Sans contre-pouvoir, quelle démocratie ?
Différents leviers sont à la portée des députés pour leur permettre d’exercer leur mission de contrôle et de surveillance des actions du gouvernement, de ses ministres et organismes. A la veille du premier tour des Législatives, le rappel des moyens à leur disposition permet de mesurer plus précisément l’enjeu du scrutin : l’Assemblée nationale sera-t-elle un lieu de débat contradictoire, d’expression d’une démocratie participative ou le siège d’une majorité présidentielle toute puissante ?
SI, comme l’annoncent les sondages, l’UMP obtenait plus de 40% des voix, de 366 à 466 sièges sur un total de 577, la majorité présidentielle, en l’absence d’un contre-pouvoir représentatif, bénéficierait alors d’une confortable assise pour « réformer en profondeur notre pays » comme le souhaite le président Sarkozy. Un chantier de modernisation de l’État qui s’appuie sur la diminution de moitié des agents de la fonction publique et qui menace clairement les services publics. Pour que la « profondeur » ne se soit pas abyssale, la démocratie française a besoin d’une opposition vigilante et réactive sur les bancs de l’Assemblée.
Des moyens exclusifs à l’opposition
Une opposition qui pourra utiliser pleinement les questions courantes pour interroger quotidiennement les ministres sur des sujets d’actualité d’intérêt public et ainsi relayer dans l’hémicycle les préoccupations des Français. Cette période de 45 minutes réservée aux questions est très importante pour les députés de l’opposition car elle leur permet de pointer certaines actions et décisions contestées, de solliciter un positionnement, une intervention du Gouvernement dans des domaines qu’il tendrait éventuellement à minorer, comme c’est souvent le cas dans les DOM (voir encadré). Les questions soulevées qui exigent des recherches sont alors formulées par écrit et inscrites au “Feuilleton et préavis”. D’autres moyens sont accordés exclusivement à l’opposition : une période le mercredi matin afin d’échanger sur un sujet précis, là encore, préalablement inscrit au Feuilleton et encore la possibilité de présenter une motion de censure pour contester une action ou inaction du gouvernement. La motion de censure est présentée de façon quasi systématique suite aux discours d’ouverture et du budget. L’adoption d’une motion de censure pourrait entraîner la démission du gouvernement et forcer à la tenue de nouvelles élections générales. Elle est avant tout l’expression d’une forte contestation : le 28 juin 2003, l’opposition a ainsi utilisé l’article 49 alinéa 2 de la Constitution pour censurer l’action du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Il aura pourtant fallu attendre le 31 mai 2005, au lendemain de l’échec du référendum sur la Constitution européenne pour qu’il présente sa démission, après plusieurs mois d’assaut acharné contre « la France d’en bas ». Plus récemment en mai 2006, 140 membres de l’Assemblée ont déposé une motion de censure à l’encontre du gouvernement accusé après, les émeutes des banlieues, les manifestations salariales et étudiantes répétées, de conduire la France à sa perte. Cela n’a pas empêché la reconduction de ce même gouvernement au pouvoir !
Commission parlementaire : un espace de surveillance clé
Tout député peut également demander la tenue d’un débat d’urgence sur un sujet qui n’aurait pu être discuté autrement, comme ce fut le cas en décembre 2005 s’agissant des droits d’auteur et du téléchargement qui a suscité une levée de boucliers des artistes. Mais c’est en commission parlementaire que le député peut exercer de façon plus approfondie son pouvoir de surveillance du gouvernement et de l’administration publique, peut contrôler les finances et dépenses publiques. 9 commissions parlementaires étudient ainsi les crédits budgétaires mobilisés par le gouvernement pour ses différents projets. La commission de l’administration publique vérifie les engagements financiers afin de déterminer si les sommes allouées ont bien été dépensées selon une gestion suivie. La commission des finances publiques se réunit, quant à elle, une fois par trimestre pour un examen général de la politique budgétaire du gouvernement et de l’évolution des finances publiques en fonction des prévisions annoncées lors du discours sur le budget. Pour contrôler l’administration publique, chaque commission peut convoquer un organisme public afin de faire l’examen de ses orientations, de ses activités et de sa gestion. Enfin, les commissions parlementaires peuvent de leur propre initiative interpeller un ministre sur toute question d’intérêt général en inscrivant un avis au Feuilleton ; ministre qui sera reçu en séance pour répondre aux questions du député, comme ce fut le cas, pour exemple, du ministre de la Justice, Christian Jacob, auditionné par les commission des lois dans le cadre de la loi de modernisation de la fonction publique de juin 2006.
Projet de réforme fiscale soumis au vote dès juillet
L’Assemblée nationale est donc avant tout un lieu de débats pour ceux des députés qui exercent leur fonction avec conscience et ne se cachent pas derrière leur cumul des mandats pour justifier leur absentéisme ou derrière l’assurance d’une majorité acquise. Chaque député peut employer son droit de parole afin d’aborder tous les sujets qu’il juge pertinents. Mais une majorité écrasante concourre-t-elle vraiment à la fertilité du débat contradictoire, pilier de la démocratie, que suscite l’opposition ? Si la majorité présidentielle est confirmée, son premier projet de loi portant sur la fiscalité (déjà entre les mains du Conseil d’État) sera soumis au Parlement dès juillet. Un coup d’accélérateur du président Sarkozy qui, sans attendre la présentation du projet de loi de finances prévu à l’automne, compte sur cette période stratégique des vacances pour s’assurer un vote rapide, presque “compulsif”. Cette réforme qui comprend l’ensemble des mesures fiscales prônées par le candidat Sarkozy - exonération des heures supplémentaires, abaissement de 50% du bouclier fiscal, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts immobiliers, suppression des droits de succession pour 95% des ménages, défiscalisation du travail étudiant et nouvelle réglementation sur les parachutes dorés - devrait coûter entre 12 et 14 milliards d’euros aux finances publiques pour soulager les plus riches et feindre d’en faire autant avec la classe moyenne et les moins lotis. Tenter, car pour financer cette réforme, le gouvernement s’appuie sur la modernisation de l’État, à savoir faire des économies en supprimant un fonctionnaire sur deux et en appauvrissant les services publics, et sur la franchise médicale. On enlève un peu d’un côté, on reprend beaucoup de l’autre. Voilà tout l’enjeu démocratique d’un contre-pouvoir : veiller à la défense des intérêts du plus grand nombre. Et concernant La Réunion, la population aura grand besoin de députés compétents et avertis qui, face à un gouvernement bien décidé à ne pas plier, à ne pas céder aux contestations sociales, devra se battre pour faire entendre la voix du peuple, pour rappeler le Président de la République à ses engagements concernant la plate-forme de propositions de l’Alliance. Une lutte pour le développement de ce bout de France si souvent occulté des débats.
Stéphanie Longeras
La voix du peuple
Questions d’Huguette Bello à l’Assemblée
Pour citer quelques exemples de questions courantes posées au gouvernement et se rapprocher de La Réunion, Huguette Bello est l’exemple parfait de la députée qui sait relayer à l’Assemblée les inquiétudes de la population réunionnaise, qui sait défendre ses intérêts.
Sur tous les fronts, tout le temps
Une navigation sur le site de l’Assemblée nationale nous permet de constater que ses interventions sont nombreuses, hétérogènes et surtout argumentées (à la différence de certains élus locaux de la majorité qui tendent des perches au gouvernement pour lui permettre de justifier son action ou inaction à La Réunion). Les questions concernant le chikungunya et la crise sanitaire qui allait se déclarer, furent nombreuses, précoces et répétées. Son engagement à ce sujet a déjà été largement et fort logiquement souligné et reconnu. L’on sait peut-être moins qu’elle a interrogé le ministre de la Santé en mai 2006 sur l’augmentation des cas de leptospirose à La Réunion, les décès recensés et lui a demandé quelles mesures il comptait prendre pour permettre un diagnostic précoce de la maladie, un traitement adapté et pour juguler la propagation. Elle avait alors insisté sur l’urgence à agir, mais sa question inscrite au Feuilleton n’a pas obtenu de réponse écrite ! Pas de réponse non plus lorsque la députée a sollicité que, comme en métropole, la souplesse prévale dans la reconversion des CAE en CA, sachant que l’inadaptation des critères d’éligibilité allait conduire au chômage de nombreux employés. Elle s’est aussi engagée pour défendre les salariés victimes du chikungunya en demandant l’extension à La Réunion des dispositifs nationaux de garanties conventionnelles complémentaires pour compenser leur perte de salaire en cas de chômage technique ou d’arrêt maladie. La réponse fut courte et claire : le chômage technique coûtait assez cher au gouvernement. Nous vous invitons à consulter le site de l’Assemblée à la rubrique Feuilleton et préavis et vous pourrez ainsi apprécier la force d’un engagement au service de La Réunion.
S. L.
Source : temoignages