1. Axes du colloque
1.1 Premier axe : L’analyse des grands flux migratoires et des logiques de circulation internationale des étudiants
La mobilité universitaire s’est accélérée ces dernières années, prenant des formes nouvelles. Il existe plusieurs logiques de circulation internationale :
- Les logiques traditionnelles de circulation vont des pôles universitaires périphériques et dominés vers les pôles centraux et dominants.
- Les nouvelles logiques de mobilité, comme celles induites par le système LMD, visent à l’homogénéisation des différents systèmes nationaux.
- Il existe aussi d’autres logiques qu’il sera intéressant d’analyser. Ainsi la circulation des étudiants entre pays pauvres, entre pôles dominés. Les universités indiennes, indonésiennes et chinoises, par exemple, attirent des centaines d’étudiants en provenance de l’Afrique et du Moyen-Orient. Et sur le continent africain, on note, en plus de la mobilité traditionnelle d’étudiants d’un pays de l’Afrique à un autre, la circulation de professeurs qui semble bénéficier essentiellement à l’Afrique du Sud dont les universités attirent, depuis la chute de l’apartheid, des enseignants en provenance de pays anglophones de grande tradition de recherche, mais économiquement essoufflés, tels que le Nigéria et le Cameroun[4].
Les questions qui seront à débattre dans le cadre de cette session sont les suivantes : Quelles sont les logiques des migrations estudiantines ? De quels pays viennent les étudiants et vers quelles universités se dirigent-ils? Quel est le niveau d’attraction des différentes disciplines ? La hiérarchie des savoirs recherchés par les étudiants et celle des savoirs proposés par les universités sont-elles toujours concordantes ? Comment évolue la hiérarchie des pays exportateurs/ importateurs d’étudiants ? Note-t-on des transformations depuis la fin de la guerre froide ? La mobilité des étudiants révèle-t-elle une spécialisation des pays ? Le cas échéant, cette spécialisation est-elle en rapport avec des variables telles que l’origine sociale, le sexe, le capital scolaire initial, le projet professionnel des migrants ?
L’analyse de ces transformations passe par celle des logiques des acteurs. Il s’agira d’analyser les usages différenciés que font les groupes sociaux des différentes formations. Les études supérieures à l’étranger jouent, dans de nombreux pays, le rôle d’école de pouvoir et les futurs membres des classes dirigeantes effectuent souvent une part importante de leur formation à l’étranger[5]. Comment évolue cette place de l’étranger dans différentes configurations nationales ? Sont-ce toujours les élites qui s’internationalisent ? Une enquête sur les étudiants marocains en France montre qu’il faut complexifier ce modèle : à côté des « héritiers » traditionnellement formés à l’extérieur du Maroc, d’autres groupes cherchent une formation à l’étranger : les « pionniers », premiers de leur parentèle à faire des études supérieures, ou les « aventuriers », issus des fractions inférieures des classes moyennes qui réalisent à travers leur trajectoire, une entreprise innovante[6]. Réciproquement, les études sur le sol national ne sont pas toujours un choix « par défaut ». Dans le cas du Maroc, les écoles d’élite ont conservé leur prestige et résistent à la concurrence des formations internationales privées. Peut-on faire l’hypothèse que les formations internationales privées sur le sol national jouent un rôle de « substitut » (ou de « second choix ») aux études à l’étranger ? Comment s’articulent les hiérarchies sociales et la hiérarchie des filières de formation ?
Au-delà de la question du sens des flux migratoires estudiantins, se pose la question de la nature des dynamiques actuelles. Il s’agira de se demander dans quelle mesure les expériences actuelles se démarquent des pratiques qui étaient courantes jusqu’au milieu des années 1980. La plus large fraction des mouvements migratoires s’opérait alors suivant un schéma Périphérie – Centre – Périphérie. Le Centre fonctionnait comme une sorte de lieu de transit, dans un contexte où les systèmes politico-administratifs des Etats d’Afrique subsaharienne avaient une capacité d’absorption élevée des cadres formés à l’étranger[7]. La tendance, tout au long des vingt dernières années, n’a-t-elle pas été au développement d’une dynamique de sédentarisation se traduisant par l’établissement durable, quand ce n’est pas définitif, des migrants estudiantins dans les ex-métropoles[8] ? Dans quelle mesure ce phénomène structure-t-il les options des universités du Sud ?