1.3 Troisième axe : Circulation des savoirs : savoirs publics/savoirs privés
Il s’agira dans cette session d’étudier la circulation des savoirs entre des lieux ou des espaces inégaux : les rapports de force entre les Etats se jouent aussi au niveau des savoirs. On retrouve la permanence d’une division du travail savant. L’opposition entre le centre qui produit les théories et les périphéries qui collectent les informations n’est en effet pas sans rappeler le clivage entre les savants européens et les informateurs indigènes. Mais cette main mise a aussi généré des stratégies de subversion, avec la logique d'itinérance des intellectuels lettrés au sein des empires[15]. Il sera particulièrement intéressant de se pencher sur les modes d'entrée dans une communauté savante, en prenant en compte les notions de transfert, de traduction, de métissage et d’hybridation.
Cette circulation des savoirs ne sera pas envisagée uniquement dans les institutions d’enseignement. Il faudra être attentif à ses autres circuits. Parallèlement à la réduction des moyens mis à disposition des universités publiques et à la fermeture de structures d'enseignement supérieur, se développe en effet dans les pays émergents un savoir privé, détenu par des bureaux d'études qui sont parfois les seuls prestataires de formations offertes aux nombreux nouveaux élus locaux. Les contenus transmis, sous couvert d'ingénierie sociale ou politique, véhiculent le plus souvent des conceptions strictement anglo-saxonnes de la démocratie.
Des enquêtes détaillées sur les offres de formations ou de renforcement des capacités et sur l’instrumentalisation locale par les experts eux-mêmes de ces programmes et de leurs contenus, permettraient de tracer le panorama du versant non universitaire des circulations de modèles et de schèmes de pensée, qui peuvent handicaper les acteurs locaux dans leurs efforts pour théoriser des situations non adaptées aux standards occidentaux d’analyse. Cela devrait permettre également d’imaginer des dispositifs qui soustraient ces savoirs à l’accaparement privé ou administratif, en les mettant par exemple à disposition des universités ou des collectivités territoriales. Aujourd’hui, au Mali, par exemple, les archives des structures d’appui aux collectivités territoriales sont devenues propriétés de l’administration, privant les collectivités d’une partie des données qui ont été produites sur elles depuis leur installation en 1999. Et il arrive que les ONG ou les bureaux d’études gardent par-devers eux les études qu’ils ont réalisées sur un territoire. Un savoir public est un savoir qui circule. En quoi les nouvelles technologies de l’information contribuent-elles (ou non) à cette accessibilité des savoirs ?[16]