Le Mali est l’un des pays au taux de scolarisation les plus faibles. Or pour prétendre au démarrage économique, un pays doit atteindre un taux d’au moins 50% scolarisation.
En remontant l’histoire de ce pays, du temps colonial à 1994, en passant par la réforme de l’enseignement de 1962, les statistiques ont toujours indiqué une faiblesse du taux de scolarisation: 7% en 1960, 30% en 1988, et 32% en 1994.
Sur ces taux déjà insuffisants, le plus faible revient toujours au filles. En plus de sa faiblesse, le taux de scolarisation des filles se caractérise par de grandes disparités régionales et locales. Certains parents et personnes ressources du district de Bamako, de Kayes, Nioro et Sikasso ont livré leurs impressions sur la scolarisation des filles.
Pour la scolarisation des filles
Selon Mme Diarra Kadiatou Djoueté parente d’élève et enseignante à l’école fondamentale de Badalabougou, “la responsabilité des filles passe par leur éducation. Toute chose qui veut dire que la scolarisation des filles permet de construire une société plus équitable, tout en renforçant leur capacité à se prendre en charge et à effectuer des choix informés en matière de santé et d’alimentation. Elle favorise aussi une meilleure qualité alimentaire, le réflexe de la vaccination, la lutte contre le VIH/Sida et contre les pratiques néfastes à la santé des filles. Elle permet de réduire la mortalité maternelle et infantile et favoriser l’espacement des naissances.”
Quant à Mme Konaté Korotoumou Ballo, ménagère à Bamako, elle estime que la scolarisation des filles donne l’occasion aux femmes de faire entendre leur voix en tant que citoyennes, ce qui contribue à la mise en place d’une société plus démocratique, quand on sait que la fille d’aujourd’hui est la femme de demain.
A l’en croire, de l’éducation des filles est synonyme de progrès constant, car elle permet de former les enseignantes de demain qui, à leur tour, formeront les prochaines générations. Elle a par ailleurs noté qu’éduquer les filles et les femmes rurales permet d’améliorer la qualité de l’alimentation et augmenter la production agricole, tout en appuyant des programmes visant à améliorer la sécurité sanitaire des aliments et visant à renforcer leur capacité d’apprentissage à l’aide de techniques d’information et de communication. Car les femmes rurales sont un maillon essentiel du développement agricole. Alors, il faut absolument qu’elles puissent obtenir une place aux côtés des hommes comme participantes et bénéficiaires des programmes de vulgarisation servant à informer sur les nouvelles technologies dans le domaine de l’agriculture, dira t-elle.
Au Mali, le système éducatif est confronté à des difficultés. Le nombre d’écoles est insuffisant, elles sont aussi trop petites pour accueillir tous les enfants et sont souvent éloignées des villages. Les enseignants ne sont pas assez nombreux, surtout en milieu rural, dira Mme Hiry Maguiraga, conseillère chargé de la scolarisation des filles au CAP de Nioro, depuis octobre 1995.
Les pesanteurs sociales et culturelles
Selon Mme Hiry Maguiraga, les statuts traditionnels de la femme ou de la fille, les tabous existant autour de certains sujets, et la participation encore insuffisante des femmes à la politique, entravent la scolarisation des filles. Elle a également évoqué le cas des filles qui abondonnent l’école en raison de certains “accidents”, tels que les mariages précoces, les grossesses primaturées, un calendrier journalier chargé...
Elle a aussi noté que la taille de la famille et ses revenus insuffisants ne favorisent pas la scolarisation des filles. C’est pourquoi, dira t-elle, avec son implication et celle des partenaires, les CAP de Djéma, Nioro et de Yélémané en registrent de nettes améliorations en matière de scolarisation des filles.
A l’en croire, avant, les trois cercles étaient à 8%, et de nos jours, seule la ville de Nioro est à 67% et Sandaré, à 55%. De l’explication de Mme Hiry, le taux le plus faible dans le cercle de Nioro, en matière de scolarisation des filles, se trouve à Diaykoura.
Des femmes témoignent
“En tant que la chargée de la scolarisation des filles, je me charge surtout des filles de parents défavorisés qui n’ont souvent même pas d’actes de naissance et les moyens pour se procurer des fournitures. Ces cas sont gérés par l’aide au développement social. Chaque année, on peut inscrire 20 à 30 filles à l’école. Cette année, au CEP, les filles de Djéma, Gogui, Diaykourou et Hawoye ont fait 100%. Alors qu’avant, ils n’y avait pas de filles en 6e année dans lesdites localités. Je suis très fière aujourd’hui qu’il y ait progrès au niveau de mon cercle et les environs. Pour moi, l’école complète l’éducation familiale, alors je demande aux parents de maintenir les filles à l’école pour donner plus de points à la scolarisation des filles.”
Pour la conseillère technique, Mme Cissé Mariam Touré, du fait de la qualité de l’éducation dans les académies de Kayes et Kita, il y a trop de déperdition scolaire dans la région de Kayes, dûe au mariage précoce des filles, d’où un grand écart de 30 points entre les filles et les garçons, alors que le taux national est de 20. “Cette question est un sérieux problème. Même si les filles acceptent d’aller à l’école, le problème de leur maintien demeure pertinent”, dira t-elle.
Selon Mme Cissé Mariam, dans le souci de maintenir les filles à l’école, il a été question d’initier une “bourse maman” d’une somme de 5000 FCFA, qu’on donne aux mamans pour qu’elles laissent les filles étudier. Comme message, elle a recommandé aux parents “d’être conscients, parce que la réussite de la fille est celle de la famille l’éducation.”
Quant à la directrice de l’école fondamentale de Nioro III, Mme Touré Adam Aïchata Doucouré,elle déclare: “Je suis directrice d’école depuis mars 1987, ça fait ma 20ème année de direction. Par rapport à la scolarisation des filles, je constate un très grand changement, puis qu’avant, le nombre de filles scolarisées étaient très limité. Mais avec la sensibilisation et les actes posés par l’UNICEF, tels que la création des écoles “Amis des enfants”, et “Amies des filles”, ces trois dernières années, il y a eu un grand changement par rapport à cette question. Pour preuve concrète, cette année, dans mon école, il y a plus de filles que de garçons.
Donc c’est un fait qui est réel et à encourager. Comme il est dit, la scolarisation des filles, c’est dans l’intérêt de toute la nation. Cet avantage n’est ignoré de personne. Mais seulement, le problème se situe au niveau de la population, surtout que la plupart de la population de Nioro sont des peulhs et des sarakolés, des ethnies hostiles à l’école. Mais Dieu merci, avec la politique du pays et avec les postes de responsabilité confiés aux femmes, on pousse les parents à inscrire leurs filles à l’école. Quand même, aujourd’hui à Nioro, les filles sont scolarisées à 67%. Mais il faut le maintien des filles à l’école, pour le développement durable”
Selon Mme Fayenké Fatoumata Berthé, l’initiative d’assurer l’accès des filles à l’éducation et d’améliorer la qualité de leur formation doit être le souci constant de tous, car tout développement passe par l’éducation.
C’est pourquoi le département de l’éducation, avec l’aide des partenaires a initié un vaste programme dans lequel le volet scolarisation des filles a été inséré. Selon Mme Fayenké, c’est en novembre 1992 que le volet a vu le jour en 3e région, à travers la mise en place de la cellule régionale de scolarisation des filles. Elle a donné naissance à des cellules locales au niveau de chaque inspection de l’enseignement fondamental: cinq à l’époque, et onze CAP actuellement, dont 8 à l’académie d’enseignement de Sikasso et 3 à l’académie d’enseignement à Koutiala.
En 1992, le taux brut de scolarisation des filles en 3e région était de 15,9%. Mais aujourd’hui, on est à plus de 30% ,toute chose qui explique une nette amélioration de taux.
Pourtant l’objectif principal visé est de porter le taux bruit de scolarisation des filles de 34% à 70%, en l’an 2008, pour permettre aux filles d’aller le plus loin possible dans les études.
De l’avis de Mme Fayenké Fatoumata Berthé, malgré la perception globale du message, certaines zones restent toujours réticentes à la scolarisation des filles, d’où na nécessité de continuer la mobilisation sociale autour de la question.
Elle a par ailleurs noté que forte des constat du faible taux de la scolarisation des filles, surtout dans les zones rurales des 8 CAP, la section scolarisation des filles de l’académie d’enseignement de Sikasso a programmé une campagne de sensibilisation des parentes dans les villages ciblés.
A l’en croire, l’objectif de cette campagne est d’améliorer le taux de scolarisation des filles de l’académie d’enseignement de Sikasso. La méthodologie utilisée a été la causerie- débats qui comportait deux axes: les causes paralysant l’accès et les causes paralysant le maintien.
Selon Mme Fayenké, les causes paralysant l’accès des filles sont le refus du prétendant, et le fait que les filles sont des nourrices. Comme causes paralysant le maintien, elle a cité entre autres, les travaux domestiques, les grossesses non désirées, le manque de suivi, la recherche des trousseaux, les mariages précoces et forcés, la démission des parents, la pauvreté, la non orientation des élèves, l’enlèvement des filles par les jeunes garçons, le problème d’acte de naissance...
Pour conclure, elle souhaite l’implication de tous pour la réussite des filles dans cette vie. Quoi qu’il en soit, le développement d’une société ou d’un pays est lié à son niveau d’instruction et singulièrement au savoir et au savoir- faire et des filles.
Mariétou KONATÉ, SOIR de BAMAKO