton ) avec un goût très amer. J'ai beau écouter la belle mélodie " Immigrés " de Youssou N'dour, ma colère reste intacte. Les témoignages de ce reportage, parfois poignants, parfois choquants m'ont arraché des larmes. Pire, des femmes s'y mettent également pour villipender du " Modou - Modou " au grè des règlements de compte personnels. Ces braves gens qui fêteront encore Tabaski très loin de leurs familles avec comme seul reconfort le téléphone.
Décidément, ces " journaleux" et animateurs de circonstance excellent dans le sensationnel. Quand on manque de sujets, on tance les pauvres " Modou-Modou "... C'est sur que cela fait vendre. Quel odieux mode opératoire !
Certes, parler de l'émigration fait jaser bon nombre de nos compatriotes mais y faire son dada devient imbuvable. Depuis Mathusalem, le Sénégal entier savait le mal des femmes d'émigrés. Durant les années 50, les Sénégalais partaient déjà à l'étranger en laissant femmes et enfants derrière. D'ailleurs, certains vivent très mal cette séparation et rebroussent chemin. Mais, ne reçoivent-ils pas de croustillants quolibets de leurs compatriotes parce que n'ayant pas pu accepter les dures conditions de vie des pays d'immigration ? L'émigration était et reste toujours un mal nécessaire. Les femmes sont des victimes collatérales de cette situation. On a pas besoin d'être " Saltigué " pour deviner le mal de nos sœurs, tantes et mères, épouses de Modou-Modou.
En Europe, il y a des Wolofs, des Peuls, des Soninkés, des Sérères, des Diolas; des Njangos... Nous avons presque les mêmes modes de vie et nous partageons la même galère à des degrés divers. Nous travaillons tous pour nos familles pour ne pas dire le Sénégal. Nous nous privons de tout confort indispensable pour que nos familles ne dorment pas le ventre vide. Très souvent, cela se fait au détriment de notre propre luxe. Est-ce un crime ? Quand je débarque au foyer Chevaleret du 13ème arrondissement, ce sont de vaillants Sénégalais que je croise. Des hommes qui ont accepté de sacrifier leur vie pour le bien ètre de toute une famille, d'un village ou d'un quartier. Il y a des villages où l'Etat n'a rien fait, absolument rien ! Socialisme ou Sopisme ! " Mbourou Foff Ko Farine " comme diraient les Peuls. Les centres de santé, les écoles, l'eau et l'éléctricité sont tous les fruits de l'émigration. Oui, je dis bien la labeur de ces pauvres émigrés, détestés et toujours tournés en bourrique ! Les conditions de vie sont très dures voire insupportables. Mais, cette souffrance est utile. Aucun homme ne s'est jamais élevé sans s'être purifié au feu de la souffrance. Clien d'oeil à Gandhi. La souffrance est salutaire. Youssou N'dour disait dans sa célèbre chanson dédiée aux émigrés : " Djome moy touki, Fouleu moy gnibissé " ... La motivation d'émigration ou la route de la souffrance est noble et très justifiée.
Le niveau d'étude du "Modou-Modou" améliore nettement le niveau de vie dans l'immigration mais ceci n'est pas toujours le cas. On peut trouver un diplômé dans les mêmes conditions qu'un immigré " Village-Dakar-Paris/Madrid/Milan ". L’Europe redistribue les cartes. Le prince du village ou de Dakar devient l'anonyme des capitales européennes et subit les mêmes difficiles conditions de vie. De plus, ils sont tous écartelés entre leur vie sociale en immigration et les sempiternelles sollicitations familiales. Il faut savoir que cette souffrance que l'immigré découle de ce sacrifice. Elle est la résultante de l'apport incomensurable aux familles restées au pays.
Toutefois, je préfère être l'émigré banni de ces fossoyeurs que le "Xosluman" du Sénégal. Rester au Sénégal à broyer du noir tous les matins de Dieu sans aucun rond pour nourrir ou soigner femmes, fils et parents, est-ce une solution idoine ? Arrêtons de se voiler la face, le Sénégal que l'on glorifie peine à faire survivre son "sénégalais". La vraie réalité du pays est tronquée. Que des mirages ! Pour s'en rendre compte, quelques échanges avec les "Taximen" suffisent. En communiquant avec ces braves gens lors d'un séjour, on obtient facilement la température du pays. Tout le monde s'accorde à dire que le pays est pris en otage par un clan de mafieux et de "faroteurs " dont les rejetons s'amusent avec les deniers publics dans " Dakar By Night". On peut s'en sortir au Sénégal. Peut-être ! C'est bien beau de débiter des paroles sans actes forts au quotidien. Un gouvernement qui n'arrive même pas à fournir de l'électricité au tailleur est-il crédible ? Et ce dernier parle de TGV, de TRAM... C'est reconfortant !
Quand on humilie les émigrés pour finalement leur proposer l'option " RTJ " ( Rien Tous les Jours), cela m'exaspère. C'est d'une malhonnêteté indescriptible ! Personne n'émigre pour aller vivre en pacha en Europe ou en Amérique. Souvent, ce sont des économies de toute une famille qui ont été investies pour ce périlleux voyage. L'émigré doit rentabiliser au prix de sa souffrance. L'émigré a t-il le choix ? Deux options lui sont offertes : Accepter une vie très modeste en Europe pour améliorer les conditions de vie de la famille au Sénégal ou vivre en pacha en abandonnant sa famille à son triste sort.
Traiter les immigrés comme de vulgaires clochards rend un piètre service à la communauté. "Ils vivent à 30 dans un appartement en Espagne " disent - ils ? Soyons raisonnables ! Quel bailleur européen laissera trente personnes squatter un même appartement de manière assidue ? J'aimerai bien y croire mais c'est trop gros comme mensonge pour être gobé. Ce soit-disant vacancier qui intervient dans ce reportage excelle dans le mensonge et imagine des scénarios. Il serait un bon scénariste de Daray Kocc. Son immersion dans la communauté sénégalaise d'Espagne nous montre combien le personnage est hautain et très imbu de sa personne. " J'ai senti le Soupou Kandia, je m'attendais au festin. Je ravisai tout de suite après un passage à la cuisine. Je vidai les lieux puis je passai la nuit à la plage " dit-il. L'adage ne dit - il pas " Quand tu arrives dans un endroit et que tu trouves tous les gens nus, déshabille toi et fais comme eux ". " L'humilité est le contrepoison de l'orgueil " disait Voltaire. Il n'avait pas besoin de franchir l'atlantique pour s'enquérir des difficiles conditions de vie des Sénégalais. Au Sénégal, des compatriotes venus de l'intérieur du pays vivent dans les conditions, souvent plus extrêmes. Combien de vaillants sénégalais de l'intérieur du pays, venus gagner dignement leur vie à la sueur de leur front à Dakar, vivent dans des squats ou dans des baraques insalubres ? Ne sont-ils pas sénégalais pour prétendre à un toit meilleur dans leur propre pays ? Je préfère être le clochard des Iles Canaries que celui de la Médina ou de Colobane. Qu'est ce que l’État a fait pour juguler ses maux ?
" Consommer local " clamaient les femmes dans ce reportage en parlant des prétendants ? C'est bien marrant que des femmes se mettent à critiquer à leur tour les émigrés. Manipulées ou frustrées de la vie ? Tout porte à croire qu'elles sont "amères". Pire, elles se permettent de tourner en dérision les Modou-Modou qu'elles chérissaient tant. " Ils empruntent les fringues et les chaussures de leurs amis pour venir narguer les filles au Sénégal. L'argent qu'il distribue a été également emprunté " disent-elles ! Ah, le désespoir est le suicide du cœur. Ces femmes qui n'avaient d'yeux que pour ces valeureux émigrés se ravisent. Elles veulent maintenant consommer local... C'est leur droit le plus absolu. Mais, chassent - elles des hommes locaux sans manne financière conséquente ? Loin de réduire nos femmes à " des femmes - Intérêts ", force est de reconnaître qu'elles traînent la réputation de chasseurs de fortune. Plusieurs d'entre elles s’intéressaient et continuent de s'intéresser plus aux bourses des émigrés plutôt qu'à leur vraie nature. Le " V " ( venant ) qu'elles recherchaient activement devient un " L ". C'est marrant mais très compréhensible. L'appât du gain, elles semblent s'en détourner. Mais les " L" qu'elles cherchent sont - ils les " tireurs du diable par la queue ", les " Xoslumen " des quartiers populaires. Je n'y crois pas. Et cela fermement.
Qui s'y frotte s'y pique ! dit l'adage. Se marier avec un émigré sous tend des sacrifices. De dignes femmes ont été et continuent d'être de dignes épouses d'émigrés en partageant les galères et les joies.
Dire que " la fortune du singe se loge dans sa joue " pour différencier les émigrés et les locaux est cynique. On sent comme des règlements de compte. Vieille déception ou quolibets contre une femme d'émigré ? A creuser ! Aujourd'hui, ces femmes vilipendent les Modou-Modou alors qu'elles snobaient les locaux. " Karaba la sorcière est devenue douce comme une agnelle "... Elle revoit ses prétentions à la baisse. Jackpot ! L'argent n'est plus une motivation pour elles.
Depuis belle lurette, les émigrés et leurs femmes acceptent l'inacceptable pour l'épanouissement des familles. Tout le monde s'accorde à diaboliser cette situation. Je ne la cautionne pas non plus. Mais, souvent, l'émigration est un mal nécessaire. Certains ont le choix, d'autres non ! Amener sa femme avec soi dans son pays d'immigration demande d'autres sacrifices... C'est un autre pan de notre modèle social qui tomberait.
Samba Fodé KOITA dit EYO